Coordination des Politiques Economiques au Sein de la Zone UEMOA

Coordination des Politiques Economiques au Sein
de la Zone UEMOA : Bilan et Perspectives
Août 2013
Résumé
La récente crise économique et financière de la zone euro semble
remettre en cause les solutions théoriques de coordination des
politiques économiques au sein des unions monétaires. Dans ce
papier, on dresse un bilan du dispositif actuel de coordination des
politiques économiques. Nous analysons, à l’aide de la théorie des
jeux et les techniques économétriques, les effets de la coordination de
la Banque Centrale et de la Commission de l’UEMOA, sur les
principales variables macroéconomique d’une part et les effets de la
coordination des politiques budgétaires sur les objectifs intermédiaires
notamment le déficit budgétaire et l’inflation. Nous retenons qu’un
mécanisme de coordination des politiques qui renforce les bases d’une
convergence institutionnelle pour le soutien à la croissance
économique de long termes et qui spécifie clairement l’ensemble des
contrats monétaires et budgétaires entre autorité monétaire et autorités
budgétaires d’une part et entre les autorités budgétaires d’autre part
constitue un élément indispensable pour l’optimalité des effets des
politiques monétaires et budgétaires.
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1. Introduction
A la question par quels canaux les instruments de politiques économiques, en union
monétaire, pourraient permettre une meilleure stabilisation macroéconomique et assurer une
croissance économique forte et durable, l’accent est principalement mis sur le rôle de la
coordination.
En effet, les comportements des gouvernements peuvent réduire la capacité de la banque
centrale à atteindre son objectif de stabilité des prix. A l’aide d’un jeu non coopératif entre le
gouvernement et les Banques centrales dans lequel l’autorité monétaire n’a que seul objectif,
la stabilité des prix, Huang et Padilla (2002) démontrent que l’autorité budgétaire à une
incitation à augmenter les impôts et taxes pour réduire ses engagements de payements auprès
de la banque centrale et financer discrètement ces dépenses publiques. De même, un niveau
d'inflation structurellement faible, résultant de la mise en œuvre d’une politique monétaire
très restrictive, est non seulement source de distorsions dans l'activité économique, mais peut
également accentuer le risque de déflation (Combey et Nubukpo, 2010). Seuls, les
mécanismes de coordination de politiques économiques permettent d’atténuer ce problème de
conflit d’intérêt dû à la différence des objectifs assignés à chaque autorité.
Une meilleure coordination des politiques économiques, plus particulièrement les politiques
budgétaires conduit à une amélioration de l’efficacité de la stabilisation des chocs (Muscatelli
et Tirelli, 2005). Cependant, la meilleure qualité de la stabilisation macroéconomique
s’obtient à condition que la Banque centrale stabilise les chocs d’offres symétriques et que les
gouvernements s’occupent des chocs de demandes nationaux (Uhlig, 2002) par des actions
contra-cyclique et à travers les stabilisateurs automatiques (Buti et al 1998, 2001). Mais
Vilieu (2000) soutient l’idée contraire selon laquelle dans une union monétaire qui s’élargie,
la coordination budgétaire perd en efficacité si le degré d’asymétrie des chocs augmentent.
La récente crise économique et financière de la zone euro semble remettre en cause les
solutions théoriques de coordination des politiques économiques au sein des unions
monétaires. Au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), les
faits stylisés de ces dernières années, démontrent que la stabilité des prix n’est pas suffisante
pour une stabilité macroéconomique globale qui impliquerait une croissance économique
forte et durable. A titre illustratif, comparativement aux pays d’Afrique subsaharienne et
même à ceux de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), la
3
stabilité des prix obtenue par la zone UEMOA ne s’est pas accompagnée de la croissance
économique espérée sur la période 2006 à 2011 (FMI, 2012).
Par ailleurs, le taux de change effectif réel de la zone a progressé de 4,8%, entre 2002 et 2011,
soit une détérioration moyenne de la position concurrentielle de 0,5% chaque année (BCEAO,
2012)
1
. Cette perte de compétitivité serait non seulement due à l'appréciation du franc CFA
par rapport aux monnaies des partenaires commerciaux de l'Union, depuis 2002 avec
l’appréciation de l’euro mais aussi d’une faiblesse de coordination des politiques
économiques. Rodrik (2008) a fourni une preuve empirique que la sous-évaluation d’une
monnaie stimule la croissance économique surtout lorsqu’il s’agit d’un pays en
développement. De plus l’auteur souligne l’importance de la coordination des institutions.
Dans ce papier, nous postulons qu’un mécanisme de coordination des politiques qui assure les
bases d’une convergence institutionnelle pour le soutien à la croissance économique de long
termes et qui spécifie clairement l’ensemble des contrats monétaires et budgétaires entre
autorité monétaire et autorités budgétaires d’une part et entre les autorités budgétaires d’autre
part constitue un élément indispensable pour l’optimalité des effets politiques monétaires et
budgétaires. A cet effet, on dresse premièrement un bilan du dispositif actuel de coordination
des politiques économiques. Ensuite, nous analysons, à l’aide de la théorie des jeux, les effets
de la coordination de la Banque Centrale et de la Commission sur les principales variables
macroéconomique d’une part et les effets de la coordination des politiques budgétaires sur les
objectifs intermédiaires notamment le déficit budgétaire et l’inflation. Et enfin nous tirons des
enseignements pour l’avenir.
Le reste du papier est organisé comme suit. La section 2 donne un aperçu de la littérature
relative à l’importance de la coordination des politiques économiques. La section 3 présente et
discute le dispositif actuel de coordination de la zone UEMOA. La section 4 fournit une
analyse empirique sur la base du modèle inspiré de Nordhaus (1994) pour examiner la
problématique de coordination de l’autorité budgétaire et l’autorité monétaire ; puis de Laskar
(2003) pour étudier l’effet de la coordination des politiques budgétaires sur les objectifs
intermédiaires. Et enfin la dernière section conclut.
1
Rapport sur la compétitivité des économies de l'UEMOA sur la période 2002-2011
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2. Importance de la Coordination des Politiques Economiques
La gestion des unions monétaires repose sur une organisation institutionnelle structurée
permettant de concilier la centralisation des opérations monétaires et la prise en compte des
impératifs économiques et politiques propres à chacun des pays membres. Les implications de
l’équilibre budgétaire intertemporel des gouvernements et les problèmes de faiblesse de
coordination constituent les principaux enjeux de l’interaction stratégique entre la politique
monétaire et budgétaire.
Plus qu’une remise en cause du Policy mix, l’internationalisation croissante des économies à
conduit à un changement du contenu du Policy mix, en mettant l’accent sur la coordination
internationale des politiques économiques autant que sur la coordination interne entre les
instruments monétaires et budgétaires, et en insistant sur les mécanismes institutionnels
permettant cette coordination, parmi lesquels le statut de la banque centrale et le régime de
change (Desquilbert et Villieu (1998)).
Dans une union monétaire, ce que décide un pays a des conséquences sur un autre pays. Or
les pays sont soumis aux chocs asymétriques qui sont soient des résultats des effets des
conditions naturelles ou des chocs de demandes. La gestion des politiques économiques
devient alors beaucoup plus complexe dans la mesure coexiste des chocs symétriques
tous les pays sont simultanément touchés et des chocs asymétriques qui requiert plutôt la
réaction d’un gouvernement. Or cette réaction peut avoir des effets de débordement sur
d’autres pays.
En conséquence, lorsqu’une économie est membre d’une union monétaire, son autorité
monétaire, n’est pas habileté à conduire des politiques monétaires indépendantes quand il
s’agit seulement d’une situation particulièrement propre à son pays. Sous cette situation, les
interactions entre la politique budgétaire et monétaire subit quelques changements.
Généralement, l’union monétaire charge la politique monétaire de maintenir l’inflation à son
niveau qui correspond au maintien de l’écart entre la production agrégée actuelle et la
production potentielle à zéro. La politique budgétaire est dans ce cas utilisé pour minimiser le
bien être spécifique du pays.
La gestion des politiques peut donc être assimilable, sur le plan institutionnel, à un jeu entre
banque centrale et gouvernements et plus largement, entre gouvernements parlements et
Banque centrale. Même si Canzoneri et Henderson (1991) soulignent qu’il convient de mettre
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la différence entre coordination et coopération, nous utilisons dans ce papier indifféremment
les deux termes comme c’est le cas souvent dans la littérature macroéconomique d’analyse
d’indépendance des acteurs de politiques économiques. La coordination signifie la
coopération des acteurs c'est-à-dire qu’ils s’engagent de manière contraignante l’un vis-à-vis
de l’autre sur les réactions de politiques économiques en cas de chocs.
En effet, tout gouvernement d’un pays, est tenu de respecter tôt ou tard sa contrainte
budgétaire intertemporelle. De fait, toute action d’un gouvernement, à un instant t, ayant des
implications en termes budgétaires devra être financée un jour soit à travers l’augmentation
des recettes fiscales, soit par un financement monétaire. En conséquence, lorsque cette action
n’est pas accompagnée d’une politique monétaire appropriée, le niveau général des prix
devient la variable d’ajustement de l’équilibre. Loewy (1988), Nordhaus (1994), à l’aide de la
théorie des jeux arrivent à la conclusion qu’en cas de choc d’offres dans une économie les
réactions de politiques économiques des autorités monétaires et budgétaires ne sont pas
coordonnées et que les décisions sont prises simultanément par les autorités tout en faisant
l’hypothèse que l’autre autorité serait rationnelle (équilibre de Nash) par rapport au niveau
d’inflation et de variabilité de la production qui en résulterait, le niveau de déficits
budgétaires et de taux d’intérêt d’équilibre augmente par rapport à leur niveau d’équilibre
parétienne.
L’analyse de Vilieu (2003) montre qu’en union monétaire, confier un objectif de stabilité à
une banque centrale est une solution de second best. Il faudra un contrat beaucoup plus
complet pour l’obtention d’un Policy mix optimal. Walsh (1993) souligne la non optimali
sociale de la stratégie des banques centrales d’accorder plus d’importance à la stabilité pour
conserver leurs crédibilités. Cependant, Herrendorf et Lockwood (1997) soutiennent qu’il est
souhaitable de conserver cet objectif de stabilité dans certaines conditions. Par exemple, en
cas d’inexistence de biais inflationniste de type Barro et Gorden (1983a, 1983b), la valeur
désirée du produit agrégé est la même pour les décideurs publics que pour le secteur privé.
Carlino et DeFina (1998) démontrent à l’aide d’un modèle VARs dans le cas des USA que les
gouvernements des pays membres réagissent différemment aux impulsions des chocs
monétaires. Ils trouvent l’origine des différences de réponse dans l’hétérogéité des pays en
termes de mixage des industries. Vickers (2000) a souligné que la croissance économique
dépend du fonctionnement de l'économie réelle et qu’il n’existe pas de magie monétaire qui
peut provoquer la croissance économique et donc la coordination a peu d’importance pour
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