Dépistage précoce de l`amblyopie dans le cabinet pédiatrique

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Courrier des lecteurs
Vol. 23 No. 3 2012
Courrier du lecteur, Paediatrica 2012; 23 (2): 29–31
Dépistage précoce de l’amblyopie
dans le cabinet pédiatrique
Hartmut Kuck, Heerbrugg
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
En tant qu’ophtalmologue j’ai lu avec intérêt
l’article méritoire de Thomas Baumann
concernant le dépistage de l’amblyopie et je
l’approuve. En effet le dépistage précoce de
l’amblyopie représente à chaque fois un
challenge pour l’examinateur, en patience,
en connaissance des méthodes et en routine dans l’application des techniques d’examen. Cela est valable tout particulièrement
pour les formes fréquentes d’amblyopie
«silencieuse», comme l’amblyopie en cas de
troubles majeurs de la réfraction, d’anisométropie et de microstrabisme, dont même
les parents attentifs ne s’aperçoivent pas et
qui sont facilement manqués lors des examens préventifs. Les tests de Hirschberg,
de Brückner, le cover-test et même le test
de Lang exigent beaucoup de routine pour
obtenir des résultats probants et souvent
leur résultat n’est pas formel, comme par
ailleurs l’examen de l’acuité visuelle du petit
enfant. En outre tous ces tests ne livrent pas
d’indications concernant les troubles de la
réfraction (en particulier hypermétropie et
astigmatisme majeurs ainsi qu’anisométropie). Il est dès lors compréhensible que
l’auteur cherche une issue dans la mesure
computérisée de la réfraction, afin de déceler de façon fiable les causes d’amblyopie
les plus fréquentes et citées plus haut. Il
nomme explicitement l’appareil Plusoptix S
09 de la firme Plusoptix GmbH à Nuremberg. Il s’agit malheureusement d’une
conclusion erronée qui ne résiste pas à une
analyse approfondie.
Lorsque nous avons acheté l’appareil Plusoptix, nous espérions aussi obtenir, par un
examen rapide et à distance (1 m) de la vision binoculaire, des indications concernant
la réfraction dès l’âge d’un an et exclure
ainsi les amétropies et anisométropies majeures, sans avoir recours à la cycloplégie,
fastidieuse pour l’enfant et les parents.
Dans notre consultation d’ophtalmologie
nous avons examiné avec cet appareil, en
collaboration avec nos trois orthoptistes, un
grand nombre de patients, dont de nom-
breux enfants et – contrairement à Thomas
Baumann – effectué dans presque tous les
cas une mesure classique de la réfraction
en cycloplégie par skiascopie manuelle ou,
si possible, réfractométrie automatique, afin
de valider les valeurs de la mesure binoculaire sans mydriase. En comparant les
­mesures par Plusoptix avec celles par réfraction en cycloplégie nous avons malheureusement constaté que la gravité d’une
hypermétropie et d’une anisométropie ne
peut être déterminée et, s’il est bien possible de détecter les astigmatismes, ce n’est
pas le cas pour leur intensité. L’information
concernant les troubles de la réfraction
majeurs (hypermétropies, astigmatismes et
anisométropies importants) sont donc très
vagues. Le fabricant du Plusoptix en tient
compte en informant l’utilisateur qu’il n’est
intensité pas possible d’évaluer l’intensité
d’un trouble de la réfraction par un examen
en myosis. Il met à disposition un dispositif
avec + 3 dpt, qu’on tient entre l’appareil et
l’enfant, afin de détecter les hypermétropies
de > 3 dpt, mais dont l’utilisation n’est possible que sous certaines conditions. L’examen en cycloplégie n’est pas possible avec
cet appareil.
Conclusion: avec la réfractométrie binoculaire en myosis les causes les plus fréquentes
d’une amblyopie, à savoir les hypermétropies
majeures avec ou sans astigmatisme et les
anisométropies, ne se laissent pas non plus
détecter de façon fiable et différencier des
troubles de la réfraction ne nécessitant pas
de correction. Le pédiatre se verra contraint
d’adresser de nombreux enfants pour un
examen ophtalmologique ou alors il se bercera dans une sécurité trompeuse. L’utilisation de l’appareil mentionné par l’auteur
n’apporte, d’après nos expériences, pas
d’amélioration ou de simplification au dépistage de l’amblyopie.
Du point de vue de l’ophtalmologue il faut
donc maintenir la recommandation que tout
enfant avec une anamnèse familiale posi-
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tive, une constatation suspecte au niveau
des yeux ou un examen pathologique ou
douteux lors des examens préventifs devrait
bénéficier d’un examen ophtalmologique et
orthoptique. En présence de petits enfants,
en particulier lorsqu’ils s’avèrent difficiles à
examiner, nous aussi sommes contraints à
réunir, comme les pièces d’un mosaïque, les
résultats obtenus par plusieurs méthodes
d’examen, et nous ne pouvons pas non plus
renoncer à l’examen en cycloplégie lorsque
la suspicion d’une réfraction amblyogène
est fondée. Mais ensuite les enfants concernés, leurs parents et le pédiatre référant
disposent d’un résultat fiable qui permet un
traitement adéquat. S’il existe effectivement des problèmes de disponibilité,
comme le pense l’auteur, ils se laissent –
comme dans notre région – toujours résoudre à satisfaction par la collaboration
personnelle entre pédiatre et ophtalmologue. Je m’emploierai volontiers auprès de
notre société médicale, la SSO, pour qu’elle
contribue à ce que tout enfant, chez qui le
pédiatre suspecte un trouble ophtalmologique lors de l’examen préventif, soit rapidement pris en charge et bénéficie d’un
examen ophtalmologique qualifié et adapté
à son âge.
Correspondance
Dr Hartmut Kuck
Ophtalmologue FMH
Auerstrasse 2
9435 Heerbrugg (SG)
[email protected]
Courrier des lecteurs
Vol. 23 No. 3 2012
Réponse
Dépistage précoce de l’amblyopie
dans le cabinet pédiatrique
Thomas Baumann, Soleure
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Il est réjouissant que des lecteurs, qui plus
est des connaisseurs du sujet, s’intéressent
et l’analysent à fond. Vous écrivez dans
votre critique que les résultats obtenus avec
les Plusoptix ne sont pas comparables à
ceux que vous constatez moyennant un
examen ophtalmologique en cycloplégie.
Malheureusement vous ne nous dites pas
combien de résultats faux positifs et faux
négatifs vous avez constaté.
Votre constatation reste donc anecdotique.
Avant d’utiliser le Plusoptix dans notre
grand cabinet de groupe (nous effectuons
plus de 25 000 consultations par an), nous
avons consulté la littérature s’y rapportant.
Les chiffres parlent d’eux mêmes et nous
n’avions aucune raison de mettre en doute
des investigations cliniques effectuées correctement. Les chiffres dans les études,
mentionnées dans mon article, sont explicites et les imprécisions, voire erreurs que
vous reprochez à la méthode y sont clairement réfutées.
Nous utilisions, au départ, des valeurs limites trop sévères et nous adressions au
début de notre expérience trop de patients
pour vérification aux ophtalmologues. Après
discussion et ajustement des valeurs limites
de l’appareil nous n’avons plus orienté des
enfants inutilement au spécialiste*. La collaboration avec les ophtalmologues s’est
nettement améliorée et nous pensons – en
nous basant sur la littérature et le retour
fourni par les ophtalmologues – offrir une
prestation utile aux enfants. Il est vraiment
dommage que vous n’ayez pas publié vos
données, ce qui permettrait d’en vérifier la
pertinence.
l’ont mentionné. Peut-être s’agit-il d’un ancien modèle, entre temps remplacé? Les
hypermétropies de 3 dpt exigeant de toute
façon un contrôle spécialisé, cela n’a pas
une grande importance.
Je suis d’accord avec vous que le Plusoptix
ne va pas non plus résoudre, une fois pour
toutes, le dépistage de l’amblyopie de la
petite enfance. Mais il s’agit d’un pas dans
la bonne direction, documenté par des
études à large échelle et aussi par notre
expérience personnelle.
Ce sont des avis comme le votre, mais surtout des données documentées qui aideront
à améliorer l’examen et le dépistage précoce de l’amblyopie.
Je vous remercie encore une fois pour votre
engagement et vous présente mes meilleures
salutations,
Correspondance
Dr. Thomas Baumann
Therapiezentrum für körper- und sinnesbehinderte Kinder (ZKSK) AG
Solothurn
[email protected]
www.zksk-so.ch
Vous mentionnez encore dans votre courrier
un dispositif à placer entre l’enfant et l’appareil; ni le fabricant ni le représentant ne
* Nouvelles valeurs normales voir sous: http://www.
swiss-paediatrics.org/fr/paediatrica/vol23/n3
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