
distinction nette entre les possesseurs de capitaux (les capitalistes) et les salariés qui ne
possèdent que leurs bras. François Quesnay décrivait déjà les fermiers comme des possesseurs
de capitaux importants. Après lui, des auteurs comme Adam Smith ont entrepris de dévoiler
les ressorts de l’enrichissement des nations, autrement dit de la croissance économique, et ont
insisté sur le rôle joué par le capital existant et par son accumulation ».
Il cite Schumpeter pour qui le capitalisme se définit par l’appropriation privée des moyens de
production, par la coordination des décisions à travers les échanges, en d’autres termes par le
marché ; enfin par l’accumulation des capitaux grâce à des institutions financières, autrement
dit par la création de crédit.
Les paradis fiscaux ne sont pas nouveaux. En effet, 2000 ans avant Jésus-Christ, les premiers
commerçants grecs envoyaient des émissaires dans certains ports afin que vendeurs et
acheteurs, lors d’une transaction, puissent se retrouver à un point convenu pour transborder la
marchandise et échapper ainsi aux taxes portuaires déjà existantes. Mais c’est surtout durant
les années 30 et surtout pendant des Trente Glorieuses que les paradis fiscaux se sont
fortement développés.
Selon les membres d’Attac Suisse (2002), il existerait actuellement plus de sept cent paradis
fiscaux dans le monde et leur localisation ne serait pas le fruit du hasard. Les paradis fiscaux
sont concentrés dans trois grandes zones géographiques : les Caraïbes, l’Europe de l’Ouest et
l’Asie du Sud. Ils sont étroitement adossés et dépendants des grandes puissances industrielles
et bancaires qui dominent le monde : les Etats-Unis, l’Europe de l’Ouest et le Japon. Les plus
connus parmi ces havres financiers sont les Bahamas, les îles Caïmans, Hong Kong,
Singapour et pour l’Europe, les îles anglo-normandes, le Luxembourg et la Suisse. Pour les
membres d’Attac, les paradis fiscaux servent de refuge aux capitaux de sociétés ou à de riches
particuliers qui cherchent à échapper à leur fisc national, donc à frauder. Pour d’autres
membres d’Attac (Attac France, 2003), en trente ans, les paradis fiscaux seraient devenus,
avec la passivité ou la complicité de la plupart des grands états, le cœur du système financier
planétaire sous l’impulsion de l’idéologie ultra-libérale, volant et appauvrissant tous les Etats,
fragilisant les économies, bloquant les politiques de progrès social, reportant l’effort collectif
sur les revenus du travail et développant les inégalités au sein des pays du Nord et du Sud.
Par ailleurs, les paradis fiscaux ne sont pas seulement l’expression d’un dérèglement passager
du système capitaliste et ne constituent pas un phénomène extérieur, une sorte de tumeur
greffée sur le capitalisme, qu’il suffirait d’opérer chirurgicalement pour l’éliminer (Guex,
2002). Ils seraient consubstantiels au système capitaliste et en représenteraient un maillon très
important car les paradis fiscaux constituent la face la plus visible et la plus spectaculaire d’un
phénomène plus profond : la concurrence fiscale à laquelle se livrent les Etats
économiquement développés. Selon cet auteur, « cette concurrence s’est développée à la fin
du XIXième siècle en raison de deux facteurs : premièrement, la course aux armements des
grandes puissances impérialistes, qui a débouché sur la première guerre mondiale, a entraîné
une hausse des dépenses publiques qu’il a fallu financer par une réforme des vieux systèmes
fiscaux. Deuxièmement, la rapide montée en puissance du mouvement ouvrier européen (en
1912 déjà, le Parti social-démocrate devient le parti électoralement le plus fort d’Allemagne,
avec plus de 30% des voix), a eu pour conséquence que cette situation a entraîné
l’introduction ou l’extension d’une série d’impôts qui touchaient directement ou
indirectement les détenteurs de capitaux : l’impôt progressif sur le revenu et la fortune,
l’impôt sur les bénéfices, l’impôt sur l’héritage et dès cette époque, les classes dirigeantes des