Copyright 2014 © Implications philosophiques – ISSN 2105-0864
témoigner de ce que l’on désigne couramment aujourd’hui comme l’» actualité » profonde
de cette philosophie.
De fait, la philosophie de Hegel connaît aujourd’hui un regain d’intérêt et des
usages jusque dans des courants de pensée qui semblent pourtant lui être, par principe, les
plus opposés, voire le plus farouchement hostiles. Si une telle affirmation est
particulièrement vraie s’agissant de la philosophie politique et morale contemporaine (que
l’on songe, par exemple, à la place centrale que lui accorde A. Honneth dans l’élaboration de
sa théorie de la reconnaissance ou encore, outre-Atlantique, à l’importance de la
philosophie hégélienne de l’» esprit objectif » pour un penseur tel que Charles Taylor),
d’autres aspects de la pensée hégélienne semblent faire l’objet d’une redécouverte et d’une
relecture attentive et intéressée par la pensée contemporaine et, notamment, à la faveur du
développement du néo-pragmatisme américain, par la philosophie dite “analytique”
.
Cependant, ces usages contemporains de la pensée de Hegel recourent la plupart du temps
à sa philosophie en la détachant de ce que Marx désignait, pour des raisons sans doute tout
autres, de sa « gangue métaphysique ». Cela est particulièrement manifeste, une fois
encore, s’agissant de la pensée politique de Hegel : comme le souligne J.-F. Kervégan dans la
Préface de son ouvrage L’Effectif et le rationnel, Hegel et l’esprit objectif, c’est la plupart du
temps au prix de sa métaphysique ou encore de son ontologie que la pensée hégélienne du
politique est jugée digne de pouvoir participer au débat contemporain
. Cette dernière est
en effet jugée trop « lourde », quand elle n’est pas purement et simplement déclarée
obsolète ou, sous un autre aspect, “dangereuse” et “totalitaire”. De la sorte, c’est « en dépit
de la quasi-invraisemblance de son ontologie »
que Ch. Taylor affirme de la pensée
En témoignent, notamment, les récents travaux de Terry PINKARD et de Robert BRANDOM. Pour un bon aperçu,
en français, des rapports de Hegel au pragmatisme et de cet intérêt américain contemporain pour la
philosophie hégélienne, cf. « Hegel pragmatiste ? », Philosophie n° 99, Éditions de Minuit, Automne 2008,
numéro coordonné par J.-M. BUEE, E. RENAULT, O. TINLAND et D. WITTMANN et qui rassemble des articles de R.
RORTY, T. PINKARD, J. MCDOWELL, R. BRANDOM et R. PIPPIN.
Jean-François KERVEGAN, L’Effectif et le rationnel, Hegel et l’esprit objectif, Paris, Vrin, 2007, Préface : « Hegel
sans métaphysique ? », p. 7-15.
Charles TAYLOR, Hegel et la modernité, chap. II, trad. P. R. Desrosiers, Paris, Cerf, 1998, p. 69. Pour Taylor,
même si l’ontologie hégélienne n’est pas propre à « emporter l’adhésion du lecteur contemporain », sa
philosophie politique reste pourtant « très pertinente » parce que le conflit entre l’utilitarisme des Lumières
d’une part et les aspirations à l’autonomie radicale et à l’unité expressive avec la nature d’autre part qu’elle
tente selon Taylor de surmonter est un conflit permanent qui traverse toujours essentiellement nos sociétés
contemporaines.