Mieux gérer le diabète en Afrique du Sud : exemple d`un modèle de

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En 1996, le Centre for Diabetes and
Endocrinology (CDE) a lancé un programme
de gestion du diabète pour le traitement et
la gestion de la condition en Afrique du Sud.
Toutefois, une plus large diffusion de cette
initiative a rapidement été empêchée à cause
d'une carence importante en endocrinologues
et diabétologues spécialisés. En réponse à ce
manque de soutien médical spécialisé, les
professionnels de la santé intéressés par la
gestion du diabète, notamment les médecins
spécialisés et les généralistes, ont été invités à
ouvrir des centres agréés de prise en charge
du diabète.2
Suite à cette initiative, un réseau national
de "prestataires préférentiels" (Preferred
Provider Network) de 160 équipes
spécialisées en diabète offre à présent les
avantages du programme. Les centres de
soins de santé s'engagent par contrat à
fournir certains services minimum (voir
tableau) aux personnes atteintes de
diabète étant couvertes par une
assurance médicale et qui ont choisi de
participer au programme. Ces centres
reçoivent mensuellement une dotation
(en avance) pour chaque personne
bénéficiant de soins.
Incitants financiers, formations
et travail d'équipe
Pour mettre en place un centre de prise
en charge du diabète, le professionnel de
la santé candidat doit participer à une
formation avancée intensive et pratique
de 3 jours à la gestion du diabète. Ces
formations sont organisées six fois par
an au bureau central du CDE. De plus,
le centre doit comprendre du personnel
infirmier, soit un éducateur en diabète
agréé, soit une personne qui souhaite
être formée à l'éducation au diabète.
Cette formation est également prise en
charge par le bureau central du CDE.
Jusqu'ici, le CDE a formé plus de 1000
professionnels de la santé aux techniques
pratiques de gestion du diabète. Pour
compléter l'équipe de façon à garantir
une gestion adéquate du diabète, il
est attendu de chaque centre d'engager
les services d'un diététicien, d'un
podologue et d'un ophtalmologue.
Les objectifs présentés pour le contrôle
glycémique par le CDE sont basés sur les
directives de l'ADA (American Diabetes
Association). Pour atteindre ces objectifs, les
médecins sont encouragés à proposer les
modalités de traitement qu'ils considèrent
comme optimales pour les personnes
>>
La République d'Afrique du Sud compte près de 43 millions d'habitants.
Environ 80 % d'entre eux bénéficient de soins de santé financés par le
gouvernement tandis que 20 % reçoivent des soins par le secteur privé,
financés soit par le patient lui-même soit grâce à une assurance médicale.
Les coûts de la gestion du diabète sont considérables, tant pour la personne
atteinte de la condition que pour le prestataire de soins. Ces coûts sont liés à
la gestion de la condition elle-même et au traitement de ses complications à
court et à long terme.1Dans cet article, Larry Distiller nous informe de la
mise en oeuvre réussie d'un programme de gestion de la santé qui propose
des incitants financiers pour encourager les prestataires de soins à améliorer
la prise en charge du diabète.
Mieux gérer le diabète en Afrique
du Sud : exemple d’un modèle de
financement par dotation
`Larry A Distiller
Juillet 2004 Volume 49 Numéro 2
Soins de santé
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>>
atteintes de diabète dont ils s'occupent.
Les médecins financent eux-mêmes
les médicaments. Par conséquent, les
professionnels de la santé sont autorisés à
proposer toute une gamme de traitements,
allant des produits génériques aux nouveaux
médicaments les plus coûteux. Selon
ce programme, si un mauvais contrôle
glycémique entraîne l'hospitalisation
d'une personne pour acidocétose
ou hypoglycémie, le médecin impliqué
dans la prise en charge de cette personne
doit assumer l'ensemble des coûts liés à
l'hospitalisation.
L'hospitalisation : des frais
évitables
Chez les personnes atteintes de diabète
de type 1, l'acidocétose est l'élément le
plus coûteux de la gestion du diabète à
court terme. Lorsque des personnes
atteintes de diabète de type 1 sont traitées
par des endocrinologues, l'incidence et
les coûts de l'acidocétose peuvent être
considérablement réduits.3L'apparition de
l'acidocétose diabétique représente "l'échec"
de l'éducation au diabète et de l'auto-
nomisation. Elle peut être évitée si les
personnes sont prises en charge par
un médecin formé au diabète – pas
nécessairement un endocrinologue
spécialisé.4
Si les personnes atteintes de diabète
reçoivent une formation leur permettant
de reconnaître les premiers symptômes
de l'acidocétose, si elles savent à quel
moment tester leurs urines pour y déceler
la présence de corps cétoniques et si
elles peuvent contacter immédiatement
un professionnel de la santé spécialisé
via un service d'assistance téléphonique
accessible 24h/24, la plupart des crises
peuvent être résolues via un traitement
à domicile. Une hospitalisation coûteuse
peut donc être évitée.
Les professionnels de la santé sont formés
à recommander la thérapie insulinique
sur base de soins ambulatoires. En Afrique
du Sud, le nombre total d'hospitalisations
pour déséquilibre diabétique aigu n'est
pas connu.Toutefois, d'après les
estimations des assurances médicales,
ce chiffre pourrait atteindre une
admission tous les 30 mois pour les
personnes atteintes de diabète de
type 1 (10 admissions pour 100 patients-
années), et une admission tous les
5 ans pour les personnes atteintes de
diabète de type 2 (20 admissions pour
100 patients-années).
Atteinte de diabète de type 1
depuis plus de 50 ans et toujours
en pleine action au centre de
remise en forme du CDE.
Tableau : Services minimum garantis aux personnes participant au
programme de gestion du diabète
Juillet 2004 Volume 49 Numéro 2
Soins de santé
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Au cours des 10 dernières années, le taux
d'hospitalisation des personnes atteintes de
diabète impliquées dans le programme s'est
progressivement réduit. En 2003, pas plus
de 12 admissions pour 100 patients-années
ont été enregistrées pour les cas de
diabète de type 1 et de type 2 combinés.
C'est là que réside une partie du succès de
ce modèle de financement par dotation. Si
une personne reçoit l'éducation au diabète
et le soutien adéquats, sa condition est
gérée correctement. L'hospitalisation est
donc évitée et le professionnel de la santé
impliqué dans la prise en charge de cette
personne est récompensé financièrement.
Si le diabète est mal géré, les risques
d'hospitalisation sont accrus et le médecin
impliqué devra financer le traitement.
En déplaçant le risque des coûts
d'hospitalisation vers le prestataire de
soins, l'adhésion aux directives et une
meilleure gestion du diabète sont assurées.
Economies à long terme
L'amélioration des résultats à long terme,
chez les personnes qui ont un meilleur
contrôle glycémique, est à présent
universellement reconnue, tout comme
la nécessité d'une approche en équipe
pour atteindre ces objectifs. Les taux de
HbA
1c
(pour une explication du terme
HbA
1c
, reportez-vous à la page 14) sont
acceptés comme norme pour la mesure
du contrôle glycémique. Dans le cadre de
vérification générale de la prise en charge
du diabète, les taux de HbA
1c
de toutes
les personnes participant au programme
sont surveillés.
Au niveau national, les taux moyens de
HbA
1c
aussi bien chez les personnes
atteintes de diabète de type 1 (8,6 %) que
chez celles atteintes de diabète de type 2
(9,2 %) n'étaient pas optimaux au moment
de rejoindre le programme.Après l'avoir
rejoint, le taux moyen de HbA
1c
chutait à
6,9 % après un an et se maintenait à 7,1 %
après deux ans chez 2800 personnes
atteintes de diabète de type 1. Chez 4200
personnes atteintes de diabète de type 2,
le taux moyen de HbA
1c
était de 7,3 %
après un an et de 7,2 % après deux ans.
Ces résultats représentent une
amélioration impressionnante du contrôle
glycémique, ce qui permet potentiellement
de réduire les complications du diabète.
Un modèle réussi
En 1994, en Afrique du Sud, les personnes
atteintes de diabète prises en charge par
le secteur privé étaient servies par
18 centres du diabète, gérés par des
diabétologues spécialisés. Le pays compte
actuellement 160 centres d'excellence,
principalement gérés par des généralistes
intéressés dans la gestion du diabète et qui
s'occupent de plus de 10 000 personnes
atteintes de la condition. Une réduction
de l'hospitalisation de plus de 90 % a été
atteinte chez ces personnes. De plus, une
baisse moyenne du taux de HbA
1c
de
plus de 2 % a été démontrée dans tous
les groupes.
Il ne fait aucun doute que ce modèle
unique de financement par dotation
pour la gestion du diabète est une
réussite et pourrait être mis en oeuvre
dans d'autres pays.
L'acidocétose est provoquée par un manque d'insuline dans le sang. Elle nécessite
un traitement d'urgence. L'acidocétose peut apparaître lors d'une maladie (lorsque
les besoins en insuline sont plus grands) ou à cause d'un manque d'injections
d'insuline. L'organisme commence à utiliser des quantités excessives de graisses
stockées pour fournir de l'énergie et les acides (corps cétoniques) s'accumulent
dans le sang. Les symptômes incluent la nausée, des vomissements et une miction
excessive, qui peuvent à leur tour entraîner la perte de fluides corporels, des
douleurs stomacales et une hyperventilation. Si des fluides de substitution, de
l'insuline et des sels ne sont pas administrés immédiatement, l'acidocétose peut
entraîner un coma et même la mort.
L'hypoglycémie est une concentration trop faible de glucose dans le sang. Celle-ci
est provoquée par un excès d'insuline, en particulier lorsque l'apport en nourriture est
inférieur à la normale ou lorsque l'activité physique est plus grande que la normale.
`Larry A Distiller
Larry A Distiller est endocrinologue/
diabétologue spécialisé, médecin principal
et directeur du Centre for Diabetes and
Endocrinology, Houghton, Johannesburg,
Afrique du Sud.
Références
1 McGuire A. Economic analysis of diabetes. J Diab
Comp 1996; 10: 149-150.
2 Distiller LA, Kramer BD. Diabetes Mellitus as a
model for disease management in the South African
context. Specialist Med 1998; 2: 35- 42.
3 Levetan C, Passero M, Jablonski K, Ratner R. Health
care outcomes of diabetic ketoacidosis by
generalists versus specialist. (Abstract.) Diabetes
1997; 46 (suppl 1): 35A.
4 Kramer BD, Distiller LA. Diabetic Ketoacidosis.
Specialist Med 1995; 2: 26-37.
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Soins de santé
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