
ESPÈCES №2 - Décembre 2011
Biologie Entr’espèces Botanique Archéozoologie Paléontologie Systématique Exobiologie  Géologie Microbiologie Palynologie Ichtyologie - Le gecko Mycologie Mammalogie Botanique
fleurs, le cycle de vie de Roussea com-
porte deux phases cruciales, la polli-
nisation et la dispersion des graines, 
qui nécessitent toutes deux l’inter-
vention d’agents extérieurs. Sous les 
tropiques, ce sont le plus souvent des 
insectes, des oiseaux ou des chauves-
souris qui jouent le rôle de pollini-
sateur. La fleur les attire et les retient 
en leur fournissant le nectar (produit 
par des nectaires floraux) et parfois le 
pollen (produit par les étamines) dont 
ils s’alimentent. Allant de fleur en fleur, 
ils transportent les grains de pollen sur 
les stigmates d’autres fleurs de la même 
espèce et assurent ainsi la fertilisation 
de ces dernières. Pour ce qui est de 
la dispersion des graines, les oiseaux 
et les mammifères (dont à nouveau 
les chauves-souris) sont souvent 
d’excellents agents. En se nourris-
sant de fruits, ces animaux ingèrent 
des graines qui, après un transit par le 
tube digestif, sont rejetées à distance de 
leur plante d’origine, prêtes à germer. 
Lorsqu’on a commencé à s’intéresser 
à la conservation de Roussea simplex, 
on ignorait tout de sa biologie repro-
ductive. C’est à un chercheur suisse de 
l’université de Zürich, Dennis Hansen, 
et à ses collaborateurs que l’on doit 
la découverte récente des agents de 
dispersion des grains de pollen et des 
graines de l’arbuste et que, par là, une 
étape indispensable à la conservation 
de l’espèce a été franchie. Hansen a 
observé que plusieurs espèces ani-
males visitaient régulièrement les 
fleurs de Roussea pour en exploiter le 
nectar. Parmi celles-ci, un passereau et 
un gecko, tous deux endémiques de 
l’île, ainsi que plusieurs insectes dont 
un papillon également local et trois 
espèces introduites d’hyménoptères 
sociaux, l’abeille domestique Apis mel-
lifera,  une guêpe Polistes et la fourmi 
invasive Technomyrmex albipes. Le cher-
cheur suisse a cependant montré que 
l’arbuste était exclusivement polli-
nisé par le gecko Phelsuma cepediana, 
lui seul étant à même de déposer le 
pollen collant de la plante au niveau 
des stigmates. Les geckos ou les lézards 
sont quelquefois connus comme pol-
linisateurs, mais c’est rare. Cela arrive 
surtout dans les îles : on pense que c’est 
parce que l’on y rencontre – relative-
ment – peu d’espèces d’oiseaux, d’in-
sectes et de mammifères. Par ailleurs, 
en raison d’une plus faible pression 
de prédation exercée sur eux, lézards 
et geckos y atteindraient des niveaux 
de densité très élevés. En conséquence, 
leur régime alimentaire (habituelle-
ment nettement insectivore) s’élargi et 
pourrait inclure du nectar, du pollen, 
des feuilles et des fruits. Hansen a 
d’ailleurs montré que le même gecko 
est également le disperseur des graines 
de  Roussea. Que les deux fonctions 
(pollinisation et dispersion) soient assu-
rées par la même espèce est un phéno-
mène très rare. Roussea dépend donc, 
pour sa survie, de celle d’un gecko qui 
Pour en savoir plus
Un dossier avec des compléments 
d’information sur les geckos 
pollinisateurs des îles et sur des sujets 
voisins (Une sauterelle pollinisatrice à 
La Réunion) est consultable sur le site 
de la revue : www.especes.org, rubrique 
“compléments d’articles”.
est assez commun. Malheureusement, 
les ouvrières de T. albipes, qui exploi-
tent le nectar des Roussea repoussent 
très souvent les geckos par leur agressi-
vité, empêchant ces derniers d’assurer 
leur fonction de pollinisateur la plante 
est donc fortement menacée de dis-
paraître à cause de cette fourmi inva-
sive. Phelsuma cepediana ne pollinise pas 
seulement les fleurs de Roussea, mais 
aussi celles d’une Malvacée, Trochetia 
blackburniana, dont il apprécie parti-
culièrement le nectar coloré. Trochetia 
n’est pas en voie de disparition, mais 
ses arbustes, tout comme ceux des 
Roussea, sont favorisés par la proximité 
de certains arbres, des Pandanus dont la 
densité du feuillage assure une protec-
tion aux geckos vis-à-vis de leur pré-
dateur de choc, le petit faucon Falco 
punctatus. L’avenir de l’espèce Roussea 
simplex n’est pas si simple… et sa pré-
servation dépend d’un grand nombre 
d’acteurs de l’écosystème.   ❁
Dessin de Florine Corbara
Cet autre gecko de l’île Maurice, 
Phelsuma ornata, serait aussi un 
pollinisateur. Celui-ci visite une 
fleur du palmier Latania loddigesii 
(cliché D. Hansen).