Richard III est une pièce qui à l`origine fut écrite par Shakespeare

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Richard III est une pièce qui à l’origine fut écrite par Shakespeare, traduite
donc de l’anglais. La trame poursuit une de ses précédentes œuvres, Henri
IV. L’histoire est tirée de la Guerre des Roses qui opposa deux familles dans
le but d’accéder au trône d’Angleterre. Richard III se concentre donc sur le
personnage éponyme, et en montre son ascension déchéance au trône.
La représentation eut lieu au Théâtre du Nord, et fut mise en scène par
Thomas Jolly, qui incarna aussi le rôle de Richard. C’est dans une salle sans
dorure que le public découvrit une interprétation pour le moins moderne
de Richard III.
Placé en frontal par rapport à la scène, le spectateur avait accès à un
rapport proche, plutôt classique, avec les acteurs. Tout au long de la pièce, il
n’y avait pas de mur défini, mais quelques façades qui mimaient des lieux,
comme une porte ou un rideau. Dans l’ensemble, l’espace scénique était
figuratif, car ces objets suggéraient les lieux plus qu’ils ne le montraient.
Pour autant il ne reflétait pas toujours un lieu réel tel que le château ou la
prison, mais parfois l’esprit de Richard, notamment lors de ses monologues
où la scène est vide, comme si nous avions mis pieds à l’intérieur de ses
pensées.
Des structures en fer permettaient de construire un semblant de château,
construites autour d’une plateforme surélevée qui représentait le trône. Les
personnages montant sur ces structures, cela créait donc un tableau de la
famille royale. De plus, la matière métallisée de ces structures donnait à la
représentation un côté froid et lugubre en accord avec l’ambiance de
manipulation de la pièce, mais aussi la froideur des cachots où se trouvait le
frère de Richard.
L’espace scénique changeait, il évoluait en passant de la structure
métallisée du château à un plateau plus large car les structures étaient
écartées. Le symbole du pouvoir, plateforme surélevée avec escaliers, était
au centre comme pour symboliser l’attention portée à ce dernier. Cette
plateforme fut d’ailleurs présente durant la quasi totalité de la
représentation, comme ce désir du pouvoir qui semble ne jamais quitter la
scène. A la suite se trouvaient aussi de grandes façades imprimées des
portraits des deux familles, qui servaient à montrer l’opposition des deux
camps, mais aussi petit à petit, ces gigantesques tableaux témoignèrent les
pertes de chaque famille. Ces deux panels étaient accrochés de chaque côté
de la scène, et coulissaient pour s’approcher ou s’éloigner en la balayant, ce
qui permettaient de donner du mouvement au plateau, et d’avoir un espace
scénique parfois rempli, par les images, parfois vide lorsqu’ils étaient
complètement repliés. Certaines fois ils étaient couverts et devenaient des
murs en mouvements comme deux portes qui s’ouvrent et se ferment. On
pourrait y voir la symbolique du piège des manoeuvres de Richard se
refermant sur les personnages, ou bien sur lui-même. De plus, les rideaux
du fond tremblaient d’appréhension à chaque fois que Richard tenait une
nouvelle idée, pour symboliser sa folie ?
C’est d’ailleurs l’évolution de certains éléments scénographiques qui m’ont
marquée : en premier, les petits panneaux qui apparaissent en coulissant
par le haut, présentant les actions principales de Richard par un titre. Ces
panneaux ne semblent qu’au départ informatifs, mais lors du final quand il
se retrouva face aux conséquences de ses actes, tous les panneaux
coulissèrent en même temps comme pour imager une accumulation des
horreurs commises par Richard. Il se retrouve acculé et j’ai trouvé que le
fait que ces panneaux revenant pour le hanter leur donnait une signification
plus grande était un choix très astucieux. Un autre choix astucieux fut lors
de la toute fin, quand la plateforme représentant le pouvoir tomba, son sol
révélant « RIII » qui devint « FIN ». Cette fin était a double sens, la fin de
Richard et la fin de la pièce, de la même façon que Thomas Jolly avait fait le
choix de faire mourir Richard 2 fois, une fois sur le champ de bataille et une
de façon plus symbolique par tirs de pistolets des fantômes.
La lumière avait plusieurs usages : de matérialiser l’espace, ou bien de
mimer des mouvements, ou encore de mettre l’accent sur un personnage de
la pièce. Par exemple, beaucoup de faisceau de lumières furent utilisés, qui
donnèrent de la verticalité à la scène, et matérialisaient l’espace en étant
des barreaux d’une cellule de prison, ou bien des portiques d’entrée et
sortie (où la lumière bougeait pour signaler l’ouverture de la porte,
permettant de marquer l’entrée d’un personnage). Les faisceaux de
lumières avaient aussi des rôles symboliques : plusieurs faisceaux qui
s’abattent sur un personnage illustraient ce dernier se prenant des les rêts
d’un piège ; à chaque faisceau lui tombant dessus, le personnage sombrait
un peu plus dans une toile immatérielle du mensonge. D’autres fois,
particulièrement lorsque Richard se trouvait seul, des rais de lumières lui
tournaient autour, tels des yeux le surveillant, symbolisant ce thème
récurrent chez Shakespeare de voir et d’être vu. Une autre symbolique fut
lorsque la lumière souligna l’importance des fantômes qui venaient se
venger de Richard, leur pouvoir et augure représenté par un faisceau
orange dans chaque main. Le transfert de cette lumière vers le personnage
concerné soulignait l’action du « lancer de malédiction » des fantômes.
Une particularité de cette représentation comparée à toutes celles vues lors
de ces deux années, est l’interaction avec le public. Le premier moment le
plus marquant fut lorsque le public devint citoyen, avec des acteurs
dispersés dans la salle tels des spectateurs, celle-ci entièrement éclairée. La
maire de la ville s’adressait directement à nous afin de savoir si nous
voulions de Richard comme gouverneur. Les acteurs cachés dans le public
huaient ou criaient des commentaires comme des gens parmi une foule.
Parfois, le public aussi répondait : ainsi, nous vivions une partie de la pièce
non pas comme spectateurs mais acteurs et devenions complices de
l’ascension au pouvoir de Richard. Ensuite, le public fut aussi inclut dans
une scène très décalée, qui associe le genre du concert avec le théâtre. Ceux
qui venaient voir des paroles shakespearienne ont vu défiler un concert
électro-rock, avec lumière laser rouges, noirs et verts partant dans tous les
sens, Richard devenant un chanteur avec un groupe de musique au son rock
moderne. Par cette modernisation, Thomas Jolly semble donner un côté
rebelle à la pièce autant qu’au personnage de Richard. Cette scène où le
public était encouragé à chanter en chœur avec le roi est loin de ce que l’on
appelle maintenant le « traditionnel ». Elle peut sembler trop « rajeunie »
mais c’est surement l’effet voulu : rompre avec le traditionnel, comme le
faisait Shakespeare à son époque en inventant son propre langage.
Quand au son, il y avait un bruitage récurrent, celui d’un gong enregistré et
introduit par la régie technique, qui accompagnait chaque déclaration
dramatique, et effectuait ainsi une transition soit dans le texte, soit dans le
dispositif scénique.
La seule fois où des instruments étaient présents et joués en public fut lors
du « concert » de Richard, avec des guitares et basses électriques ainsi
qu’une batterie. Les musiciens, dans leur rôle de « groupe de rock à un
concert » interagissaient avec le public comme le feraient de vrais groupes
de musique, ainsi leur rapport avec le public fut direct. Il y avait donc
l’illusion d’être pendant un instant dans un zénith plus qu’un théâtre, et
cette scène créa avec sa musique une véritable pause de jeu dans la
représentation entière, comme une rupture de rythme pour célébrer la
réussite de Richard ; le point de culmination. Ce moment, dans l’ensemble
de la pièce, est décalé, exagéré, car c’est le moment d’extase, et cette
symphonie de lumière et sons avec interaction avec le public a réussi à
traduire l’euphorie de Richard par rapport à la réussite de ses plans avec
une certaine violence (propre au caractère de ce dernier). Ainsi la
représentation en général s’en trouve changée, revêtue d’une sorte
d’electronisme moderne.
L’image et la vidéo ont aussi été utilisées, mais seulement par moment. Il y
avait à l’arrière de la scène, un petit écran horizontal. Il apportait une
touche de technologie intrigante pour du Shakespeare, comme en servant
d’écran de surveillance au début, avec plusieurs images vidéos qui
s’affichaient comme si nous étions dans une salle de caméra surveillance ;
peut-être était-ce pour montrer le « scrutinage » de Richard sur les
membres de sa famille ?
L’écran ne participait que de manière plutôt légère comparé à la
performance de l’acteur ; situé derrière les musiciens lors du « concert » il
servait de projecteur de paroles, afin d’accompagner Richard mais il ne
prenait en aucun cas le dessus sur la performance de Thomas Jolly. Il avait
ici pour but d’amplifier le lien entre chanteur et public.
Les costumes quant à eux n’étaient pas de l’époque Shakespearienne, mais
plus proche de notre époque. Ils semblaient plus ou moins intemporels, car
sobres. Dans l’ensemble, c’est le rouge, noir et blanc qui dominaient, ce qui
retranscrit bien l’histoire du conflit dont est issue Richard III, l’histoire des
Roses Blanches et Rouges, toutes deux tachées du noir de la vengeance.
Pour tous les costumes excepté celui de Richard, ils étaient assez sobres et
habillés pour être associés à la royauté, sans pour autant être dans l’excès
de la dorure. Quant à Richard, son costume était particulier. Dans la
première partie de la représentation, où il cherche à tout pris à obtenir le
pouvoir, il est entièrement vêtu de noir, avec de petites ailes noirâtres lui
donnant l’aspect d’un ange déchu, rejeté et malformé : ce que représente
justement Richard, en tant que « vilain petit canard » de sa famille. Il est
hideux, ou du moins il se rend hideux lui-même. Son costume est donc plus
de l’ordre du choix dramaturgique que de souci de réalisme. Dans la
deuxième partie, l’idée de l’ange persiste, mais cette fois ci en blanc, peut –
être pour symboliser la royauté, mais surtout pour contraster avec le noir
précédent : Richard a réussi, il a le pouvoir et ce changement de costume
l’avait souligné.
Ce personnage brute l’était d’ailleurs dans ses mouvements ; Thomas Jolly
l’a joué comme un homme aux mouvements vifs et précis, bien que Richard
ait un handicap à la jambe. Sa gestuelle traduisait d’un personnage à fort
caractère et déterminé. Cependant ses postures et le rythme de la voix
étaient tordus, non balancés et c’est par cela que l’on voyait l’esprit tordu
du personnage.
Sa position par rapport au reste des personnages en révélait aussi
beaucoup sur son caractère traitre : il se tenait soit à l’écart, soit de profil
par rapport aux autres en s’adressant à eux. Sa démarche n’était peut-être
pas la plus rapide, mais certainement la plus vive, comme pour traduire la
vivacité d’esprit du personnage, auquel aucun des autres personnages
n’arrive à tenir l’allure. Thomas Jolly évitait le contact des yeux et contact
physique avec les autres acteurs, pour continuer dans le rôle du « malaimé », sauf lorsque Richard voulait convaincre la personne en face de lui.
Au contraire, les personnages féminins eux avaient une proximité opposée
à la solitude de Richard. Elles n’étaient pas proches physiquement mais
échangeaient beaucoup de regards montrant que chacune comprenait la
douleur de l’autre. Quant au positionnement des acteurs l’un vers l’autre, la
représentation les disposait souvent face a face, ou bien en triangle, comme
un éternel combat.
Mise en scène par Thomas Jolly, la représentation avait un parti pris plutôt
symbolique et stylisé, tirant légèrement vers le gothique moderne, rempli
mais sobre. Thomas Jolly a fait le choix de donner à Richard III un cruel
tyran mais honnête envers le public, et au lieu d’un froid et repoussant
homme il l’a rendu attirant et hypnotisant, presque compréhensible. Le
spectateur avait envie de voir jusqu’où la folie du personnage allait
l’emmener. Il a choisi d’alléger la pièce par une interaction joyeuse avec le
public, ce qui n’a pas plut à tout le monde, bien que le texte ait été bien
conservé (du moins sa traduction l’a été). Si ce monstre nous paraît
attrayant, ne serait-ce pas parce qu’une part profonde de nous se reconnait
en Richard ?
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