3
Or, d'autres linguistes comme Dell H. Hymes (Dolz & Ollagnier, 2002) repèrent rapidement que
" s'il existe une compétence syntaxique idéale, celle-ci ne suffit pas pour que se développe une
maîtrise fonctionnelle du langage ", le développement de compétences de communication étant
nécessaire. " La compétence devient une capacité adaptative et contextualisée dont le
développement requiert un apprentissage formel ou informel ".
En psychologie, le terme de compétence est repris presque en réaction au béhaviorisme. Pour
Joaquim Dolz et Edmée Ollagnier, ce développement intervient dans le champ de la psychologie
expérimentale. " Porteur de connotations positives et marquant le retour du sujet après un
demi-siècle de béhaviorisme, il est devenu l'un des termes de combat du rationalisme
extrémiste, et en particulier du cognitivisme modulariste ". Philippe Jonnaert (Jonnaert, 2002) le
situe quant à lui en psychologie cognitive, où le tandem performance/compétence est exploité.
La compétence est toujours virtuelle, mais " il s'agit d'énoncés de standards normalisés ". La
compétence est définie a priori par la modélisation d’une situation finalisée. Un décalage entre
la performance observée, c'est-à-dire le sujet en situation, et les dites compétences est le plus
souvent mis en évidence. La compétence est analysée comme éminemment individuelle, même
si la situation est à prendre en compte.
Le terme de compétence se retrouve aussi dans le champ de l'éducation, où il s'est imposé dans
les années 80, dans les programmes scolaires français de l'enseignement, au Québec et en
Belgique (Bosman, Gérard & Roegiers, 2000), où se développe l'approche par compétences.
Philippe Jonnaert constate (2002) que " les propos des spécialistes de l'éducation sont très
proches de ceux des sciences du travail ". Un point particulier est cependant à relever, c'est la
proximité, voire la superposition des termes de compétence et de performance, dans la mesure
où "la compétence [en éducation] définit simultanément son projet et son actualisation". Marcel
Crahay (Crahay, 2006) a particulièrement bien analysé l'usage du terme dans le champ éducatif
belge, et les dangers et incertitudes de la notion dans ce système éducatif national. Il "avoue son
scepticisme" par rapport à son usage dans le monde pédagogique.
Depuis une vingtaine d'années, le terme de compétence a envahi le champ des sciences du
travail, et le domaine de la formation professionnelle. La compétence vient s'inscrire en
différence, voire en opposition, avec le terme de qualification, sur lequel il existe un débat
important par le nombre des travaux et publications d'une part, mais aussi et surtout par ce qu'il
engage comme mouvement de fond de l'organisation sociale d'autre part. Ce n'est pas notre
propos de développer ici l'ensemble de ce débat. Nous retiendrons principalement que le terme
de compétence, en tant que "modèle de la compétence", est souvent utilisé dans une approche
libérale notamment dans les sciences de gestion comme un allant de soi, comme une simple
nouvelle configuration du travail (Zarifian, 1999, 2000, 2001; Dietrich, 1997) au bénéfice des
différents acteurs, alors même qu’il engage une totale reconfiguration du rapport social et
salarial. Ce dernier laisserait l'individu en confrontation directe avec son employeur, et en
entière responsabilisation de son employabilité dans la perspective de l'individu-salarié comme
auto-entrepreneur. Il s'agit ni plus ni moins que d'une rupture du collectif, qui institutionnalise
l'individualisation d'un rapport de force du travail. Nous sommes redevable aux sociologues du
travail d'avoir rapidement énoncé – si ce n'est dénoncé – cette situation, comme Marcelle Dadoy
(1990) ou Élisabeth Dugué (1994), lorsque celle-ci écrit clairement que " la compétence est une
notion au service des politiques d'entreprises ", qu'elle sert à " masquer les rapports de force
pesant sur le travail " : " sous le consensus, la domination ". Le glissement de la qualification à
la compétence n'est donc pas sans dangers ni sens caché (Dugué & Maillebouis, 1994), même si
certains parlent de " fausse opposition entre qualification et compétence " (Liechtenberger,
1999). La compétence porte en elle une dimension idéologique des rapports de l'homme au
travail, de l'individu à l'organisation, du collectif à l'employeur. On assiste véritablement à un
changement de paradigme dans les exigences vis-à-vis des salariés (Paradeise, Lichtenberger,