La diarrhée chronique - STA HealthCare Communications

La diarrhée chronique est une condition assez
fréquente : 3 % à 5 % de la population en serait
atteinte. Objectivement, elle est définie par une masse
fécale de plus de 200 grammes par jour. Lorsque cet état
persiste après deux à quatre semaines, il s’agit d’une
diarrhée chronique.
Pour le médecin consulté à ce sujet, il s’agit d’un
problème complexe, puisque le diagnostic différentiel est
extrêmement large (tableau 2) et qu’il existe une variété
presque inépuisable de tests en lien avec la diarrhée
chronique. Il est parfois difficile de savoir par où com-
mencer et quand s’arrêter.
Tableau 1
La démarche diagnostique
Étape 1
1. Interrogatoire
2. Examen physique
3. Bilan de base
4. Analyse des selles
Étape 2
1. Tests thérapeutiques
2. Dosage d’anticorps antitransglutaminases et
immunoglobulines de type A
3. Colonoscopie (courte ou longue) et biopsies
Étape 3
1. Colonoscopie complète et biopsies étagées
2. Gastroscopie et biopsies et aspiration du
grêle
3. Transit du grêle
4. Tomodensitogramme
5. Hospitalisation et collecte des selles
Le cas de Éva
Éva vous consulte pour la première fois. Elle a 45 ans
et ne présente aucun antécédent médical. Elle se
plaint depuis maintenant deux mois de diarrhées à
raison de cinq selles semi-liquides par jour. Elle s’en
étonne beaucoup, puisque, auparavant, elle était
plutôt constipée. Éva n’a pas noté de sang dans ses
selles, mais elle se plaint de crampes. Par ailleurs,
son état de santé général est bon, mis à part une
grande fatigue. Elle n’a pas perdu de poids depuis
qu’elle souffre de diarrhées. Elle avoue vivre
beaucoup de stress depuis quelque temps, mais ne
voit pas le rapport avec les symptômes qu’elle
présente.
Éva est très inquiète : « Ce n’est pas normal d’avoir
de la diarrhée comme ça alors que j’ai toujours été
plutôt constipée. Je souffre sûrement de quelque
chose! La maladie de Crohn? Le cancer? Dites-moi
ce que j’ai, docteur! »
Par où commencer? Doit-on lui recommander
certains examens et lesquels? Doit-elle être
immédiatement référée en gastro-entérologie?
En d’autres termes, quelle est votre approche
diagnostique?
Par Jean-Daniel Baillargeon, MD, FRCPC
Présenté à la Journée gastro-entérologique
de l’Université de Sherbrooke pour
l’omnipraticien, le 30 mai 2003.
La diarrhée chronique :
par où commencer?
Pour plus de détails,
voir la page 8
Pour plus de détails,
voir la page 8
72 le clinicien octobre 2003
Questions et réponses sur la diarrhée chronique
Questions
Étant médecin de famille, puis-je procéder à
l’évaluation d’un patient qui présente une
diarrhée chronique, ou dois-je plutôt référer
celui-ci en gastro-entérologie?
Que dois-je faire lorsque je rencontre un patient
qui souffre de diarrhée chronique?
Quand dois-je soupçonner une cause organique?
Dans quelles circonstances dois-je référer le
patient en gastro-entérologie?
Réponses
Vous détenez un rôle essentiel dans la prise en charge
initiale du patient qui souffre d’une diarrhée chronique.
Vous pouvez diagnostiquer bon nombre de cas de
diarrhées qui n’auront pas à être référés par la suite.
Vous avez également le rôle important de savoir quels
patients, parmi ceux qui ont consulté pour une
diarrhée chronique, doivent être référés et vous devez
aussi savoir comment optimiser l’évaluation ultérieure.
Vous devez effectuer un interrogatoire et un examen
physique complet, tous deux orientés vers les caus-
es de la diarrhée chronique. Un bilan sanguin de
base et un échantillonnage des selles sont également
essentiels. Enfin, selon les circonstances, vous
pouvez tenter certains tests thérapeutiques.
Une cause organique doit être soupçonnée lorsque
la diarrhée est récente (moins de trois mois), qu’elle
est apparue soudainement, qu’elle se produit durant
la nuit ou qu’elle est accompagnée de sang
(macroscopique ou microscopique). Une perte de
poids inexpliquée (plus de cinq killogrammes) et la
présence d’anémie ou d’hypo-albuminémie sont
également des signes d’alarme. Lorsqu’une cause
organique est soupçonnée, il faut alors pousser
l’investigation plus loin.
Vous devez référer le patient à un gastro-entérologue :
•lorsque l’évaluation initiale n’est pas révéla trice et
•lorsqu’une cause organique est soupçonnée.
La diarrhée chronique
Afin de faciliter l’évaluation des patients qui
présentent une diarrhée
chronique par le
médecin de première
ligne, une démarche
diagnostique est pro-
posée (tableau 1). Celle-
ci permet de préciser le
plus efficacement possi-
ble la cause de la diar-
rhée et de savoir qui
référer et quand.
Quelle est
la démarche
diagnostique?
L’étape 1
La plupart du temps, un
interrogatoire rigoureux,
un examen physique et
un bilan de base permet-
tent de poser le diagnos-
tic, ou du moins d’orien-
ter l’investigation ulté-
rieure et de minimiser les tests inutiles.
L’anamnèse devrait comprendre :
1. Une caractérisation des selles
2. L’évaluation des symptômes associés : Douleurs
abdominales, perte de poids, fièvre, bouffées
congestives, etc.
3. L’évaluation des facteurs de risques infectieux :
Antibiotiques, voyages, aliments contaminés,
etc.
4. L’évaluation de la diète :
Produits laitiers, produits diététiques (sor-
bitol), alcool, caféine,
tisanes, etc.
5. L’évaluation de la
médication
6. L’évaluation des antécé-
dents chirurgicaux
7. L’évaluation des autres
conditions médicales
L’examen physique
devrait se centrer sur :
1. L’état volémique :
indique la nécessité d’une
réhydratation vigoureuse
2. L’état nutritionnel :
indique la nécessité d’un
soutien nutritionnel.
3. La recherche de lésions
cutanées
4. La recherche d’aphtes
buccaux
5. La recherche d’ano-
malies thyroïdiennes
6. La recherche d’adé-
nopathies
7. La recherche d’arthrite
8. L’abdomen : recherche de masse, de douleurs ou
d’organomégalie.
73le clinicien octobre 2003
La diarrhée chronique
Le Dr Baillargeon est
professeur agrégé, Faculté
de médecine, Université de
Sherbrooke, et gastro-
entérologue, Service de
gastro-entérologie, Centre
hospitalier universitaire de
Sherbrooke.
9. Le toucher rectal : recherche de fistules, de
fis sures ou d’abcès.
Le bilan de base devrait comprendre :
1. Une formule sanguine complète et la vitesse de
sédimentation
2. Le dosage des électrolytes, de l’azote uréique du
sang et de la créatinine : évalue les conséquences
de la diarrhée.
3. La glycémie : dépistage du diabète.
4. La mesure de l’albumine et du calcium
5. La mesure de l’hormone thyréotrope
6. L’examen des selles pour :
a) La recherche de sang occulte
b) La recherche de leucocytes
c) Les cultures bactériennes (à 2 reprises)
d) La recherche de parasites (à 2 reprises)
e) La recherche de cytotoxine de Clostridium
difficile
Cette évaluation initiale oriente habituellement le
médecin vers une ou quelques hypothèses diagnos-
tiques (tableau 4). Le bilan ultérieur est alors effectué
en fonction de ces hypothèses.
Lorsque l’évaluation initiale n’est pas révélatrice,
l’investigation devrait se poursuivre par l’étape suivante.
L’étape 2
1. Les tests thérapeutiques :
a) Tenter l’arrêt de consommation de produits
laitiers pendant deux semaines.
b) Effectuer un essai au métronidazole si une
parasitose est soupçonnée malgré l’analyse
négative des selles.
c) Effectuer un essai aux suppléments de fibres
s’il y a soupçon d’une diarrhée fonctionnelle.
2. Recherche d’anticorps anti-transglutaminases
et dosage des immunoglobulines A (IgA) : Étant
donné la prévalence élevée de la maladie cœliaque,
certains spécialistes suggèrent de la dépister chez les
personnes qui présentent une diarrhée chronique
inexpliquée. Les anticorps anti-transglutaminases de
type IgA permettent ce dépistage. Une proportion de
15 % des patients ayant une entéropathie au gluten
ont cependant un déficit en anticorps IgA, ce qui
peut occasionner de faux négatifs. La mesure con-
comitante des anticorps IgA permet d’interpréter le
dosage des anticorps anti-transglutaminases.
74 le clinicien octobre 2003
La diarrhée chronique
Tableau 2
Le diagnostic différentiel
1. Infection
Amibiase, Giardia, Clostridium difficile, infections
opportunistes (HIV), etc.
2. Inflammation
Maladie de Crohn, colite ulcéreuse, colite
collagéneuse, etc.
3. Malabsorption
Déficit des sels biliaires, insuffisance pancréatique
Maladies de l’intestin grêle : sprue, maladie de
Whipple, intestin court, surpopulation bactérienne,
lymphome, etc.
4. Alimentation
Caféine, alcool, aliments diététiques (sorbitol),
produits laitiers, tisanes, etc.
5. Médication
Produits naturels, antiacides, laxatifs, antibiotiques,
colchicine, hypotenseurs, diurétiques, théophylline,
prokinétiques, antinéoplasiques, etc.
6. Opérations chirurgicales antérieures
Gastrectomie, vagotomie, cholécystectomie,
résection intestinale, etc.
7. Obstruction
Néoplasie, fécalome, etc.
8. Ischémie
9. Radiation
10.Endocrinologie
Hyperthyroïdie, maladie d’Addison, diabète,
carcinoïde, gastrinome, carcinome médullaire de la
thyroïde
11.Fonctionnel
Côlon irritable
3. Colonoscopie (courte ou longue) et biopsies
étagées : Une colonoscopie courte peut être
suffisante chez un jeune patient présentant une
faible probabilité de maladie organique. Cependant,
on pourrait immédiatement opter pour une colono-
scopie longue chez un patient âgé de plus de 50 ans
(dépistage du cancer co-
lorectal) ou chez celui où
règne un haut degré de
soupçon pour une ma-
ladie organique.
Si ce bilan demeure
négatif, l’investigation
ultérieure dépendra de
l’index de soupçon d’une
maladie organique,
laquelle doit être
soupçonnée lorsqu’il y a
présence de :
Diarrhée récente
(moins de trois mois)
Début soudain
Diarrhée nocturne
Présence de sang dans
les selles (macros-
copique ou micros-
copique)
•Perte de poids inexpliquée
de plus de cinq kg
•Anémie
Hypoalbuminémie
En l’absence de ces signes d’alarme (tableau
3), l’observation et un traitement symptomatique
peuvent être recommandés. Par contre, si une
cause organique est considérée, l’investigation
devra se poursuivre par une étude endoscopique et
radiologique plus approfondie. Une consultation
en gastro-entérologie
est alors habituellement
nécessaire.
L’étape 3
Le gastro-entérologue
poursuivra ensuite
l’investigation par :
1. Une colonoscopie
complète avec biop-
sies étagées : évalue
les conditions qui
pourraient n’attein-
dre que le côlon droit
(maladie de Crohn,
colite collagéneuse).
2. Une gastroscopie
avec biopsie du grêle
et aspiration duodé-
nale : permet le diag-
nostic de sprue, de la
maladie de Whipple,
d’un lymphome ou
d’une giardiase.
75le clinicien octobre 2003
La diarrhée chronique
À retenir...
La diarrhée chronique est une condition assez
fréquente : 3 % à 5 % de la population en serait
atteinte.
•La plupart du temps, un interrogatoire rigoureux, un
examen physique et un bilan de base permettent de
poser le diagnostic.
En l’absence de signes d’alarme, l’observation et un
traitement symptomatique peuvent être
recommandés.
Cependant, en présence de signes d’alarme,
l’investigation doit être poussée plus loin.
Un diagnostic étiologique est posé dans plus de
90 % des cas de diarrhée chronique avec une telle
approche systématique.
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