MASSICOTTE, Julien. «Histoire, engagement, idéologies». HistoireEngagee.ca (24 novembre 2010), [en ligne].
http://histoireengagee.ca/?p=594.
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deleurpropreconditionobjectiveversdesconsidérationsmétaphysiquesleurpermettant
detolérerlesmisèresdelarévolutionindustrielle.
SionfaitlesautdansleXXesiècle,ons’aperçoitrapidementquelanotiond’idéologiese
transforme.Defausseconscienceetdesourced’aliénationchezMarx,elledevientchezKarl
Mannheim,auteurdel’influentIdéologieetUtopie,visiondumonde—Weltanschaaungen
allemand—uneperceptiondelaréalitéquipeutcertesêtrefausse,commechezMarx,mais
pas nécessairement ni exclusivement. Mannheim en appelle à une vision plus large, plus
englobantedel’idéologie,sanspourautantrécuserl’élémentdecontrôlesocialprésenten
son sein. Les idéologies consistent ici en des manières particulières de concevoir et de
percevoirla réalité. Iln’est donc plus questiondefausseconscienceici,maisplutôt d’une
variétédeprismesàpartirdesquelslaréalitéestperçue.
Lesdéfinitions(icischématiséesetsimplifiées)deMarxetdeMannheimdel’idéologiese
retrouventaux antipodes,lapremièremettant l’accentsur lesdynamiquesdepouvoir,la
secondesurladiversitédesdéterminismessociauxaboutissantauxvisionsdumondelesplus
variées.Ilexistetoutefoisunentre‐deux,unedéfinitiondel’idéologiequiintègreàlafoisla
composantesocialeetpolitique.LesociologueethistorienquébécoisFernandDumont,dans
sonouvrageLesidéologies,situel’idéologieàunentre‐deuxfaceauxpositionsprécédentes.
Lesidéologiesconstituentdes« définitionsdelasituationenvuedel’action »permettantaux
acteursdesituerdansuncontextesocialpluslargeleurspratiquesetles intérêts quiles
motivent.PourDumont,lesidéologiessontcertesdesvisionsdumonde,ayantunpotentiel
mystificateurcommechezMarx,maisdontlafonctionultimeestdeservird’interprétation
collectiveàl’actionsociale.Lasociétéregorged’idéologieslesplusvariées,encompétition
lesunesaveclesautrespourl’influenceetlepouvoir.
Lesidéologies,seloncestroisdéfinitions,quisouventserecoupent,sontomniprésentes,leur
influenceauseindelasociétépluslargesefaitsentiràtouslesniveauxetpaliers,etaucun
groupesocialn’yéchappevéritablement,cequiinclutévidemmentlesintellectuels,etplus
spécifiquementdanslecasquinousintéresseleshistoriens.L’objectivitépureestunmythe
auquelpeudegenscroientsérieusementdenosjours,etquelechercheuradhèreàcertaines
idéologies,commelerestedesacteursauseindelasociétépar ailleurs, n’invalide
aucunement son travail. Peut‐on sérieusement rejeter du revers de la main l’œuvre
historienned’unStanleyB.Ryersonparcequ’ilétaitmarxiste,l’œuvred’unGérardBouchard
parcequ’indépendantiste ?Larigueurexigeplutôtdebienconnaîtrelesdéterminismesetles
influencessocialesquiagissentsurlaconscience,unpeucommeenappelaitMannheimen
définissantlesgrandeslignesdesasociologiedelaconnaissance,quedetenterdeneutraliser
complètementcesdernières.Bref,savoirquelorsquel’onconduit,ilexisteunanglemortà
notrechampdevision,etenêtreconscient,plutôtquedefaire comme si l’angle mort
n’existaittoutsimplementpas.
Une histoire engagée : possible, souhaitable, nécessaire ?
Puisque l’historien est un membre de la société comme tout le monde, il se voit
inévitablement marqué, et pour ne pas dire jusqu’à un certain point déterminé, par les
structures,lesidéologies,lesréférencesculturellesetpolitiques,lesconjoncturessocialeset
économiques,lesconditionsdeclassessociales,lesinstitutions,etc.Lechercheur,ensciences
humaines,n’ajamaisunregarddivinsursonobjet,ilenfaitdeprèsoudeloinpartie.Oupour
le dire comme Howard Zinn, «youcan’tbeneutralonamovingtrain». La posture