La Fêlure du Papillon - Les Alentours Rêveurs

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La Fêlure du Papillon
Cie les alentours rêveurs
Serge Ambert
Tomá Bo il
COPRODUCTION : les alentours rêveurs, Institut Français de Prague, Théâtre Ponec et Tanec
Praha, ville de Prague 3, Ballet National de Marseille (accueil studio 2004), Ballet de l'opéra
national du Rhin - Centre Chorégraphique National - Accueil Studio 2004, Conseil Général de la
Nièvre, Maison de Bourgogne de Prague/Conseil régional de Bourgogne.
Avec le soutien de l'Association la Folia /Christine Bastin, la Chapelle à Montpellier, la Mairie de
Corbigny, le Centre National de la Danse à Pantin pour le prêt de studio.
La Fêlure du Papillon
… à G. Noël
Pièce chorégraphique pour deux danseurs et un moniteur vidéo
Chorégraphie : Serge Ambert
Interprètes : B tka Májová et Serge Ambert
Images vidéo : Sláva Sobotovi ová
Création lumière : Patrick Debarbat
Costumes : Magdalena Prousková
Univers sonore : AltiM
Cie les alentours rêveurs
Serge Ambert
Abbaye de Corbigny
58800 Corbigny
Téléphone : 03 86 20 17 42
Courriel : [email protected]
Administration : Géraldine Pouthier
La Compagnie les alentours rêveurs est accueillie en résidence-implantation par la
ville de Corbigny. Elle est subventionnée par le Ministère de la culture/DRAC
Bourgogne au titre de l’aide à la compagnie chorégraphique, par le Conseil régional
de Bourgogne dans le cadre d’une convention de projet de territoire et par le Conseil
Général de la Nièvre.
A propos de...
L'envie de parler de l'enfermement, de la perception déformée de la réalité, de la dualité et des duels
intérieurs que chacun se livre.
La schizophrénie comme point de départ afin de chercher le mouvement intérieur, celui qui fissure
l'en dedans amène le mouvement désordonné, la recherche du risque.
La confrontation à l'Être intérieur, la bascule, l'épuisement, la montée dans la joie
... du gris vers la couleur
Tomá Bo il
« Mais quel est donc ce mal qui m'étreint ?
Ce Mal enfoui !
Où mène ce couloir au long duquel s'alignent des portes ouvrant toutes sur des voies
labyrinthiques ?
Qui est donc cet autre moi plein de couleur et de vie et qui me regarde droit dans les yeux à
travers ma propre grisaille ? »
ü
Itinéraire
Serge AMBERT
(chorégraphe interprète)
Le parcours de Serge Ambert se caractérise par une grande pluridisciplinarité.
Après une formation en danse et en musique il débute sa carrière d interprète en qualité de
comédien auprès de Brigitte Mercier et Hans Peter Cloos, puis il est engagé en 1983 dans le ballet de
Opéra de Lyon. Il travaille ensuite avec différents chorégraphes, se confrontant alors à des
répertoires variés; néo-classique avec Christian Taulelle, contemporain avec Andy Degroat, Jean
Guizerix et Wilfride Piollet, et baroque au sein de la Cie Ris et Danceries dans des chorégraphies de
François Raffinot, Francine Lancelot, Beatrice Massin et Ana Yepes. Il interprètera le solo du
Sommeil dans l opéra « Athis ».
En 1993, il intègre la Cie Christine Bastin pour plusieurs pièces (« Gueule de Loup », « la Polka du
Roi », « Première Neige », « Be », « Out of Brad ») et travaille auprès d elle en tant qu assistant à la
création de la pièce « Elle et Lui » dont il a par ailleurs réalisé l univers sonore. Il poursuit aussi sa
carrière d interprète aux cotés de Jacques Fargearel et auprès de Frédéric Lescure pour la pièce«
Vents Vivants ». Il retrouve le monde du théâtre en 1999 avec la création au Festival d Avignon en
tant que comédien du texte de Gilles Ribadeau-Dumas : « T as tort Totor ».
Débutant son travail de chorégraphe dès 2001 avec un solo « la Sentinelle », puis « Cestou s ni » («
Voyage avec Elle » ), pièce pour huit interprètes féminines créée a Prague, il fonde sa propre
compagnie les alentours rêveurs en 2003. Rapidement les projets de la compagnie trouvent des
soutiens dans la région Bourgogne et en République tchèque où son travail est reconnu depuis
plusieurs années.
Suivent quatre créations : « La Fêlure du Papillon » (2004), duo sur la schizophrénie et le duel
intérieur intégrant un travail avec une vidéaste slovaque ; « Les âmes perdues » (2005), solo
témoignant de l exil et du déracinement ; « Signature(s) » (2006), déambulatoire chorégraphique
mêlant comédien, musiciens et danseurs, et s adaptant aux différents lieux (créée en République
tchèque) ; « Desirata » (2007) traitant de la relation de désir et de séduction au travers des danses de
bal et intégrant un quatuor de musique contemporaine.
Depuis septembre 2006 la compagnie les alentours rêveurs est accueillie en résidence-implantation à
Corbigny dans la Nièvre.
Serge Ambert poursuit sa collaboration avec la République tchèque avec un projet sur le thème des
insectes qui se déclinera sur plusieurs années (premier volet « Ephémère » présenté au printemps
2007 à Prague).
Sa dernière création « Fleurs sanglantes » (2009), duo pour deux hommes, évoque le Japon et la
relation des hommes à leur féminité et à leur propre violence au travers des thèmes des Onnagata
(rôles de femmes joués par des hommes dans le théâtre japonais) et du Seppuku (suicide ritualisé).
Par ailleurs il développe un travail d ateliers en hôpital psychiatrique auprès de patients et
notamment au CHS de Dijon. Un film témoignage de cette expérience fut réalisé par Florent Jullien :
« Sur le fil du fil des Saisons ». Afin d achever son travail sur la schizophrénie commencé avec « la
Fêlure du Papillon » il prépare un solo inspiré de la maladie de Nijinski et qui sera présenté en à
Prague au printemps 2010.
Répondant à une commande, Serge Ambert a chorégraphié « Carnaval des animaux » pour le Ballet
du duo/dijon en 2005.
autre part il collabore régulièrement avec d autres artistes : la compagnie de théâtre de rue
Métalovoice, le duo de musiciens Mécanique acoustique, le musicien Patrice Bailly (Collectif Zazen),
Jean Bojko et le TéATr'éPROUVèTe.
Itinéraires bis
Sláva SOBOTOVICOVA
(Plasticienne vidéaste)
Artiste plasticienne slovaque, Sláva Sobotovi ová a suivi sa formation à l'Ecole des Beaux Arts de
Bratislava puis à l'Ecole des Beaux Arts de Prague.
Entre 1998 et 2004 elle participe aux expositions suivantes :
1998 "Zelená"-Prague, "Sport Gallery"-Prague, "Centrum/Okraj "-Trnava (Slovaquie)
1999 "Trezory"-Prague, "99CZ"-Prague, "Citlivá vrstva"-Brno (Rep.Tch.)
2000
ivot jí slu í"-Praha (avec M. P chou ek), "Human touch"-Cheb,
"Z krabic ven!"- eské Bud jovice (Rep. Tch.)
2002 "Stalo se jedné noci"- Plze (Rep. Tch.)
2003
eskoslovensko" -Bratislava (Sq)
"IN-OUT" (festival de l'image digital) - Prague
"Kompression"- Berlin (Allemagne)
"Mesiac fotografie" -Bratislava (Sq)
"Obsese sb ru" - Jihlava (Rep. Tch.)
2004 "Zelený Veltlín" - Preproduction, Berlin (Allemagne)
"Parealita" - Prague
tka MÁJOVÁ
(danseuse interprète)
Jeune danseuse tchèque tka Májová se forme au conservatoire de danse contemporaine le
Duncan Center à Prague. Elle suit également divers ateliers lui permettant de compléter sa formation.
En fin d'étude elle se chorégraphie un solo : « Nezti itelná íz n nekone na ».
A l'automne 2002 elle participe à la création de Claude Brumachon : « Le Témoin » avec le
Centre Chorégraphique de Nantes, la pièce sera reprise en novembre 2003 à Nantes puis à Prague.
Au printemps 2003 elle fait partie de l'aventure « Cestou s ní » (Voyage avec Elle) pièce que Serge
Ambert chorégraphie à Prague pour huit interprètes tchèques.
Elle suit la formation ex.er.ce 2004 au Centre Chorégraphique de Montpellier et travaille
notamment avec Lluis Ayet, Dominique Brun, Frédérique Wolf-Michaud, Lisa Nelson, Mathilde
Monnier, Odile Duboc et Mark Tompkins.
Elle travaille avec la Cie les alentours rêveurs depuis 2004 et elle ainsi créé « la Fêlure du Papillon »,
« Signature(s) », « Ephémère » et « Desirata ». En outre elle assiste Serge Ambert sur certains projets.
Elle a participé à la création de Paco Decina : « Salto nel vuoto » qui fut présentée à Prague en
septembre 2005.
Elle goûte également à la danse baroque en participant à deux opéras « Ercole amante »
chorégraphie d’Ana Yepes, puis « Cadmus et Hermione » chorégraphie de Gudrun Skalmetz.
Depuis 2008 elle travaille avec la compagnie Etant donné sur une reprise du solo « Zig Zag » et
elle a participé à leur dernière création : « La structure poétique de la victime ».
Images
(c) Ji i Jira ek
A travers la presse
« THE PRAGUE POST » novembre 2004
Delicate balance
A new dance piece pairs a pro with young local talent
By Lizzy Le Quesne
For The Prague Post
November 11th, 2004
La Felure du Papillon (The Splitting of a Butterfly) is French choreographer
Serge Ambert's second production in Prague. After creating a beguiling piece
with eight local women dancers last year, he now has made a duet for
himself and talented young Czech dancer Betka Majova, with video
projection by Slovak artist Slava Sobotovicova. Ambert has an impressive
performance history, including several years as a dancer with the Lyons
Opera Ballet and a number of French contemporary choreographers, notably
Christine Bastin, but this will be the first time Prague audiences have the
opportunity to see him perform.
Ambert, on the floor, explores
schizophrenia with his dance 'alter
ego' Majova.
According to production partner Bara Latalova, Ambert was struck by
Majova's dancing while working with her here last year, which is what
inspired the new piece. "He sees her as some kind of alter ego to himself as a dancer," says Latalova. "With
female energy, her movement is different from his, yet somehow also essentially connected to it."
Perhaps because of this (dis)connection, the new work has developed around the concept of schizophrenia, which
Ambert researched in depth through reading and consulting psychoanalysts. He also drew inspiration from Patrick
McGrath's novel The Spider, which describes a man's painful experience with a compartmentalized psyche.
Fascinated by the ability of the human mind to fragment to the point of splitting into two parallel worlds, Ambert
has created a dance piece in which such a condition is portrayed by the two dancers. His role is that of "gray
reality," says Latalova, whereas Majova represents "color, warmth and joy."
Majova's dancing does indeed have a pronounced softness and a jaunty,
weighted fluidity of great appeal. Considerably older than his partner, more
wired and gaunt, Ambert should make a dramatic and interesting contrast
with her on stage. He is clearly fascinated by a certain sense of femininity
(the last work explored eight different female characters), in particular
aspects of fragility, innocence and brittleness. It will be intriguing to see his
use of Majova's energetic, rounded and earthy movement quality.
The Splitting of a Butterfly
When: Nov. 15 and 16 at 8
p.m.
Where: Divadlo Ponec
Tickets: 90-170 Kc through
Ticketpro and Ticketstream
and at the venue
The new work's title refers to the cracking of something frail and beautiful, echoing Ambert's concept of
schizophrenia as a tragic split in the delicate human mind. However, "it also refers to the image of the crack which
must inevitably occur in a cocoon in order for a butterfly to be fully developed," explains Latalova. "So it can be
understood as an image of hope."
Lizzy Le Quesne can be reached at [email protected]
« Radio Prague » novembre 2004
Culture sans frontières - La fêlure du papillon : et qui n'est pas schizophrène,
dans le monde d'aujourd'hui ?
[ 2004-11-14 ] Par Magdalena Segertova
Serge Ambert, danseur et chorégraphe français, anime, depuis trois ans, des ateliers et monte des projets
chorégraphiques à Prague... Betka Majova, est une jeune diplômée du Duncan Center de Prague qui a
travaillé avec Claude Brumachon ou les frères Forman. Elle a dansé dans "Voyage avec elle", un spectacle
créé par Serge Ambert pour huit danseuses tchèques. Slava Sobotovicova est une plasticienne slovaque...
Ces trois artistes se sont réunis autour du spectacle La fêlure du papillon. C'est une création itinérante,
montée au fil de l'année 2004, en France, et présentée, dans sa forme crue, à Montpellier, Marseille,
Mulhouse, ou encore à l'Abbaye de Corbigny. Sa première aura lieu, les 15 et 16 novembre au théâtre Ponec,
à Prague. La fêlure du papillon met en scène un homme, une femme, un moniteur vidéo et un thème
complexe, traité avec poésie et sensibilité : celui de la schizophrénie, de la dualité de l'âme humaine.
notre société. C'est un des symptômes de la schizophrénie,
cette sensation d'avoir les pensées contrôlées, d'être surveillé...
La fêlure du papillon, photo: Tomas Boril
Serge Ambert : "Au départ, il y avait une envie de parler de la
perception à l'extérieur, qui est passablement déformée dans les
phénomènes schizoïdes. La deuxième chose, c'était l'envie de
parler des duels intérieurs, de la dualité. Ensuite, il y a eu trois
rencontres artistiques qui m'ont marqué : d'abord celle avec le
photographe Raymond Depardon qui a effectué plusieurs
reportages photographiques et même un film dans l'asile
psychiatrique de San Clemente, en Italie, qui est 'ouvert', où les
patients ont aussi une vie en dehors de leur pathologie,
participent au Carnaval de Venise, par exemple... La lecture du
Journal de Nijinski m'a aussi influencé, c'est la schizophrénie
vue de l'intérieur... Enfin, j'ai été marqué par le roman 'Spider'
de l'écrivain anglais Patrick McGrath : il raconte l'histoire d'un
homme schizophrène qui essaie de retisser les fils de son
passée pour se retrouver."
La
Pourquoi avez-vous choisi comme partenaires une femme et
l'image vidéo ?
"La femme était importante par rapport à mon personnage
masculin, puisque j'avais envie de parler de l'opposition, de la
dualité. L'image vidéo évoque l'omniprésence de l'image dans
L'idée de caméra de surveillance est aussi omniprésente dans
notre société un peu schizophrène. La vidéo est un outil qu'on
utilise de plus en plus souvent dans les spectacles vivants, mais
dans ce cas-là, l'image m'a paru incontournable. Cette image
sera retranscrite sur un objet qui est le moniteur vidéo et qui a
sa place dans la scénographie de la pièce."
“HOUSER” novembre 2004
A propos du Papillon à l intérieur de nous
mim (25.11.2004)
Le titre Rozpolcení motýla est si beau que j ai eu hâte de
voir cette nouvelle pièce chorégraphique de Serge Ambert.
Dans cette formule magique il y avait pour moi des allusions
provocatrices et perverses à l abus de l innocence, d une
beauté inaccessible. J ai ensuite lu le programme du
spectacle où apparaît le mot schizophrénie, et j ai compris
combien chacun portait en soi sa propre dualité.
« La Fêlure du Papillon » est le titre original de la pièce du
chorégraphe français Serge Ambert. Le sous-titre en est,
« chorégraphie pour deux interprètes et un moniteur vidéo». Il faut
mentionner d abord que le moniteur ne fait pas vraiment partie du
jeu et son rôle dans la pièce est marginal, voire inutile. C est
dommage, car à partir du moment où les créateurs ont engagé la
vidéaste Sláva Sobotovi ová ( présente à Prague notamment dans
le festival de l image digitale IN-OUT) , ils auraient pu lui donner
plus d espace. Il aurait été plus juste de noter dans le
programme : « chorégraphie pour deux interprètes et une valise »,
la valise, contrairement à la télé, porte elle, plusieurs significations
importantes. Serge Ambert en vêtements quotidiens véhicule les
motifs de voyage et d étranger, deux caractéristiques essentielles
pour lui. C est un personnage à la recherche de sa place et de soi-même dans l angoisse. Sa façon
de danser est parfois crue et gauche, probablement grâce aux chaussures à semelles épaisses. Le
contraste entre son visage subtil et sa gestuelle crue et saccadée est la première chose qui révèle
le désaccord entre l âme et le corps. Du coup il suffit de très peu pour atteindre la fêlure de l âme
propre- schizophrénie.
Après un court prologue, ce sont les couleurs, les frissons de rire, les moments éphémères de joie
qui se précipitent sur scène avec B tka Májová. Sans cesse renouvelés, ils sont étouffés par le
refus de l autre à jouer le jeu. Tous ces essais pour entrer en communication sont
catégoriquement refusés, physiquement empêchés, par l autre. Toute cette lutte se reflète dans
les expressions des danseurs. Face à l expression de confusion et de désarroi d Ambert, B tka
Májová installe un regard d enfant sincère, incapable de tromper.
En général, on peut parler, dans beaucoup de moments de la pièce, de langage plutôt théâtral.
Serge Ambert n hésite pas, dans des instants de tension extrême, à étouffer des cris, le
personnage malheureux de B tka Májová chante doucement. Dans un des passages
émotionnellement très fort, il n y a que le silence avec un rayon de lumière sur une scène vide et
seulement les deux personnages, durant un long temps, que ces présences fortes sur scène.
Combien le silence peut être éloquent et dramatique !
Peut-être y a-t-il quelques moments de faiblesses dans cette pièce, mais ils s effacent devant la
vérité et la sincérité du message. Ainsi le spectateur doit saluer le courage du créateur qui s est
décidé à répondre à une question aussi intime et fragile qu une aile de papillon.
« le bien public » mars 2006
« l’Yonne républicaine » octobre 2008
http://www.ecrireiciaussi.canalblog.com
17 décembre 2009
La fêlure du papillon, par la Cie Les alentours rêveurs
Le spectacle n’est qu’un moment de la vie. Quand on entre dans la salle, c’est comme si
ce qui allait se dérouler sur ce tapis de danse blanc nous attendait pour reprendre un
mouvement arrêté. Ce n’est pas un début. Et il n’y aura pas de fin. Le danseur sans tête
se défait peu à peu de ses vêtements, pardessus, chemise blanche, chemise blanc cassé, et
apparaît de plus en plus nu ayant retiré peau après peau, comme sortant d’une chrysalide.
Certes pas nu, mais dépouillé ou, comme on dit, à vif.
Et quand il se met en mouvement, il répète, hésite, séparé du pardessus, de la valise, vers
où aller ? Pourtant ce n’est pas l’hésitation qui m’apparaît d’abord, plutôt la répétition.
Quand donc un geste répété (et le danseur répète pour produire un spectacle) devient-il
un geste obsessionnel ? Le danseur est rejoint par une danseuse, dont les vêtements
orange apportent vivacité, ouverture, altérité. Mais il ne peut rejoindre cette autre sans
s’y prendre les pieds, et sans la perdre en même temps. Pourtant tous ses sens seront
employés, le goût, le toucher, l’odorat, la vue, l’ouïe. Mais tous les sens, l’un après
l’autre, c’est encore se diviser, ça ne permet pas de trouver l’unité de son être.
La valise ouverte, son contenu vidé, éparpillé, ramassé de manière un peu compulsive,
puis vidé, éparpillé de nouveau, presque méthodiquement, voilà l’image dernière, chacun
séparé de l’autre dans sa solitude. Et la lumière s’éteint alors que le mouvement
continue. C’est que nous, spectateurs, allons retourner à nos activités, nos occupations,
tandis que dans ces êtres, avec qui nous avons partagé une heure, continue le
dépouillement, dans l’obscurité où nous les laissons, à vif, fragiles.
Et si les applaudissements ne jaillissent pas immédiatement, c’est parce que cette danse
nous a bouleversés, touchés au plus profond de cette fêlure qui est aussi en nous.
Marc Verhaverbeke
Photos J.M. Gourreau
Serge Ambert :
Voyage dans un autre monde
Il est là, planté au milieu de la scène, le regard hagard, l’air absent. Un geste presque instinctif semble
le sortir de sa torpeur : il relève la tête, fixe un point vers l’infini et se fige à nouveau. Un peu plus
loin, une femme, tout de rouge vêtue, le regarde avec tendresse ou compassion, impuissante. Qui estelle ? Son amante, son âme, son double ? Elle le rejoint bientôt, l’enlace, se love contre lui, se coule
en lui. Mais il se dérobe, comme s’il ne la voyait pas, comme si elle n’existait pas. Il chute, se tord,
déchire ses vêtements, les éparpille, tente de se redresser mais roule sur lui-même et se recroqueville
au sol, tétanisé. Elle tente de l’appeler, de faire ressurgir en lui quelques souvenirs. Mais rien n’y fait.
Il se réveille tout à coup, l’observe dans un rai de lumière, s’empare d’elle. Brutalement, comme si
c’était sa chose, un trésor perdu. Sa joie illumine son visage. Il la serre fort, très fort, essaie de se
l’approprier, de la faire entrer en lui. Sa gestuelle est nerveuse, saccadée, dissociée. Un emmêlement
de corps qui roulent au sol, l’un sur l’autre, l’un dans l’autre. Des postures acrobatiques d’une force
inouïe, invraisemblablement tordues.
Alors que rien ne le laissait prévoir, tout se fige. Son regard se perd à nouveau au loin, ses actes
deviennent instinctifs, expectatifs, irréfléchis, et ses gestes, mécaniques. Des tremblements l’agitent.
Son regard est fixe, tourné vers le ciel. Redescendra t’il un jour avec nous?
Cela fait longtemps que serge Ambert travaille avec des schizophrènes, tente de les comprendre, de
leur faire retrouver, par l’intermédiaire de la danse, un semblant de vie normale. Ce qu’il exprime
dans La fêlure du papillon, ce sont ces duels intérieurs qui habitent le malade, qui le hantent mais qui
finissent par le laisser en paix. Cette confrontation infernale à l’Autre, aussi ; et, encore, ces multiples
facettes qui sont en nous et qui nous animent, qui s’expriment parfois indépendamment de notre
volonté, aux moments où nous nous y attendons le moins. L’ uvre est puissante, très émouvante,
nous rappelant que, quelque part, il y a aussi des êtres qui souffrent, à l’insu de tous.
J.M. Gourreau
La fêlure du papillon /
Serge Ambert, Théâtre
du Lierre, Paris,
Décembre 2009
Quelques notes sur la chorégraphie de Serge Ambert
La Fêlure du Papillon
par Catherine Kintzler
Mettre l'habileté en déroute et faire surgir, dans ce désemparement, la question de
l'âme du corps.
Présentation du 20 janvier 2004 à Pantin
Premier extrait (solo)
C’est un corps en détresse, « en perdition » comme le dit Serge Ambert lui-même : encombré d’accessoires
dont il se débarrasse pathétiquement (notamment un imperméable qui finit, à force de torsions et de
secousses, par se retourner comme la peau d’un lapin qu’on dépouille) il a beau faire et se démener, il ne
parvient néanmoins pas à se trouver ; il est toujours ailleurs et travaille sans succès mais sans relâche à se
rattraper, comme un Sisyphe désarticulé. Ce pauvre corps aliéné (devenu autre à lui-même) cherche à se
reconstituer en rassemblant des morceaux de lui-même mais qui ne sont même plus lui, qui lui restent
extérieurs, ce corps n’a qu’un extérieur il n’a pas d’intériorité de corps.
Le plus bouleversant dans cette danse du rattrapage qui échoue, c’est qu’elle ne manque ni d’habileté, ni
d’élégance, ni d’adresse, ni de virtuosité, elle ne manque pas de ce qui fait ordinairement la cohésion du corps
(de ce qu’on croit essentiel pour elle) – et par là elle dénonce ces propriétés comme des leurres comme des
qualités qui n’en sont pas ou plutôt qui ne sont tenues par aucune substance : non justement, ce n’est pas
cela qui constitue le corps comme un « soi-même ». Marcher, courir, faire même des acrobaties : ce corps en
est capable certes, il sait faire tout cela et son désordre fondamental ne se manifeste pas par la banalité d’un
ratage. C’est précisément cela qui est inquiétant et qui invite à la pensée : les gestes ne sont pas des gestes
manqués, ratés, ce ne sont pas des gestes de clown. Le désordre est plus profond, il est dans l’extériorité
radicale des gestes et des mouvements. Ce corps perdu est, non pas un corps organisé, mais un corps tout
juste formé de « partes extra partes » qui se heurtent et auxquelles il est livré. C’est dans la mesure où il a
conservé les schèmes de l’habileté et de l’adresse mais à titre de corps étranger que ce corps a perdu son
âme. Je veux parler de l’âme qu’a le corps, car le corps a une âme, c’est certain : on le découvre en restant
étonné devant ce corps qui a perdu la sienne. L’autre âme, celle dont on parle d’habitude en disant « l’âme »,
est devant ce corps qu’elle habite pourtant (le danseur) ou qu’elle contemple (le spectateur) comme devant un
désastre, mais cette âme-là, n’ayant pas de corps, est impuissante.
Deuxième extrait (solo)
Un corps retrouvé, un corps nouveau-né : à l’inverse du précédent, celui-ci est constitué. Mais cette
redécouverte, cette renaissance à soi, symétriquement, n’exclut pas la maladresse, la lenteur, le raté,
l’hésitation ; bien au contraire : la maladresse en est constituante. Ce corps qui a une âme, c’est un corps qui
tâtonne, qui hésite, qui commet des « faux-pas » tout comme on commet des erreurs, qui s’en émeut, qui les
réfléchit sans les rejeter, qui s’en instruit. Mais c’est justement parce qu’il est frappé de fragilité qu’il a une
âme. C’est un corps humain, avec son âme – le contraire d’une machine où les mouvements quelque parfaits
qu’ils soient par ailleurs ne le sont, justement, que par ailleurs, en vertu d’une juxtaposition – mais aussi le
contraire d’un animal, toujours si sûr de lui, toujours rivé à l’immédiateté de son geste, à son indécrottable
innocence élégante : c’est (comme on dit de certains sportifs) « une bête » ! Ce n’est qu’une bête. Mais celuici n’est pas une bête : il doute, c’est un corps qui se réfléchit lui-même, un corps critique, un corps vrai qui
connaît l’erreur et l’à-côté : fragile, mais non dispersé ; errant mais non égaré ; esseulé, angoissé, maladroit
mais non apeuré ni affolé.
Voilà pourquoi cette pièce dérange, elle fait bouger, elle produit une réforme en moi : elle parle bien de mon
corps et elle me dit : toi qui sais si bien marcher, danser le rock, jouer au flipper, utiliser un dé à coudre, battre
une omelette, jouer avec tes clés sur une table de bistrot, pianoter sur le mini-clavier de ton téléphone,
enjamber les marches de l’escalier, lancer la boule de papier dans la corbeille du premier coup, as-tu jamais
osé te désemparer du corps virtuose qui te masque ton corps propre ? Et si ton corps n’avait pas d’âme ?
Provenance : Mezetulle, blog de Catherine Kintzler http://www.mezetulle.net
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