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L’ulcère cornéen
L’ulcère cornéen est l’affection oculaire la plus courante
chez le chien et plus particulièrement chez le
bouledogue qui a une conformation de l’œil l’exposant
facilement aux traumatismes de la vie. La gravité de
cette lésion peut aller jusqu’à la perte de la vue et
même si le résultat n’est pas toujours fatal il ne faut pas
oublier que la cornée est transparente et que la
cicatrisation devra préserver cette transparence pour
permettre au chien de vivre normalement après cette
affection. En fait l’ulcère est une perte de substance
affinant la cornée.
Le premier symptôme qui vous alertera sera la gêne souvent douloureuse qu’éprouve votre chien au
niveau de l’œil, il cligne de l’œil, le ferme plus ou moins parfois complètement, le bord des paupières
se mouille de larmes, le chien essaye de se gratter, il cherche à soulager cette douleur en se frottant
la tête contre quelque chose, un rebord de canapé, contre vos jambes et si vous essayez de lui
toucher l’œil, il refuse en se débattant ou en se sauvant ; votre bouledogue a mal! Il s’isole et surtout
il fuit la lumière qui semble lui brûler l’œil. Si vous arrivez à lui ouvrir les paupières vous voyez un œil
un peu grisâtre, légèrement œdémateux. Douleur, larmoiement, photophobie tout est réuni pour
qu’une visite urgente soit envisagée chez votre vétérinaire.
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La cornée de l’œil est la partie la plus superficielle de l’œil mesurant environ 1 millimètre
d’épaisseur, légèrement plus fine en son centre. Transparente, elle est faite de trois épaisseurs, de la
surface vers la profondeur, on a un fin épithélium puis le stroma l’essentiel de la cornée enfin la zone
basale l’endothélium qui fait barrière au liquide, l’humeur aqueuse, retenu dans la chambre
antérieure du globe oculaire.
L’innervation de la cornée se trouve en surface de l’épithélium et explique pourquoi la douleur n’est
pas proportionnelle à la gravité de l’ulcère, une simple éraflure de la cornée peut être plus
douloureuse qu’un ulcère profond. La fermeture des paupières ou bléphorospasme se fera de façon
réflexe. Suivant la destruction de ses structures, nous aurons les ulcères superficiels, les ulcères
profonds et enfin les ulcères perforés et le passage d’un stade à un autre peut se faire rapidement.
La cornée est transparente sans vascularisation et le renouvellement cellulaire hebdomadaire, car en
effet les cellules de l’épithélium mettent environ une semaine pour se régénérer, ce qui explique la
durée de la guérison, mais pendant ce temps de guérison il faudra mettre en œuvre un traitement
anti-infectieux afin que les nouvelles cellules ne soient pas endommagées. Si un ulcère superficiel ou
moyen se trouve colonisé par une bactérie, celle-ci s’attaque au stroma cornéen et finit par le lyser
amenant la perforation oculaire.
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Comme toute surface organique, la cornée doit rester fraîche, humide et ne doit surtout pas se
dessécher. Les glandes lacrymales sont là pour que sans arrêt la cornée soit hydratée. Les paupières
protègent macroscopiquement la cornée et les larmes la protègent microscopiquement. Tout
dérèglement dans cette protection amènera la pathologie de l’ulcère cornéen. L’épithélium
recouvert du film lacrymal donne l’aspect brillant qu’a la cornée.
En fin d’évolution, quand la cornée est rupturée, la membrane de Descemet qui contient le liquide de
la chambre antérieure fait hernie hors du globe oculaire et finit par s’ouvrir en laissant couler ce
même liquide, l’œil est crevé.
L’ulcère de cornée est du à un traumatisme au sens large d’origine externe, interne, infectieux, ou
dysimmunitaire. L’origine externe peut être une blessure volontaire ou non, une griffe d’un autre
animal, un végétal, bois ou autre entrant en contact plus ou moins violemment avec l’œil, ou
simplement du shampooing qui va dans l’œil. Si dans les cas précédents, le traumatisme est
ponctuel, il peut être également persistant avec la présence de corps étrangers. Les épillets qui se
coincent sous une paupière, la troisième le plus souvent, agissent comme une véritable toile émeri
sur la surface cornéenne sans pouvoir sortir du cul de sac conjonctival.
Les petites graines de graminées sans qu’elles n’agissent de façon directe
elles aussi, par leur seule présence dans le coin interne de l’œil peuvent
énerver le chien qui ne saura quoi faire avec ses pattes pour essayer de
les extraire.
Epillet veut dire danger
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Les origines internes sont des disfonctionnements des annexes du globe
oculaire. Les glandes lacrymales doivent produire continuellement et en
suffisante quantité des larmes qui viennent lubrifier la cornée. Sans ces
larmes la cornée se dessèche, s’enflamme, se sclérose et n’arrive plus à se
défendre contre les microbes. L’épithélium superficiel se fendille et donne
jour à un ulcère qui aura du mal à cicatriser, d’ailleurs cette cicatrisation ne
sera pas complète et laissera toujours le chemin libre à une récidive.
Les paupières se ferment et s’ouvrent normalement sans frottement devant le globe oculaire, les
larmes ayant un rôle lubrificateur. Lors d’entropion, c’est-à-dire lors d’un enroulement du bord libre
de la paupière sur elle-même, les cils et même les poils de cette paupière viennent au contact de la
cornée avec un effet de frottement.
Cet enroulement est permanent et la chirurgie corrective est à envisager avant d’avoir des lésions
cornéennes ne guérissant que très difficilement. Parfois, même quand la paupière est normale, des
cils ectopiques poussent sur la sangle de la paupière mais à l’intérieur de celle- ci et viennent au
contact de la cornée de façon permanente. Chez certains chiens on va même jusqu’à voir un
deuxième rang de cils ectopiques. Ces cils ectopiques doivent être enlevés soit par épilation
périodique, soit par ablation chirurgicale du bulbe. Le frottement permanent de ces cils est la cause
d’ulcération chronique de la cornée.
Les ulcères bactériens sont souvent une complication d’un traumatisme,
exogène ou endogène. Les bactéries, staphylocoques ou streptocoques
se développent facilement dans le stroma après la rupture de
l’épithélium, en produisant des enzymes lysant le collagène de ce même
stroma. Cette attaque secondaire de la cornée doit faire envisager une
prise de conscience que tout traumatisme oculaire est à prendre au
sérieux, plus l’intervention est rapide, moins les lésions seront
importantes et surtout moins de séquelles aussi fâcheuses il y aura.
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Certains virus responsables de la maladie de Carré, de l’hépatite de Rubarth et même de l’herpès
virose peuvent être responsables de l’apparition d’ulcères.
La consultation chez votre vétérinaire est une urgence.
Votre bouledogue n’est pas bien, il ne sait quoi faire, il n’ouvre qu’à moitié un œil qui larmoie. Il a
mal et il ne veut pas que vous le touchiez. Votre vétérinaire, dès qu’il le voit a déjà tout compris, il
essaie de lui regarder l’œil mais il pense qu’il doit l’anesthésier légèrement pour pouvoir l’examiner
de façon moins coercitive.
Examen direct à la lumière ou avec un ophtalmoscope, il peut dès à présent vous dire que l’ulcère est
là. Il fait un test à la fluorescéine, colorant hydrophile, qui se dissout dans l’eau des tissus.
En revenant en arrière, vous allez tout comprendre : l’épithélium en surface est fait de cellules
vieillissantes, donc hydrofuges, si cet épithélium n’est pas rupturé la fluorescéine ne marquera donc
pas, par contre si cet épithélium est rupturé, la fluorescéine se trouve en contact avec les cellules de
collagène du stroma, tissu hydrophile donnant l’aspect gonflé, turgescent de la rétine et cet état
d’hydrophilie permettra à la fluorescéine d’être retenue.
En cas d’ulcère profond la fluorescéine est peu réactive car tous le stroma hydrophile a été lysé et la
membrane de Descemet n’est pas hydrophile, en plus la présence de fibrine due à la destruction des
tissus sera une barrière pour le passage de la fluorescéine vers le stroma. Dans ce cas on voit un
marquage en couronne avec un centre non pigmenté. Un décapage de l’ulcéré est parfois nécessaire
pour que le test à la fluorescéine puisse être parfaitement interprété.
Après avoir diagnostiqué l’ulcère, votre vétérinaire va essayer d’en découvrir la cause : examen
minutieux des paupières, corps étrangers, cils ectopiques, entropion, bilan du débit lacrymal ou test
de Schirmer avec un papier buvard, prélèvement pour analyse bactérienne. Ensuite ayant écarté les
causes directes traumatisantes, il va mettre en œuvre un traitement qu’il faudra bien observer.
Le premier travail est de supprimer la douleur, avec un collyre à base d’atropine qu’on mettra
plusieurs fois par jour et on aura la preuve que le spasme de douleur est levé quand on verra la
pupille toute dilatée. Des larmes artificielles auront un rôle calmant tout autant qu’un rôle
protecteur.
Car la production de larmes est réduite lorsqu’il y a douleur. La protection oculaire par la présence de
l’épithélium étant disparue, un traitement anti-infectieux est indispensable. Collyres locaux,
injections sous-conjonctivales, comprimés par voie orale ou injections par voie générale, tout est bon
pour que les microbes ne se développent pas et qu’ils n’émettent pas les toxines destructrices des
cellules de collagènes du stroma. Justement pour lutter contre ces enzymes lytiques, il existe des
collyres inhibiteurs de la collagénase qu’on utilise de façon systématique dans le cas des ulcères
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