Tradition juive et constructions de sens1
« Ne fais pas de la Torah une couronne
pour t’ennoblir, ni une pioche pour
creuser »
(Traité des pères, IV, 5)
Avant-propos
Aborder le Talmud et le Midrach en psychologue, quel sens cela peut-il avoir ? J’ai certes des
mobiles personnels et intimes, mais cela ne justifierait la publication d’un texte comme celui-
ci. Par ailleurs, d’autres ont déjà proposé de bonnes vulgarisations de la tradition juive.
Cependant, cette dernière se particularise par son angle d’approche, doublement ancré dans
des interrogations issues d’autres champs du savoir.
Qu’est-ce que la « culture », pour le groupe et les rapports interpersonnels, mais aussi comme
système d’organisation de la pensée et du discours ? Qu’est-ce que la transmission
intergénérationnelle ? Qu’est-ce que « interpréter la réalité » ? Qu’est-ce que collaborer,
qu’est-ce que penser avec autrui ? Comment concilier enseignement d’une tradition et
innovations quotidiennes ? Ces questions, qui se posent depuis longtemps en philosophie et
dans d’autres sciences humaines, font depuis quelques décennies aussi l’objet de recherches
en psychologie sociale, cognitive et culturelle - où la personne, interprétant les contextes
humains et symboliques qui l’entourent, dans des contextes spécifiques, est l’objet de
l’attention.
Dans le cadre qui est le sien, la tradition juive a pris position de manière articulée sur
l’ensemble de ces questions. Elle les a posées plus ou moins explicitement, y a apporté des
réponses, a mis en place des pratiques et des enseignements. Elle a formalisé et régulé ses
modes de transmission, des dispositifs d’apprentissage, des méthodes d’analyse des textes et
des méthodes de lecture et d’interprétation de la réalité, le tout se déroulant à l’intérieur de
rapports sociaux et interpersonnels eux-mêmes hautement régulés. Ces formulations, loin
d’être accessoires, constituent le cœur même de cette tradition. Les pratiques ainsi
documentées, explicitées, sont toujours actualisées et enrichies et font preuve d’une grande
vitalité.
1 Je remercie David Banon pour sa précieuse relecture critique de ce travail, et Anne-Nelly Perret-Clermont,
Uri Peter Trier et Clotilde Pontecorvo pour leurs suggestions attentives.