Aux origines de la prospective 17
l’homme »13, objectif que Berger poursuivra avec la prospective.
Blondel considérera que ce travail « dénote une remarquable vigueur
et maîtrise de pensée », témoignant « d’un esprit déjà mûr, à la fois
exigeant et prudent ». Il y verra « la promesse d’une thèse de doctorat
et d’une œuvre qui, complétée et développée, aura une très réelle
portée »14.
Berger situe d'emblée son travail sur « le terrain de
l'épistémologie contemporaine »15. Il le nourrit de certains travaux
commis par Maurice Blondel16 et par quelques maîtres de ce dernier17.
On y trouve donc naturellement de nombreuses empreintes du
philosophe d’Aix. D'une manière générale, en s'inscrivant dans une
recherche sur l'intelligibilité, il rejoint une préoccupation de Blondel
et de sa recherche sur l'action18. Plus spécifiquement, la lecture des
13 Ibidem, p. 71.
14 Observations de Maurice Blondel faites en vue de la soutenance de Gaston
Berger, reprises in Gaston Berger, Les conditions de l’intelligibilité…, op. cit.
15 Lettre de Gaston Berger à Maurice Blondel du 18 juillet 1924, repris in Gaston
Berger, Les conditions de l’intelligibilité…, op. cit.
16 Outre L'action de 1893, Gaston Berger fait référence à un second ouvrage de
Maurice Blondel, Le procès de l’intelligence, Paris : Bloud & Gay, 1922. Ce dernier
est en fait un ouvrage collectif rassemblant les textes de cinq auteurs, parus dans La
Nouvelle Journée entre 1920 et 1921, avec pour objectif d'étudier « le rôle de
l'intelligence dans les diverses disciplines de la pensée et de l'action ». Blondel y fait
notamment la distinction entre connaissance notionnelle et connaissance réelle :
« par la première, nous fabriquons un monde de représentations, comme une cage de
verre dépoli où nous ne sommes en contact qu'avec des produits de l'industrie,
artificiata, [...] ; par la connaissance réelle, ce que nous cherchons, ce ne sont pas
des représentations, des images, des symboles [...] c'est la vive présence, l'action
effective, [...] l'union assimilatrice, la réalité » (p. 237).
17 Gaston Berger s'appuie à de nombreuses reprises sur certains travaux d'Émile
Boutroux, qui fut le maître et membre du jury de la thèse de Blondel, et de
Lachelier, qui fut le maître de Boutroux ; ces travaux ont servi à Blondel pour son
travail sur l'action (cf. à ce propos Claude Troisfontaines, « Blondel et la science. À
l'école de Boutroux et de Lachelier », in Emmanuel Gabellieri, Pierre de Cointet
(dir.), Maurice Blondel et la philosophie française, op. cit., pp. 141-157).
18 « En étudiant l'action, je puis dire que, servant encore la cause de la pensée, j'ai
tendu à rendre de plus en plus profondément intelligible ce qui n'est pas
immédiatement et spécifiquement intellectuel » (lettre de Maurice Blondel sur