TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ LIMITE ÉTAT ACTUEL DES CONNAISSANCES Pierre David, md psychiatre Institut Universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) Mardi le 15 mars 2016 Conflits d’intérêts potentiels: aucun Plan de la rencontre • Introduction • Révision du tableau clinique des troubles de la personnalité limite • Symptomatologie • Diagnostic différentiel • Nouvelles données sur le TPL • Évolution au fil des ans • Difficultés de réinsertion sociale • Impact sur la santé et la mortalité • Suicidalité et automutilation • L’historique des traitements • Traitement spécialisé intensif et long terme (1990-2015) • Le futur ?? : Traitement par étape en réseau et adapté aux besoins de la personne / stepped care Introduction • Choix des thématiques • Objectifs: • Échange/transfert d’informations • Meilleure collaboration • Mobilisation • Fonctionnement de la soirée / période de questions Tableau clinique du trouble de la personnalité limite Retour sur la symptomatologie 1. Instabilité émotionnelle ▫ Instabilité affective, tout sauf plat !! = réactivité Émotions changeantes, intenses et qui peuvent survenir rapidement ▫ Sentiment fréquent et soutenu de colère Difficulté à gérer la colère Retour sur la symptomatologie 2. Instabilité interpersonnelle ▫ Efforts considérables afin d'éviter les rejets réels ou imaginaires (peur de l'abandon) ▫ Relations interpersonnelles instables et intenses Hiérarchie des relations interpersonnelles conjoint conjoint collègue collègue Plus impliqué Moins impliqué enfant enfant Self meilleur meilleurami ami professeur professeur mère mère adapté de Bateman et Fonagy Hiérarchie des relations interpersonnelles conjoint collègue Plus impliqué Moins impliqué enfant Self meilleur ami professeur mère adapté de Bateman et Fonagy Retour sur la symptomatologie 3. Instabilité comportementale ▫ Impulsivité dommageable dans différents domaines : dépenses, sexualité, drogue, alimentation, conduite automobile, jeux de hasard,… ▫ Comportements suicidaires (gestes ou menaces) ou automutilation Raisons / fonctions de l’automutilation % selon étude Pour ressentir une douleur physique ou pour diminuer la douleur psychique 59% Pour se punir d’être mauvais 49% Pour contrôler ses émotions 39% Pour exercer un contrôle 22% Pour exprimer de la colère 22% Pour ressentir quelque chose, pour surmonter «le détachement» 20% source: 1994, Sheare SL, Jrnal of mental Retour sur la symptomatologie 4. Instabilité identitaire ▫ Diffusion de l'identité (ne pas savoir qui on est, ce qu'on veut dans la vie, nos buts…) ▫ Sentiment de vide intérieur 5. Symptômes perceptuels ▫ Symptômes paranoïdes ou dissociatifs transitoires en situation de stress Stress Sentiment d’abandon Vide intérieur ou détresse Agir impulsif ou geste automutilatoire Réaction de l’environnement Instabilité relationnelle exacerbée Concept de comorbidité Trouble dépressif majeur Trouble anxieux Schizotypique Bipolaire type II SSPT Antisocial TPL 256 façons (DSM5) Narcissique Évitant Histrionique Trouble de la personnalité limite (TPL) Impulsivité Présente régulièrement Affects de colère Très fréquents Variations très fréquentes Rare stabilité prolongée Variation des humeurs Périodes très courtes de quelques minutes à quelques heures Parfois comparée à des montagnes russes! Maladie Affective Bipolaire (MAB) Présente seulement lors des épisodes de manie (Speedy – High…) Rares ou non présents Habituellement d’humeur stable Périodes prolongées de manie (HighSpeedy) et parfois d’autres de dépression. Ces épisodes persistent pendant au moins 2 semaines et lors de ses épisodes, l’humeur est très différente de l’humeur habituelle Variations des humeurs souvent associés à des stress / événements relationnels Pas de stress relationnels spécifiques Relations (avec les autres) Souvent instables Instabilités seulement durant les épisodes de manie ou de dépression Automutilation / Gestes suicidaires/ Vide intérieur Souvent présents Rare / pas relié au diagnostic de MAB Médication Utilisation occasionnelle et le plus souvent pour un temps limité Nécessaire 15 source: PTRP Drs David + Bérubé TPL vs TDAH TPL A I . ( AI 2 1 2 H A 1 AI TDAH AA A 2 2A , 2 A A HA 2A A AG2 2 I 2 A A AI )D 2A AI D 1 A 2 'I1 A D A A 2A I2 AG2 A A PTRP-IUSMM Âge présumé du début du TPL Groupe d’âge % Adolescence (13-17 ans) 15% Début de l’âge adulte (18-25 ans) 50% Jeune adulte (26-30 ans) 25% Adulte (31-49 ans) 10% Pas une étude / selon expérience de Gunderson Le diagnostic au fil du temps • Mclean study of adult development (MSAD) (Zanarini) Étude prospectives de 290 patients TPL ayant été hospitalisés au début des années 90 et 72 autres patients avec d’autres diagnostics à II suivi 2 - 4 – 6 - 8 - 10 ans • Taux de rémission impressionnant de 15-20% à tous les 2 ans jusqu’à 88% de rémission à 10 ans • Ceux qui perdent le diagnostic ne le regagnent que rarement (6% de récidive) • Les patients perdant le diagnostic de TPL ont aussi une amélioration notable de leurs maladies à l’axe I • Les patients sans rémission gardent des «scores» élevés aux échelles d’anxiété et de dépression • S’il y a abus de substance…peu d'amélioration • Collaborative Longitudinal Personality Disorder study (CLPD) Étude prospective 175 patients TPL (et autres tr. de la personnalité) et patients avec une maladie affective unipolaire • La rémission est toujours pour le TPL en premier jamais ou très rarement l'inverse Prevalence of borderline personality disorder criteria Gunderson, J. G. et al. Arch Gen Psychiatry 2011;68:827-837. Copyright restrictions may apply. Évolution au fil du temps sévérité Diagnostic de trouble Pas de diagnostic /seulement traits temps 22 Diagnostic remission (A) and diagnostic relapse (B) of major depressive disorder (MDD), other personality disorders (OPD; either avoidant personality disorder [AVPD] or obsessive-compulsive personality disorder [OCPD]), and borderline personality disorder (BPD) Gunderson, J. G. et al. Arch Gen Psychiatry 2011;68:827-837. 2000-2009 (INSPQ) Le devenir des usagers avec TP Pourquoi s’améliorent-ils ? Maturation biologique Apprentissage social Support social et identité mieux définie Évitement de relations intimes conflictuelles Cependant… 9 % de suicide complétés Plusieurs usagers TPL sont «améliorés» mais non « guéri » ou peu satisfaits de leur vie !! Le fonctionnement social (et occupationnel) reste souvent pauvre Si abus de substance.. Il y a peu de rémission du TPL Étude récente de Zanarini (2010) 50% se rétablissent partiellement après une évolution de 10 ans(travail, socialisation, intérêts, loisirs soins de santé) Réactivation/réinsertion: rationnel From: Ten-Year Course of Borderline Personality Disorder: Psychopathology and Function From the Collaborative Longitudinal Personality Disorders Study Arch Gen Psychiatry. 2011;68(8):827-837. doi:10.1001/archgenpsychiatry.2011.37 Figure Legend: Figure 4. Functional remission, defined as a Global Assessment of Functioning score greater than 70 sustained for 2 months. Analyses were conducted using lifetest survival estimates. MDD indicates major depressive disorder; OPD, other personality disorders; and BPD, borderline personality disorder. Des difficultés significatives en emploi ? Aspects positifs Aspects négatifs • • • • • Instable dans leur enthousiasme et implication • Instabilité relationnelle • Impulsivité • Identité mal définie et insécurité Enthousiaste / dynamique Intelligent Souvent beaucoup d’entregent Bonne capacité à trouver et obtenir un emploi Difficultés spécifiques des TPL Stratégies déficiente de gestion des stress Difficultés à: • Communiquer leurs besoins • Mettre des limites • Tolérer/gérer l’autorité et les critiques • Identité mal définie et insécurité Souvent sur-engagement au travail qui mène à l’épuisement ou au sentiment d’être exploité Confiance limité dans ses capacités Réactivation/réinsertion: rationnel ↓ Estime de soi Ennui / Isolement Pas d’organisation de vie Ça ne va pas Tristesse, colère Crises, détresse Goût de rien faire Désinvestissement des activités de la vie Ne rien faire Des difficultés significatives en emploi ? Ce qui favorise la réinsertion en emploi Activation / mobilisation de la personne Environnement stable et des tâches précises Rétroaction directe, constructive / validation des supérieurs / patrons Support au travail (psychologique, coach, amis…) Traitement concomitant du TPL ou sont ciblé la réduction des symptômes et la participation au travail… Collaboration entre l’employeur (qui doit démontrer une ouverture), l’équipe de soin, l’assureur (s’il y en a un!) Proportion (%) des causes de décès, Québec, 2000-2009 (INSPQ) Proportion (%) des causes de décès des personnes atteintes de troubles de la personnalité du groupe B, Québec, 2000-2009 (INSPQ) Proportion (%) des causes de décès, Québec, 2000-2009 (INSPQ) Population générale Trouble de la personnalité 2000-2009 (INSPQ) Évolution au fil du temps Diagnostic de trouble sévérité période à plus haut risque Pas de diagnostic /seulement traits temps 35 % chez les TPL Est-ce que le TPL est «primaire» Explication / raison dépression majeure 50 oui, le + souvent rémission du trouble dépressif si rémission du TPL bipolaire type 1 ? non ne répond pas au traitement pour TPL bipolaire type 2 10 oui ? rémission du Bipolaire type 2 si rémission du TPL trouble panique 50 oui rémission si rémission du TPL abus de substance 35 non sobriété aide beaucoup au traitement du TPL trouble narcissique 15 oui ou ? ! réponse au traitement du TPL mais le trouble narcissique s'améliore si le TPL s'améliore trouble alimentaire (anorexie) 20 ? non si anorexie sévère, ne peut profiter du traitement pour les TPL trouble alimentaire (boulimie) ? oui boulimie considérée comme un agir impulsif Trouble comorbide source: J. Gunderson modifié Suicidalité et les troubles de la personnalité Quelques chiffres sur les gestes suicidaires: • 45-75% (65%) des TPL font une tentative de suicide • 3-10% (9%) complète un suicide • 4,7-33% des suicides complétés ont un TPL • 9-41% (25%) des tentatives de suicide le sont par des TPL • 50% des patients suicidaires avec plus de 3 visites à l'urgence sont des TPL Comment différencier des gestes d'allure parfois semblable ? • Automutilation • Menaces suicidaires ou gestes suicidaires impulsifs reliés à des difficultés interpersonnelles • Préoccupations chroniques pour le suicide • Geste suicidaire avec un haut potentiel de létalité À quoi correspond un événement particulier ? automutilation geste suicidaire impulsif ou réactionnel idées chroniques de suicide geste suicidaire à haut potentiel de léthalité PTRP-IUSMM Le traitement survol Les traitements au fil des époques… Il n’y a pas d’interventions efficaces pour cette clientèle Les interventions psychiatriques peuvent même nuire (effet iatrogène) Ne donner le diagnostic de trouble de la personnalité limite qu'en dernier recours et ne pas offrir de traitement Traitement structuré long terme disponible pour les troubles sévères et persistants lorsque les ressources sont disponibles Coût élevé / disponibilité faible. Offre peu adaptée à plusieurs patients / personnes Clientèle incontournable / enjeux de santé publique Traitement par étape et adapté aux besoins (stepped care) Réinsertion sociale concomitante / travail – étude-bénévolat… Des traitements efficaces ? • Plusieurs thérapies reconnues efficaces (études randomisées, répliquées..) • Bases théoriques différentes mais non contradictoires • Dialectical Behavior Therapy (DBT-TCD) M Linehan • Mentalization Base Therapy (MBT- TBM) P Fonagy, A Bateman • Transference Focused Psychotherapy (TFP-PFT) O Kernberg • Schema Focused Therapy (SFT- TFS) J Young • STEEPS N Blum • General Psychiatric Management (GPM) J Gunderson Concensus • Équipe coordonnée et structure de traitement cohérente • Nécessité d’un cadre explicite, rôles clairs • avec contrat thérapeutique • arrêt des interventions ou réévaluation si engagement thérapeutique non respecté Alliance, attentes et buts validés par l’usager Priorités établies par hiérarchie Approche mixte de validation et encouragement au changement L'amélioration doit être continue…sinon consultation et réévaluation… • Thérapeute actif • Approche associant groupe et individuel • • • • Des traitements efficaces ? • Accessibilité limitée • Coût élevé des traitements et programmes mal financés • Longues listes attentes dans la plupart des programmes • Nécessité d’une implication soutenue du patient • Thérapies très exigeantes • Attrition importante (drop out) • Modalité de groupe difficile à soutenir • Plusieurs patients ne peuvent ou ne veulent pas s’impliquer dans des traitements intensifs de longue durée • Vie instable • Opportunités de vivre différentes expériences incompatible avec la thérapie Instabilité Sévérité Services intermittents Temps Des traitements efficaces ? • Adaptation des thérapies classiques dans les dernières années vers des traitements intermittents et courts termes • Efficaces • Moins couteux • Plus accessibles dans des contextes cliniques différents • Suivi court terme ou par étape • Intervention précoce pour les ado et jeunes adultes (avec symptomatologie moins sévère) • D’une intervention intensive en crise jusqu’à la réhabilitation / réinsertion Urgence / Centre de crise Hôpital de jour Suivi externe en 1ère ligne Et réseau communautaire Hôpital Sévérité Des services intermittents Suivi externe 2ème ligne Intensité de l'intervention 47 Les prochaines tendances… Clientèle incontournable / enjeux de santé publique Des traitements efficaces sont connus Les balises des traitements efficaces sont connues Suivi adapté en terme d’intensité de durée et d’objectifs restent à structurer et à valider (stepped care) • Intervention précoce et intervention court-terme Plusieurs patients évoluent bien avec peu de traitement • Les traitements intensifs et / ou à plus long terme doivent être réservés aux patients qui présentes une sévérité significative et une capacité à participer activement au traitement La réinsertion sociale doit accompagner le traitement du trouble de la personnalité : avec travail / étude / bénévolat… Enjeux de la reconnaissance du TPL et du financement des services puisque Les troubles de la personnalité sont à la psychiatrie ce que la psychiatrie est à la médecine… PTRP-IUSMM