Thème 4 : Colonisation et décolonisation : La décolonisation Vers 1930, les Empires coloniaux vivent leur apogée. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, ils s’effondrent rapidement. Durant le second quart du XXe siècle, de plus en plus de peuples colonisés revendiquent leur indépendance. Comme les pays européens sont affaiblis après la guerre, ils doivent peu à peu renoncer à leurs possessions coloniales. Plan du cours : 1. La décolonisation 2. L’indépendance de l’Inde 3. La guerre d’indépendance d’Algérie 1) La décolonisation I. Les causes de la décolonisation a) La Seconde Guerre mondiale Dès 1940, la France, les Pays-Bas et la Belgique, trois des principaux Empires coloniaux perdent la guerre contre l’Allemagne. Le Royaume-Uni est trop affaibli pour garder le contrôle sur l’ensemble de ses territoires. Du coup, entre 1940 et 1945, le Japon, allié à Hitler, occupe les colonies françaises, néérlandaises et britanniques en Asie du Sud-Est. En 1945, les Européens récupèrent ces colonies, mais les peuples colonisés ont compris, entre temps, que les armée européennes n’étaient pas invincibles. Cette constatation attise leurs espoirs d’indépendance. Par ailleurs, près de 2 millions d’Asiatiques et près de 500'000 Africains ont été mobilisés par les Français et le Royaume-Uni dans l’effort de guerre. Ces soldats espèrent gagner en retour de leur dévouement un assouplissement du régime colonial. b) L’anticolonialisme en métropole Dès le scandale du chemin de fer au Congo à la fin des années 1920, puis lors de l’Exposition coloniale de 1931, des intellectuels et politiciens militent contre le colonialisme (communistes, surréalistes, anarchistes…) Durant la guerre et dans l’après-guerre, de plus en plus de responsables politiques, religieux et d’intellectuels prennent position pour la décolonisation. Ils utilisent deux arguments principaux. o D’abord, ils affirment que la colonisation est un gaspillage d’argent. Pour eux, l’argent de l’Etat devrait être utilisé pour améliorer les conditions de vie des populations qui vivent dans la métropole et pas dans les colonies. o Ensuite, ils affirment que la colonisation va à l’encontre des conventions des Organisations Internationales comme l’ONU et la SDN. En effet, la Charte des Nations Unies, signée en juin 1945, affirme « le principe de l’égalité des droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes ». en d’autres termes, pour l’ONU, chaque peuple devrait avoir le droit de choisir son propre gouvernement, ce qui n’est évidemment pas le cas dans les colonies. C’est le fameux principe des nationalités. c) L’anticolonialisme dans les colonies Les contestations contre la colonisation se développent aussi dans les colonies. Dès les années 1920, les élites des peuples colonisés, qui ont reçu le plus souvent leur éducation en France, s’indignent contre la colonisation. En effet, ils apprennent les principes des Lumières, le principe des nationalités, les droits de l’homme, etc. et se rendent compte qu’ils ne sont pas respectés chez eux. Dès 1930, Hô Chi Minh crée le parti communiste indochinois. Dans les années 1925, Abd El-Krim lance une révolte au Maroc, qui s’étend en Tunisie et en Algérie. Dans ces trois pays, les contestataires créent des partis indépendantistes. Au départ, les indépendantistes réclament surtout des réformes et un assouplissement du colonialisme. Mais les métropoles refusent, malgré l’aide de leurs colonies lors de la guerre. Du coup, les partis indépendantistes commencent à réclamer l’indépendance totale. d) Les nouvelles puissances mondiales Au sortir de la guerre, les Etats européens sont affaiblis. Deux nouvelles superpuissances émergent et supplantent les Empires coloniaux en puissance. Il s’agit de l’URSS et des Etats-Unis. Ces deux superpuissances se déclarent anticolonialistes. Historiquement, les Etats-Unis sont une ancienne colonie britannique qui a déjà eu son indépendance. Ils se déclarent donc logiquement solidaires avec les peuples colonisés. Toutefois, à partir la Guerre Froide, leur priorité n’est pas la décolonisation mais la lutte contre le communisme. Du coup, ils soutiennent souvent les métropoles dans les guerres de décolonisation pour deux raisons : o Les puissances européennes sont leurs alliées, ils veulent donc éviter de les froisser. o Beaucoup de mouvements indépendantistes se réclament du communisme comme en Indochine. Du coup, les Etats-Unis refusent de les soutenir et les combattent. L’URSS de son côté critique le colonialisme européen parce qu’elle le considère comme une manifestation du capitalisme. Pour elle, la domination des ouvriers par les patrons est la même que celle des colonies par les métropoles. Pour arriver à une société égalitaire, il faut donc supprimer les classes sociales, mais aussi le colonialisme. Toutefois, l’URSS a aussi une attitude contradictoire puisqu’elle impose sa domination aux peuples d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, ce qui peut-être vu comme une forme de colonialisme. II. Les étapes de la décolonisation a) La décolonisation de l’Asie L’Asie est la première région à être concernée par la décolonisation, dès les années 1945-1949. En Inde, la Grande-Bretagne accepte de se retirer dès 1947 face à une contestation populaire croissante. Le pays est divisé en deux, entre hindous (Inde) et musulmans (Pakistan). En 1948, les britanniques se retirent de Ceylan et de la Birmanie, après des négociations diplomatiques. Par contre, elle quitte la Malaisie en 1957 sous la pression d’une guérilla communiste. Tous ces pays intègrent le Commonwealth. Ainsi, la Grande-Bretagne accepte de laisser leur indépendance à ses anciennes colonies, mais à condition qu’elle puisse garder des liens économiques et politiques privilégiés avec elles. En Indonésie, le leader des nationalistes, Soekrano, profite de la fin de l’occupation japonaise, en 1945 pour proclamer l’indépendance de la colonie. Les Pays-Bas tentent de reprendre contrôle de l’archipel par la force en 1948 mais doivent y renoncer sous la pression de l’ONU et des Etats-Unis. En Indochine française, Hô Chi Minh, leader du Vietminh (mouvement indépendantiste communiste) essaie lui aussi de déclarer l’indépendance du pays en 1945. La France entre en guerre pour récupérer le pays (c’est la guerre d’Indochine) avec comme prétexte la lutte contre le communisme. Les troupes françaises capitulent le 7 mai 1954 et l’Indochine accède à l’indépendance donnant naissance à plusieurs Etats : Laos, Cambodge, Vietnam du Nord (communiste) et du Sud (pro-occidental). b) La décolonisation de l’Afrique À partir du milieu des années 1950, le processus de décolonisation s’étend à l’Afrique du Nord. La défaite française en Indochine donne du courage aux indépendantistes maghrébins. Sous leur pression, la France se résout à accorder l’indépendance à la Tunisie et au Maroc en 1956. Les nationalistes algériens se révoltent dès 1954. Toutefois, la France ne veut pas leur donner leur indépendance car l’Algérie est une colonie de peuplement. Elle abrite donc une importante communauté d’origine européenne et est considérée comme un territoire métropolitain. Du coup, la France donne leur indépendance à la Tunisie et au Maroc pour pouvoir se concentrer dans la guerre d’Algérie. Les dernières colonies à accéder à l’indépendance sont celles qui se situent en Afrique subsaharienne, le plus souvent de manière pacifique. En 1957, le Ghana britannique gagne son indépendance. En 1960, toutes les colonies françaises font de même, ainsi que le Nigéria et le Congo Belge. Seul le Portugal tente de résister par la force à la décolonisation mais finit par céder en 1975 (Mozambique, Angola). 2) L’indépendance de l’Inde I. Les origines des contestations a) L’indirect rule La présence britannique en Inde est ancienne. Mais c’est au cours du XIXe siècle que l’ensemble du territoire passe sous domination anglaise. La colonie est alors gouvernée par un vice-roi et l’anglais devient la langue officielle. Toutefois, l’Inde est un protectorat, régit par l’indirect rule. Cela signifie qu’une partie du pouvoir est délégué aux élites locales (souvent formées en Angleterre). Dès le début, l’Inde bénéficie donc d’une autonomie plus grande que d’autres colonies. Dès 1885, ces élites locales fondent l’Indian National Congress (INC) ou Parti du Congrès. C’est un parti politique indien qui représentent les intérêts des colonisés face à la métropole. Dès la fin du XIXe, les britanniques donnent de plus en plus d’autonomie aux dirigeants des provinces. Tout cela ne veut pas dire que les britanniques préparent l’indépendance du pays. L’Inde est considérée comme le « joyau de la Couronne » britannique. 120'000 colons y vivent, de nombreuses mines y sont exploitées, ainsi que des cultures de thé, café et coton. L’indirect rule est en fait une stratégie pour s’assurer du soutien des élites locales pour justement éviter la décolonisation. b) Le parti du Congrès et la Ligue musulmane C’est après la Première Guerre mondiale que le Parti du Congrès et de nombreux intellectuels indiens commencent à réclamer l’indépendance de l’Inde. À cette époque, un personnage clé prend la tête de la résistance indienne. Il s’agit de l’avocat Mohandas Gandhi, appelé le Mahatma (grande âme) Gandhi. En 1906, un second parti indépendantiste est créé, la Ligue Musulmane. Il faut savoir que l’Inde abrite énormément de religions différentes, mais que les deux principales sont l’hindouisme et l’Islam. La Ligue Musulmane est fondée pour représenter principalement les intérêts de la frange musulmane de la population. Son principal représentant est Muhammad Jinnah. Il s’allie au Parti du Congrès pour l’indépendance, mais peu à peu, des tensions émergent entre les deux partis. Dans l’entre-deux guerres, la principale stratégie des indépendantistes est celle de la résistance civile non-violente promue par Gandhi. Au lieu de prendre les armes, les Indiens trouvent des techniques d’opposition sans passer par la violence. Ils organisent des boycotts des produits britanniques, des grèves de la faim, des grandes marches pacifistes. La marche la plus célèbre est la Marche du sel (1930). Gandhi, suivit de gens de toute l’Inde marche 400km à pieds jusqu’à l’océan. Arrivé à l’océan, il recueille dans ses mains un peu de sel. C’est un geste hautement symbolique. En effet, à cette époque, les indiens n’ont pas le droit de récolter eux-mêmes le sel et doivent payer un impôt aux Anglais pour en avoir. Gandhi est plusieurs fois arrêté mais il devient une figure du pacifisme internationalement connue. c) La marche vers l’indépendance À cause de la résistance civile, en 1935, les Britanniques signent dès 1935 le Government of India Act qui apporte un début d’autonomie politique à la colonie. Les 11 provinces ont des gouvernements autonomes mais qui doivent quand-même répondre à l’autorité du vice-roi. Mais ces mesures ne calment pas les indépendantistes qui veulent une indépendance totale. Dès 1940, le tableau se complique. La Ligue Musulmane commence à réclamer un Etat musulman indépendant. Elle veut créer deux Etats en Inde, un pour les hindous et un pour les musulmans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Inde est menacée par le Japon. En 1942, le Parti du Congrès lance le mouvement Quit India (Quittez l’Inde). Il affirme que les Indiens ne soutiendront militairement la Grande-Bretagne qu’en échange de l’indépendance du pays (doc. 3). Mais les Britanniques ne se laissent pas faire. Ils arrêtent 100'000 militants nationalistes, dont les leaders du Parti du Congrès, Gandhi et Nehru. Finalement, 1,5 millions d’indiens s’engagent auprès des troupes britanniques. II. Une décolonisation négociée a) Le contexte après 1945 Après 1945, le contexte international est favorable à la décolonisation. Le Royaume-Uni est militairement affaibli par la 2e Guerre mondiale et a des difficultés économiques. De plus, les deux nouvelles superpuissances, les Etats-Unis et l’URSS sont anticolonialistes. Les émeutes se multiplient donc en Inde. En 1945, Churchill, qui était très attaché à l’Inde, est remplacé par Clément Attlee. Celuici accepte de négocier l’indépendance. Il pense qu’elle est inévitable et pense que par la négociation il parviendrait à protéger les intérêts économiques britanniques en Inde. Il veut maintenir un bon contact avec l’Inde pour qu’elle accepte de faire partie du Commonwealth une fois indépendante. b) Les négociations et la partition Les négociations sont toutefois compliquées par les désaccords entre le Parti du Congrès et la Ligue Musulmane. Le Parti du Congrès veut créer une Inde fédéraliste, où les provinces auraient une bonne autonomie. De son côté, la Ligue Musulmane veut fonder un Etat Musulman dans la région du Pakistan. Les désaccords entre politiciens débordent sur la population. Entre 1946 et 1947, de nombreuses émeutes ont lieu. Les Musulmans et les Hindous se battent entre eux dans tout le pays. Rien que dans la ville de Calcutta, ces émeutes font plusieurs milliers de morts. Les gouvernements locaux, qui sont soit musulmans, soit hindous, n’interviennent pas pour protéger les communautés minoritaires, mais ils les laissent se faire massacrer. L’Inde étant au bord de la guerre civile, les britanniques acceptent de créerdeux Etats. Le Parlement britannique vote en juillet 1947 l’India Independance Act qui instaure deux Etats indépendants : l’Union indienne et le Pakistan. En fait le Pakistan est divisé en deux : Pakistan occidental et Pakistan oriental. Le processus de décolonisation de l’Inde est donc extrêmement rapide : les anglais ne veulent pas gérer une guerre civile, et ils veulent satisfaire Jinnah et Nehru pour être sûrs que les futurs Etats entrent dans le Commonwealth (doc. 5) III. L’Inde après l’indépendance a) Les déplacements de populations et les massacres La partition de l’Inde entraine un gigantesque transfert de populations entre les deux nouveaux Etats accompagné de nombreuses violences. 7 millions de musulmans rejoignent le Pakistan, et 10 millions d’hindous vont en Union indienne. C’est le plus grand déplacement de population dans l’histoire de l’humanité. De véritables massacres ont lieu, notamment au Penjab, Bengale et Cachemire (500'000 victimes, mais certains parlent de 1-2 millions). Gandhi encourage les musulmans à rester en Inde et proteste contre les violences faites par les hindous contre les musulmans. Il est assassiné le 30 janvier 1948 par un extrémiste hindou... b) Les guerres indo-pakistanaises Les deux nouveaux Etats entrent immédiatement en guerre à propos du Cachemire. Cette principauté aux 3⁄4 musulmane est dirigée par un maharaja hindou qui décide de se rattacher à l’Union indienne. Les armées pakistanaises et indiennes s’affrontent alors au Cachemire. L’ONU impose un cessez-le-feu qui divise le Cachemire en deux en 1949, mais ce territoire reste un enjeu de tensions. Deux autres guerres entre Inde et Pakistan en 1965 et 1971. Ainsi, même si la décolonisation de l’Inde s’est faite de manière négociée, elle a été faite de manière précipitée, ce qui a conduit à de nombreuses guerres.