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Intoduction
Pour mieux comprendre la valeur du commerce équitable, ain-
si que son développement, ses défis et ses limites, il faut avoir à
l’esprit le fait qu’il situe son action aux côtés de la logique économique
libérale dominante, selon laquelle l’homme agirait rationnellement
pour la satisfaction de ses propres intérêts personnels, en situation de
rareté de moyens et de biens. Cette propension naturelle appartien-
drait à tous les hommes qui, par la conjonction de leurs actions égoïs-
tes, contribueraient à la croissance et à la richesse des nations1.
Cependant, déjà en 1944, Karl Polanyi2 avait montré le rôle
secondaire que le marché avait eu par rapport à la vie économique des
civilisations, jusqu’à la révolution industrielle. Depuis l’économie, en
tant que sphère autonome, a été identifiée au marché. La monnaie, la
nature, l’homme ont été transformés en marchandises. A l’heure
actuelle la mondialisation ne fait qu’accroître ces logiques qui engen-
drent des disparités majeures, en perpétuant ainsi l’identification entre
économie et marché, comme mécanisme auto-régulé d’offre, de de-
mande et de prix.
Pourtant, plusieurs expériences dans le monde démontrent
que la rationalité économique a plusieurs facettes. Il s’agit du travail
des ONG, des organisations d’économie populaire, des services de
proximité, des formes variées de coopération sociale et non lucrative,
des systèmes d’échange local, de la finance éthique. Le commerce
équitable est une de ces actions, qui s’appuie sur des valeurs partagées
et des modes de vie des populations.
1 A. SMITH “ Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations ” 1776
2 K. POLANYI, La grande transformation : aux origines politiques et économiques de
notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (édition américaine de 1944).