Diagnostic pas à pas
Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
92
Vésicules • Pustules • Nou-
veau-né.
Vesicles • Pustules • Neonate.
Légendes
Figures 1 et 2. Éruption di use constituée
de lésions vésiculeuses ombiliquées évoluant
vers des pustules et des croûtes.
Cas clinique
Une éruption vésiculo-pustuleuse
du nouveau-né
A newborn girl with vesicles and pustules
S. Barbarot (Service de dermatologie, CHU de Nantes)
Un nouveau-né de sexe féminin âgé de 18 jours est adressé par le médecin
généraliste pour une éruption cutanée vésiculo-pustuleuse di use. Les
lésions ont débuté au deuxième jour de vie. Il s’agit de vésicules sur une peau
saine. Certaines lésions sont ombiliquées. Les vésicules évoluent en quelques
jours vers des pustules puis vers des croûtes jaunes. Il existe également quelques
éléments micropapuleux érythémateux ( gures 1 et 2). Les lésions touchent le
tronc et le cuir chevelu. Il n’y a pas de lésions dans les plis. Le nouveau-né est en
bon état général, apyrétique, sans adénopathie ni organomégalie.
Il s’agit du premier enfant d’un couple sans antécédents familiaux. La grossesse
s’est bien passée. Le nouveau-né est né à terme (40 SA, 3 105 g). Il n’y a pas de
signe d’infection materno-fœtale en dehors de plusieurs épisodes de candidose
vaginale pendant la grossesse. La mère n’a jamais eu la varicelle.
Étape 1 : reconnaître une dermatose pustuleuse bénigne
transitoire
Cette première étape est uniquement clinique. Trois diagnostics sont possibles.
L’érythème toxique néonatal
est une éruption très fréquente qui survient au cours des
4 premiers jours de vie. Il s’agit le plus souvent de papules érythémateuses urticariennes
d’une taille de 1 à 3 cm, nombreuses, diffuses, épargnant les paumes et les plantes, dispa-
raissant spontanément en 4 jours. Les lésions sont parfois pustuleuses (30 % des cas).
Rarement, l’éruption apparaît tardivement, après 10 jours de vie, et peut être récurrente
jusqu’à 6 semaines de vie. L’érythème toxique semble plus fréquent chez le nouveau-né
mature et à partir de la deuxième grossesse. L’état général est toujours conservé.
La pustulose mélanique transitoire
est considérée le plus souvent comme une
forme clinique d’érythème toxique, plus fréquente chez les nouveau-nés à peau noire.
Cliniquement, il s’agit d’une éruption pustuleuse localisée surtout au tronc et aux
fesses évoluant en quelques jours vers une pigmentation maculeuse persistant quel-
ques semaines, recouverte d’une squame facilement détachable. Le début est très
précoce, souvent dès la naissance.
La pustulose céphalique bénigne transitoire
: Bien que d’origine fongique, cette
éruption est classée dans les dermatoses bénignes transitoires. Elle apparaît après
7 jours de vie. Elle est monomorphe, constituée de pustules de petite taille non folli-
culaires sur base érythémateuse siégeant sur la face, parfois sur le cuir chevelu et
la partie haute du thorax. Cette affection, probablement assez fréquente, était autre-
fois confondue avec les autres pustuloses néonatales transitoires (érythème toxique,
pustuloses éosinophiliques du cuir chevelu, miliaires) ou décrite comme une forme
clinique d’acné néonatale, cependant il n’existe ni comédon ni microkyste. L’iden-
tifi cation de levures de type
Malassezia furfur
ou
Malassezia sympodialis
dans les
pustules et l’effi cacité habituelle du traitement antifongique local (imidazolé ou ciclo-
piroxolamine) suggère que cette dermatose est d’origine mycosique.
Référence bibliographique
Minkov M, Prosch H, Steiner M et al. Lange-
1.
rhans cell histiocytosis in neonates. Pediatr
Blood Cancer 2005;45(6):802-7.
Synthèse de l’étape 1
– Arguments pour une dermatose bénigne transitoire : état général conservé ;
– Arguments contre une dermatose bénigne transitoire : durée de l’éruption, absence
de lésions urticariennes, présence de vésicules ombiliquées et de croûtes.
Le diagnostic n’est pas établi lors de l’étape 1, il est donc nécessaire de passer à la
deuxième étape.
Diagnostic pas à pas
Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
93
1
2
Éruption vésiculo-pustuleuse du nouveau-né
Étape 1 : reconnaître une dermatose
pustuleuse bénigne transitoire
Étape 3 : évoquer une pustulose
non infectieuse rare
Étape 2 : rechercher une cause
infectieuse
Examen clinique
Biopsie cutanée
Prélèvements
– virologiques
– bactériologiques
– mycologiques
Érythème toxique néonatal
Pustulose mélanique transitoire
Pustulose céphalique bénigne transitoire
Histiocytose langheransienne
Génodermatose
Incontinentia pigmenti
– Syndrome HyperIgE
Infection herpétique
Varicelle néonatale
Septicémie bactérienne
Syphilis congénitale
Impétigo néonatal
Candidose
Cas clinique
Diagnostic pas à pas
Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
94
Cas clinique
Étape 2 : rechercher une cause infectieuse
Les causes infectieuses doivent être rapidement et activement recherchées devant
une éruption pustuleuse du nouveau-né en raison de leur fréquence et de leur gravité
potentielle. Les prélèvements adéquats doivent être réalisés et un traitement anti-
biotique ou antiviral doit être instauré au moindre doute.
Par ordre de gravité, on doit éliminer différents diagnostics.
Une infection herpétique
L’herpès néonatal est rare mais grave du fait des complications neurologiques et
viscérales possibles. La contamination, due à HSV-2 dans deux tiers des cas, est le
plus souvent liée à un contact direct avec les muqueuses maternelles lors de l’accou-
chement. Le risque est plus élevé en cas de primo-infection maternelle, symptoma-
tique ou non, dans le mois précédant l’accouchement. La contamination fœtale peut
plus rarement être due à une transmission transplacentaire du virus au cours d’une
primo-infection maternelle avec virémie, ou à une transmission postnatale, parfois
nosocomiale. Dans les deux tiers des cas d’herpès néonatal, aucune infection herpé-
tique génitale maternelle n’est retrouvée.
Les signes cutanés apparaissent à partir du cinquième jour de vie, il s’agit de vési-
cules ou de pustules regroupées en bouquet. Les signes extracutanés doivent être
recherchés activement car ils conditionnent le pronostic : signes neurologiques
(méningo-encéphalite), ophtalmologiques (kérato-conjonctivite) et hépatiques. Les
formes cutanéo-muqueuses pures ont un bon pronostic.
Le diagnostic est confi rmé par la recherche d’antigènes d’HSV par immunofl uores-
cence sur les prélèvements cutanés (réponse en quelques heures) et par culture
virale. Les sérologies n’ont pas d’intérêt. Des prélèvements viraux ophtalmologiques
et pharyngés sont réalisés systématiquement à 48 et 72 heures.
Le traitement antiviral doit être précoce, instauré au moindre doute, sans attendre
les résultats des prélèvements. L’acyclovir est administré par voie intraveineuse à la
dose de 60 mg/kg/j pendant 14 jours pour une forme cutanéo-muqueuse localisée. Si
l’évolution et les résultats du bilan virologique infi rment le diagnostic, le traitement
est interrompu. Les nouveau-nés doivent être surveillés étroitement dans les mois
qui suivent l’infection, et il faut rechercher des signes de rechute.
Une varicelle néonatale
Elle est due à une primo-infection fœtale à VZV acquise le plus souvent au cours d’une
varicelle maternelle après 20 semaines d’aménorrhée. Le délai d’incubation est de
15 jours. Le tableau clinique peut être grave en cas de contamination périnatale (de
5 jours avant l’accouchement jusqu’à 48 heures de vie) associant broncho-pneumopa-
thie, méningo-encéphalite et hépatite. La varicelle postnatale est moins sévère ; elle
survient entre le 10e et le 28e jour de vie.
Les lésions cutanées sont des papules érythémateuses diffuses évoluant vers des
vésiculo-pustules à centre ombiliqué. Il existe des éléments d’âges différents. Le
diagnostic est confi rmé par la recherche d’antigènes viraux par immunofl uorescence
sur prélèvement cutané. Le traitement doit être administré précocement, par voie
intraveineuse : acyclovir, à la dose de 20 mg/kg toutes les 8 heures. Il est recom-
mandé de traiter le nouveau-né systématiquement en cas de varicelle maternelle
apparue entre 5 jours avant l’accouchement et 48 heures après l’accouchement.
Une septicémie bactérienne
– Septicémie à
Listeria monocytogenes
L’incidence des infections néonatales à
Listeria
est actuellement de 1 %.
Listeria
monocytogenes
est un bacille Gram positif aérobie présent dans les viandes ou
certains fromages à pâte crue contaminés. Les signes cliniques de l’infection mater-
nelle sont peu spécifi ques : syndrome pseudo-grippal, éruption cutanée fugace. Les
cas sont le plus souvent sporadiques mais de petites épidémies sont possibles. Sur le
Diagnostic pas à pas
Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
95
Cas clinique
plan dermatologique, le diagnostic d’infection néonatale à
Listeria monocytogenes
est
évoqué devant l’apparition de maculopapules parfois purpuriques puis de pustules
de petite taille sur base érythémateuse, diffuses, dans le contexte d’une infection
materno-fœtale plus ou moins grave. Les lésions peuvent apparaître plusieurs jours
après la naissance en cas de contamination materno-fœtale tardive, compte tenu
du délai d’incubation (environ 3 semaines). Un prélèvement bactériologique sur le
contenu d’une pustule met en évidence le germe à l’examen direct. L’antibiothérapie
(amoxicilline et aminoside) par voie intraveineuse doit être instaurée d’urgence.
– Septicémie à streptocoque B
Les septicémies à streptocoque B sont souvent responsables d’un sepsis sévère chez
le nouveau-né.
Une syphilis congénitale
La syphilis congénitale est due à une contamination transplacentaire par
Treponema
pallidum
à partir du quatrième mois de grossesse. La contamination pernatale à partir
d’un chancre génital maternel est rare. Les lésions cutanées, comme chez l’adulte,
sont polymorphes. Des vésicules ou des bulles palmo-plantaires sont évocatrices,
associées à un coryza purulent, des lésions papuleuses du tronc, des fi ssures péri-
buccales. Les signes extracutanés sont une hépato-splénomégalie, un décollement
épiphysaire des os longs et des signes neurologiques. Le diagnostic est confi rmé par
la sérologie, en particulier le FTA-Abs IgM. En cas de doute sur l’interprétation de la
sérologie, il est préférable de traiter le nouveau-né par pénicilline. L’augmentation
récente de l’incidence de la syphilis en Europe doit conduire à une vigilance accrue en
termes de dépistage et de traitement précoce des femmes enceintes atteintes.
Un impétigo néonatal
L’impétigo néonatal est une dermo-épidermite aiguë bactérienne non immunisante
et très contagieuse due à
Staphylococcus aureus
. La co-infection par le streptocoque
A β-hémolytique semble moins fréquente chez le nouveau-né que chez le nourrisson
et l’enfant. Les infections staphylococciques sont souvent nosocomiales.
Le diagnostic doit être évoqué devant une éruption pustuleuse ou bulleuse néo natale.
Les pustules siègent sur une base érythémateuse et peuvent se regrouper. Elles
évoluent vers des croûtes méllicériques avant la guérison sous traitement, sans
séquelle. Les bulles peuvent s’associer aux pustules ou être isolées. Elles sont fragiles
(certains groupes phagiques de
Staphylococcus aureus
, essentiellement groupe II,
isotypes 55 et 71, produisent des toxines exfoliantes capables d’induire un clivage intraé-
pidermique), facilement rompues par le moindre traumatisme et évoluent rapidement
vers une érosion postbulleuse recouverte d’une croûte. Les localisations préférentielles
de l’impétigo néonatal sont les plis, la région du siège, la région péribuccale et la région
périombilicale. L’état général est conservé. On doit systématiquement rechercher un
foyer infectieux locorégional (omphalite, conjonctivite) ou général (ORL, pulmonaire,
osseux). La diffusion des toxines exfoliantes à distance du foyer infectieux initial, par
voie hématogène, explique l’extension rapide des bulles au cours de l’impétigo néonatal,
réalisant au maximum le tableau d’épidermolyse aiguë staphylococcique.
L’examen direct et la mise en culture du contenu d’une pustule ou d’une bulle permettent
souvent de confi rmer le diagnostic par la mise en évidence de
Staphylococcus aureus
.
Une antibiothérapie locale (mupirocine ou acide fucidique, x 2/ j pendant 8 jours) n’est
indiquée qu’en cas de lésions localisées et sous surveillance stricte des critères de
guérison. Dans tous les autres cas et chez le prématuré, une antibiothérapie générale
probabiliste active sur les cocci Gram positif (β-lactamines de type oxacilline, macrolides
ou vancomycine en fonction de l’antibiogramme) est indiquée pour une durée de 7 jours.
Une candidose
Candida albicans
est responsable de 90 % des infections mycosiques néonatales. La
contamination est le plus souvent materno-foetale prénatale (par voie ascendante
Diagnostic pas à pas
Images en Dermatologie • Vol. I • n° 3 • juillet-août-septembre 2008
96
Cas clinique
à partir d’un foyer vaginal ou, rarement, par voie hématogène transplacentaire),
per natale ou postnatale. Elle est parfois nosocomiale, particulièrement chez les
prématurés. On décrit 2 formes cliniques différentes chez le nouveau-né à terme.
– Candidose néonatale localisée
Il s’agit de la forme la plus fréquente et la moins grave. La contamination est
per natale ou postnatale. Les lésions apparaissent entre 7 et 15 jours de vie sous
forme d’un muguet buccal et d’une dermite périanale érythémateuse pour s’étendre
secondairement aux plis inguinaux et axillaires et parfois à la région périombilicale.
Des pustules de petite taille sont souvent observées en périphérie des lésions. Le
diagnostic est confi rmé par l’examen direct du contenu d’une pustule et la mise en
culture sur milieu de Sabouraud. Le traitement est local : imidazolés topiques ou
cyclopyroxolamine pendant 2 semaines, souvent associés à un traitement digestif de
type nystatine (40 000 UI/ kg x 3/ j pendant 21 jours).
– Candidose congénitale
Le mode de transmission est ici prénatal. L’éruption cutanée est inconstante, elle débute
dès la naissance par des macules érythémateuses évoluant vers des vésiculo-pustules
touchant le tronc, les paumes et les plantes et parfois les ongles avec périonyxis associé.
La région du siège et les muqueuses sont souvent épargnées. Le pronostic dépend des
atteintes viscérales associées : neurologique (20 à 60 % des cas), rénale (50 % des cas),
rétinienne (25 à 50 % des cas), pulmonaire (25 % des cas). Les facteurs de risque de candi-
dose disséminée sont la prématurité, la présence d’un corps étranger intra-utérin, une
antibiothérapie à large spectre, une corticothérapie maternelle ou fœtale, l’utilisation de
sondes endotrachéales ou de cathéters centraux. Certains signes biologiques sont évoca-
teurs : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles > 30 000/mm3 avec myélémie,
thrombopénie, CRP normale. Le traitement est urgent et repose sur l’amphotéricine B
par voie intraveineuse associée au 5-fl uorocytosine relayé par le fl uconazole seul.
Étape 3 : évoquer une pustulose non infectieuse rare
Cette étape nécessite une biopsie cutanée. Deux groupes de causes possibles doivent
être évoqués à ce stade.
Une histiocytose langheransienne
Le pronostic des histiocytoses langerhansiennes de l’enfant dépend du nombre
d’ organes atteints par la prolifération clonale. Les formes néonatales localisées
à la peau sont d’excellent pronostic car l’involution spontanée des lésions est
fréquente
(1)
.
Synthèse de l’étape 2
Le nouveau-né est hospitalisé aux urgences. Les paramètres vitaux sont normaux.
Le bilan biologique ne retrouve pas de signes de sepsis bactérien (hémoculture
négative, paramètres infl ammatoires normaux ; hémogramme, fonction rénale,
bilan de coagulation, glycémie et bilan hépatique normaux). Une ponction lombaire
et un prélèvement urinaire sont réalisés. On demande également des prélèvements
bactériologiques et virologiques recto-vaginaux chez la mère. L’absence d’antécé-
dent de varicelle chez la mère et le tableau clinique font suspecter une varicelle
néonatale ou une infection herpétique. On réalise alors des prélèvements viraux
(HSV, VZV) par frottis d’une vésicule pour immunofl uorescence directe et un trai-
tement par acyclovir i.v. est entrepris. Des prélèvements bactériologiques et myco-
logiques sont également effectués sur le contenu d’une pustule. On décide de
commencer une antibiothérapie probabiliste par voie i.v. malgré l’absence de signes
infectieux (amoxicilline, gentamycine). Vingt-quatre heures après l’admission, les
prélèvements viraux, bactériologiques et mycologiques sont négatifs chez l’enfant
et la mère. Le nouveau-né est toujours en excellent état général. Il est décidé d’in-
terrompre les traitements antiviraux et antibiotiques. Le diagnostic n’est toujours
pas établi, il est donc nécessaire de passer à la troisième étape.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !