Prise en charge psychologique des mères à risque d`accouchement

Prise en charge psychologique des mères à risque d’accouchement
prématuré
Version du 29/10/2004
Responsable du projet: Prof. Francisco Palacio Espasa, Médecin-chef du Service de
Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent
Téléphone: 022-372 8950 Fax: 372 8988
Service de Psychiatrie de l'Enfant et de
l'Adolescent
Service d'Accueil, Urgences et Liaison
Psychiatriques
Dr Dominique Magnenat
Mme Zarina Qayoom
Prof. Antonio Andreoli
Dr Francesco Bianchi-Demicheli
Service d'Obstétrique Service de Néonatologie et Soins Intensifs
Prof. Olivier Irion
Dr Michel Boulvain
Prof. Michel Berner
Dr Riccardo Pfister
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Résumé
Prise en charge psychologique des mères à risque d’accouchement prématuré
La prématurité est une cause importante de mortalité et de morbidité néonatales. Des
risques de handicaps neurologiques et du développement ne peuvent être exclus. Une
naissance avant terme constitue un traumatisme psychique parental important et des risques
accrus de troubles de l’attachement parents-enfant. Certains enfants nés prématurément ont
un risque accru de présenter un retard de développement cognitif, affectif et psychologique.
Le pourcentage de naissances prématurées s’élève à 8% et reste stable depuis de
nombreuses années. Etant donné l’augmentation du nombre de grossesses multiples et
l’âge moyen lors de la grossesse, le risque d’accouchement avant terme pourrait ne pas
diminuer dans un futur proche.
L’étiologie de l'accouchement prématuré est multifactorielle et mal identifiée.
Peu d’interventions ont été jusqu’à présent démontrées efficaces pour réduire ce risque. Des
études épidémiologiques ont montré récemment le lien entre le vécu psychique de la
grossesse et son issue. La menace d’accouchement prématuré y apparaît comme
l’expression somatique d’une difficulté psychologique à vivre la grossesse. Une étude
conduite en France par N. Mamelle a suggéré qu’une intervention psychothérapeutique
simple permettrait de diminuer de 50% le risque d’accouchement avant terme. L’intervention
consistait à verbaliser et donner du sens à des conflits et traumatismes actuels ou infantiles,
source d’angoisse pendant la grossesse. Ce vécu psychique conflictuel accentue le
sentiment de défaillance maternelle, qui renforce le doute existant chez ces femmes de
porter jusqu’au terme leur grossesse. La psychothérapie permet de travailler sur ces
fragilités maternelles. Malgré ces résultats prometteurs, certaines limitations
méthodologiques de cette étude (étude avant-après, non randomisée) ne permettent pas de
déterminer avec certitude le bénéfice de cette intervention.
Le but de l’essai clinique randomisé et pluridisciplinaire que nous projetons de faire, est
d’évaluer l’impact de la prise en charge psychothérapeutique chez les femmes à risque
d’accouchement prématuré. Les femmes présentant une menace d’accouchement
prématuré (contractions régulières et/ou modifications du col) seront allouées de manière
aléatoire au groupe « traitement habituel » ou au groupe « prise en charge
psychothérapeutique, en plus du traitement habituel ». La mesure d’issue principale sera le
pourcentage d’accouchement avant 37 semaines. Pour mettre en évidence une différence
entre 25.0% et 12.5%, un total de 334 femmes devra être recruté.
Cette prise en charge a le potentiel de diminuer le risque d’accouchement avant terme et ses
conséquences et pourrait prévenir les troubles de la relation mère-bébé.
Si le suivi psychothérapeutique diminue l'accouchement prématuré, cette prise en charge
pourra être proposée aux femmes à risque. Ces interventions psychothérapeutiques sont
simples, non invasives pour le bébé ou la mère et contribueraient à la prévention de la
prématurité.
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Introduction
Actuellement la naissance prématurée, survenant entre la 24e et la 37e semaine de
gestation, constitue un des facteurs principaux de mortalité et de morbidité périnatale en
Suisse et dans le monde.1 La survenue d’une naissance prématurée représente un
traumatisme pour les parents.2, 3 La rupture brutale de la dyade mère-bébé nouée in utéro,
l’angoisse qui entoure la naissance prématurée, la privation d’interactions précoces
gratifiantes et paisibles entre la mère et le bébé prématuré représentent autant d’obstacles à
l’établissement d’une relation mère-enfant satisfaisante et à la formation du processus
d’attachement nécessaire au développement affectif et cognitif des enfants.4 Malgré les
progrès de la médecine prénatale, le risque d’accoucher avant terme demeure à 8% (4 à
10%) des grossesses et est responsable de 75% de la mortalité périnatale.5 La mortalité
périnatale varie entre 84% à 24 semaines, 16% à 28 semaines et 20% à 32 semaines.6 De
plus, 12 à 18% des survivants présenteront un handicap neurologique ou du
développement.7 Le risque de mortalité et de morbidité diminue considérablement après 34
semaines, raison pour laquelle plusieurs auteurs ont choisi cette limite plutôt que le seuil
classique de 37 semaines pour définir la prématurité.8 Aux Hôpitaux Universitaires de
Genève, l'incidence de l'accouchement prématuré est restée constante au cours du temps
malgré un effort soutenu de prévention et de traitement (10% avant 37 semaines et 4%
avant 35 semaines). Cette incidence élevée est en partie due à la référence des femmes à
risque dans notre clinique, en vue d'une prise en charge optimale du nouveau-né en cas
d'accouchement avant terme.
Etiologie
L'accouchement prématuré est un syndrome résultant d'étiologies multiples. Parmi ces
causes, on trouve certaines infections, des maladies maternelles ou foetales, les
malformations utérines ainsi que certaines pathologies de la grossesse telles que la
grossesse multiple ou le placenta praevia.1 Cependant, chez la majorité des femmes
présentant un travail prématuré, l'étiologie reste inconnue. L'accouchement prématuré peut
être la conséquence de la rupture prématurée des membranes (25% en moyenne, 7 à 51%
selon les populations), des contractions (50% en moyenne, 23 à 64% selon les populations),
ou sur indication médicale pour améliorer le pronostic de la mère ou du foetus (25% en
moyenne; 19 à 35% selon les populations).
Facteurs de risque
Certains facteurs de risque médicaux, obstétricaux et socio-démographiques
d’accouchement avant terme ont été déjà clairement identifiés.5 En effet, les femmes de
moins de vingt ans, primipares, vivant seules, de bas niveau socio-économique ou avec un
emploi fatiguant physiquement, de petite taille, les consommatrices de tabac ou d’alcool
présentent un risque d’accouchement prématuré plus important que les autres.
On estime cependant qu’un tiers à la moitié des femmes qui accouchent prématurément ne
présentent aucun de ces facteurs. En particulier chez les femmes primipares au foyer, sans
facteurs de risque connus, il est donc probable que d’autres facteurs soient impliqués dans
les accouchements avant terme « inexpliqués », notamment des facteurs psychologiques
comme dans des situations d’isolement, des affects d’anxiété et de difficulté à vivre
sereinement une grossesse.9-14
4
Prévention de l'accouchement avant terme
La prévention de l'accouchement prématuré est un des objectifs majeurs de l'obstétrique.
Plusieurs méthodes de dépistage des facteurs de risque et de stratégies préventives ont été
proposées, sans qu'aucune n'ait été démontrée bénéfique.5
Une fois le risque d'accouchement prématuré identifié, peu d'interventions ont été
démontrées efficaces pour réduire ce risque. Des interventions telles que l'arrêt du travail, la
mise au repos au lit, l'aide à domicile ou les visites fréquentes par une sage-femme avec ou
sans monitoring des contractions utérines ont été proposées pour diminuer le risque
d'accouchement prématuré. Le coût de ces interventions pour la personne et pour la société
est très élevé, sans qu'un bénéfice clair n'ait été démontré.
L'amélioration de la prise en charge néonatale a entraîné une diminution de la mortalité et de
la morbidité causés par l'accouchement prématuré.1 Cette prise en charge est très coûteuse,
en terme de coûts hospitaliers et de morbidité résiduelle à court et à long terme.
Rôle des facteurs psychologiques
Le rôle des facteurs psychologiques a été suggéré, depuis de nombreuses années, par
certaines études mais n’a pas pu être clairement démontré.15 Ces faisceaux d’impressions
cliniques ont pointé certains traits de la personnalité des femmes qui accouchent
prématurément, en relation avec leur histoire affective 16, ou leur fonctionnement psychique,
anxiété et dépression étant le plus souvent cité,17, 18 ainsi que le rôle des événements de vie
ou de stress environnementaux pendant la grossesse.19
Des problèmes méthodologiques ont été soulevés.11 L’état psychologique de la femme est
évalué après l’accouchement prématuré. L’accouchement prématuré pourrait avoir eu un
impact sur l’état psychologique de la mère. Il est rarement fait référence à un calcul du
nombre de sujets nécessaires permettant de garantir une puissance adéquate pour
l’analyse. La validité des échelles utilisées pour mesurer les facteurs psychologiques n’est
pas toujours établie. L’éventuel effet de confusion entre les différents facteurs de risques
médicaux, obstétricaux et socio-démographiques n’est pas systématiquement contrôlé. Ces
limitations méthodologiques ne permettent pas de démontrer qu’il existe un lien de cause à
effet entre facteurs psychologiques et accouchement prématuré. De plus, ces études ont
surtout évalué l’état de stress ou d’anxiété des mères, sans tenir compte de la tâche
psychologique découlant de la consolidation des identifications parentales nécessaire à la
création de l’identité de parents (de mère en l'occurrence)
Ces dernières années de nombreux travaux épidémiologiques sont venus conforter les
impressions cliniques et souligner l’importance d’une relation entre le vécu psychique de la
grossesse et son issue.5, 13
La période de la grossesse est une période riche en changements psychiques. Deux
notions reviennent sous une forme ou une autre : la perte et l’actualisation. La perte à travers
la perte de l’enfance et le deuil que doit faire la mère de l’enfant qu’elle fut, deuil qui
s’accompagne de la perte de l’objet maternel dans la mesure où l’enfant qu’elle était est
alors amené à passer alors au stade mère. L’actualisation concerne les affects et les
représentations suscité par l’expérience de la grossesse dans les rapports de la mère à la
naissance: réactivation des conflits infantiles, des traumatismes et du deuil d’un certain type
de lien à ses propres parents.20 Ce contexte psychologique inhérent à la grossesse peut être
source de multiples angoisses pour certaines femmes.
La pédopsychiatrie genevoise fut à l’origine des thérapies mère-bébé dont les techniques
sont largement décrites dans les deux livres de référence que sont « La pratique des
5
psychothérapies mère-bébé : étude clinique et technique » et « Les scénario narcissiques de
la parentalité ».20, 21 Un suivi thérapeutique prenant en considération les processus
psychiques décrits ci-dessus et ayant comme modèle technique celui des thérapies mères-
bébé, pourrait être bénéfique et diminuer le risque d’accouchement prématuré.
Intervention pour diminuer le risque
Suite à la mise en évidence de l’existence d’une composante psychologique dans la
survenue d’une naissance prématurée, l'impact d'une intervention psychothérapeutique pour
diminuer ce risque a été évalué.22
Le cadre psychothérapeutique permet aux femmes de mettre en mots et du sens aux conflits
psychiques jusque là non élaborés (traumatismes actuels, infantiles, ou histoires de
grossesses difficiles dans le passé) et déchargés sous la forme d’angoisses motrices et de
contractions. Les entretiens permettent d’aborder le vécu somatique de la grossesse, le vécu
subjectif qui est lié, le désir d’enfant rattaché à l’ambivalence du désir de devenir mère et de
leur manque de confiance à s’imaginer être mère et à porter un enfant.
Une étude d’intervention à évalué cette hypothèse.22-24 Cette étude a mis en évidence
qu’une prise en charge thérapeutiques chez les femmes à risque d’accouchement
prématurés pourrait permettre de diminuer de manière significative le risque de prématurité.
Cette étude a porté sur 632 femmes en menace d’accouchement prématuré (contractions et
modifications du col), réparties en deux échantillons successifs. Le premier, pris en charge
avant la mise en place du programme de soutien psychothérapeutique (n=309) a constitué le
groupe témoin. Ensuite, un programme de soutien psychothérapeutique a été mis en place
en plus du traitement habituel et a constitué le groupe expérimental (n=323). Les résultats
ont montré que les femmes ayant bénéficié d’un soutien psychologique présentaient un
risque de prématuré de 12,3% contre 25,7% dans le groupe témoin (RR : 0.48 ; IC95% :
0.34-0.68 ; P<0.001). Les résultats de cette étude sont prometteurs, mais ne permettent pas
d’établir définitivement le bénéfice de l’intervention psychothérapeutique à cause de biais
possibles dans les résultats. En effet, à cause du design de l’étude (avant-après) il est
possible que le niveau de risque d’accouchement prématuré soit différent entre les groupes
(biais de sélection).
Justification de notre projet
Nous proposons d’évaluer l’impact de la prise en charge psychothérapeutique pour prévenir
le risque d’accouchement avant terme dans le cadre d’un essai clinique randomisé. La
randomisation des participantes à l’intervention psychothérapeutique ou la prise en charge
habituelle pourrait éviter le biais potentiellement présent dans l’étude de Mamelle et al..23 Ce
projet pluridisciplinaire entre le service de pédopsychiatrie, le service d’obstétrique et le
département de pédiatrie vise à évaluer une intervention originale et très prometteuse pour
diminuer le risque de naissance avant terme, de mortalité et de morbidité.
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