L'article ci-dessous écrit par Raoul Wagner (Ep-Au 37-43)
est également paru dans le Journal des AET n° 23 de mars 2005.
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CHRISTIANISME ET ISLAM
REMARQUES PREALABLES
1) L'actualité sociale et politique parle souvent du monde musulman : les revendications de certains d'entre
les musulmans, l'émigration de plus en plus importante de gens venant de pays musulmans, le problème de
l'adhésion de la Turquie à l'Europe etc. Ce n'est pas une atteinte à la laïcité de parler de ce problème religieux.
2) en milieu chrétien, l'islam prétend corriger le christianisme lui-même. Certes il est solidaire de bien
des données bibliques, mais il refuse des données importantes du christianisme. Il est en partie de la division
des chrétiens, consécutives aux querelles qui ont déchiré le Proche-Orient sur la nature du Christ (homme ou
Dieu). Sur le plan doctrinal, la relation entre le christianisme et l'islam est une question délicate.
Cet article désire aider les lecteurs à comprendre les difficultés d'un dialogue, et en même temps
aider à ce dialogue pour trouver des chemins d'entente et de paix.
Le 9 décembre 2004, j'ai fait une causerie sur ce sujet actuel et brûlant : "Christianisme et Islam".
Notre directeur du "Journal des AET" m'a demandé de rédiger un article sur le même sujet. Comment le lui
refuser ? Certes, j'ai écrit des notes pour ma causerie, mais je dois dire que je préfère la causerie à la rédaction
d'un article. Un tel sujet éveille très vite des réactions passionnelles que je ne puis maîtriser, alors que, au cours
d'une causerie, en tant qu'orateur, je peux sentir les réactions de mon public et nuancer mes propos.
Cet article veut être essentiellement une information. Pour dialoguer, il faut s'entendre sur les mots
que nous utilisons sous peine de ne pas se comprendre. C'est surtout dans ce sens que je l'écris.
Que nous le voulions ou non, pour des raisons surtout économiques, nous assistons à de nombreux
déplacements de populations, en particulier vers l'Europe occidentale. Il s'agit en grand nombre de populations
de culture et de confession musulmanes.
Je vais essayer de dire l'essentiel sur la Bible qui fonde la foi des juifs, qui a engendré celle des
chrétiens et constitue l'essentiel des valeurs auxquelles nous tenons et que garantit la laïcité. De même, je vais
essayer de dire l'essentiel sur le Coran qui fonde la foi des musulmans. Un Coran que nombre de musulmans
connaissent aussi mal que les chrétiens connaissent la Bible et dans la Bible, l'Evangile.
Tout cela n'est pas facile, parce que nous avons tous dans notre subconscient des images qui
faussent cette connaissance et nourrissent nos réactions passionnelles.
Évitons d'abord des confusions de langage.
Une confusion fréquente :
Arabe = musulman. C'est une grave erreur. Les Arabes sont les habitants de l'Arabie qui comprend
les pays de la péninsule du même nom dont on estime la population à environ 200 millions de sujets. Attention,
ces Arabes ne sont pas tous musulmans, il faut compter près de dix pour cent de chrétiens, un pour cent est de
religion et de culture juives, un certain nombre ne revendique aucune religion sauf par intérêt politique.
De plus, les musulmans sont maintenant un peu plus d'un milliard et se répartissent ainsi par ordre
décroissant d'importance numérique le sous-continent indien, l'Indonésie, les pays arabes, les pays fédérés à la
Russie, la Turquie, l'Afrique du Nord, l'Afrique sub-saharienne, l'Iran.
Un Turc ou un Iranien n'est pas un Arabe. De même, les habitants d'Afrique du Nord et de l'Égypte
ne sont pas des Arabes : ils ont subi la civilisation arabo-musulman, et ont été façonnés par elle, ce qui n'est pas
pareil. Une autre confusion fréquente :
les médias, des livres de classe, parlant du judaïsme, du christianisme et de l'islam, les appellent "
les religions du Livre ". Ce qui voudrait dire que la Bible et le Coran sont les fondements de ces religions. C'est
au Coran que nous devons cette désignation.
C'est exact pour l'islam. Bien que "Coran" veuille d'abord dire "récitation" ; dès qu'il devint un
écrit, il fut considéré comme la révélation reçue directement de Dieu par Muhammad (Mahomet) en arabe
(l'arabe étant affirmée langue du ciel), le messager est l'ange Gabriel.
Le judaïsme et le christianisme sont d'abord une histoire. l'histoire d'un dialogue de Dieu avec
l'homme. Dieu se présente à l'homme comme son compagnon et son libérateur.
Pour ce qui est du christianisme, il est d'abord un message de fraternité universelle.
PARLONS D'ABORD DE LA BIBLE.
La Bible (mot grec qui signifie "livre") comporte deux parties que l'on appelle à tort deux
Testaments (testament, mot transcrit du latin, mais qui n'a pas la même signification que dans notre langue). De
nos jours, on dit plus couramment : les deux Alliances.
En fait, l'Ancien Testament (ou première Alliance) I est surtout l'histoire de la fondation et de
l'existence d'Israël, du peuple juif. Dieu choisit Moïse et l'institue libérateur de son peuple, esclave en Égypte.
Dieu n'accepte pas que l'homme soit opprimé et esclave. Par la force persévérante de Dieu, ]Moïse va faire sortir
"son peuple" de l'Égypte et le conduire pendant quarante ans dans le désert, en marche vers la Terre Promise
c'est là une image de la persévérance qu'il faut avoir tout au long d'une vie pour conquérir sa liberté. Au cours de
cette marche, Dieu fait alliance avec "son peuple" sur l'Horeb, ou Sinaï. La pièce maîtresse de cette alliance est
le Décalogue, les Dix Paroles, dites aussi les Dix Commandements. C'est l'alliance mosaïque.
Elle s'appuie sur la foi du patriarche Abraham. "père des croyants" par sa foi exemplaire en un
Dieu étonnant qui l'appelle à tout quitter "pour atteindre la cité qui aurait de vraies fondations; celles dont Dieu
lui-même est le bâtisseur et l'architecte" (lettre aux hébreux 11,10).
La Bible raconte aussi comment, en ne respectant pas le contrat, le peuple d'Israël se punit lui-
même et connaît défaites, exils, déportations ; comment Dieu se veut fidèle à son alliance et dans la mesure ou le
peuple reconnaît son péché, il trouve avec lui des chemins de "reconstruction".
Surtout à partir des années 550 avant J.-C., des communautés juives se sont implantées dans les
villes du bassin méditerranéen, en Égypte et au Proche-Orient.
Les membres de ces communautés s'intégraient dans les cités elles vivaient et leurs membres
perdaient peu à peu leur langue, l'hébreu, pour parler la langue du pays et surtout la langue "internationale" de
l'époque, le grec. Ce qu'il est intéressant de savoir, c'est qu'un roi égyptien, Ptolémée HI, demanda à des lettrés
juifs de traduire la bible hébraïque en langue grecque, qui est une langue à la grammaire précise. Cette traduction
fut alors utilisée par l'ensemble de communautés juives de la diaspora. Elle s'appelle la traduction des septante
en hommage aux 72 traducteurs.
Vers les années 750 de l'histoire de Rome, commence l'histoire de la deuxième Alliance, racontée
par les communautés chrétiennes qui sont nées en Israël et se sont d'abord propagées au Liban, en Syrie et
Jordanie actuelles. C'est l'histoire d'un Juif, d'un Israélite nommé Jésus. C'est un homme pieux qui suscite de
l'intérêt par son discours et son comportement.
La Synagogue, comme l'Église, ont eu longtemps la tentation de sacraliser ces écrits en les
affirmant, plus ou moins, Parole de Dieu. Elles ont eu du mal à accepter que ces écrits soient soumis à la critique
des historiens, des archéologues, des exégètes et des philologues.
Pour le croyant juif et chrétien, d'une façon globale, aujourd'hui, ces écrits qui s'étalent, en gros,
sur un millénaire, sont reconnus comme révélant une Parole de Dieu à travers des récits qui sont liés à des
cultures et des époques on estime qu'ils ont été rédigés. Cette Parole est reconnue comme révélant de façon
progressive un Dieu Unique dont le trait essentiel est la fidélité de l'amour qu'il porte à l'histoire de tous les
croyants et de tous les humains. En ce sens, ces écrits sont Parole inspirée de Dieu.
D'une façon globale, pour le croyant juif et le croyant chrétien, les écrits de la Bible sont sans
cesse à interpréter et à adapter à la situation dans laquelle ils vivent. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut adapter une
vérité ou une morale, ce qui veut dire qu'il faut essayer de vivre en vérité dans la situation concrète où nous nous
trouvons.
QUELQUES AUTRES CONSIDÉRATIONS :
Une lecture attentive de la Bible enseigne que, pour le croyant chrétien, il ne saurait y avoir d'un
côté du sacré et de l'autre du profane. En reprenant les termes du récit de la Création, regardant ce qu'Il avait fait,
Dieu déclare que tout est bon, et quand il s'agit de l'être humain, il dit très bon. Ce qui veut dire que la création
confiée à l'Homme est bonne et que son travail est d'ajuster cette création à la sainteté de Dieu ; les croyants
chrétiens n'ont pas à faire du sacré, mais à sanctifier le monde.
Le message des prophètes et du Christ est essentiellement un appel à l'homme pour qu'il exerce sa
liberté à bâtir un monde de justice et de fraternité dans un respect fondamental des personnes. Deux exemples :
1) le passage du prophète Isaïe (chap. 58 - 550 avant J.-C.) : "qu'est-ce que le jeûne ou la prière qui me
plaît... défaire les chaînes injustes, délier les liens du sang, envoyer libres les opprimés, briser tous les jougs,...
partager ton pain avec l'affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas
te dérober devant celui qui est ta propre chair... " Nous trouvons les mêmes appels chez les autres prophètes ou
dans les livres de la Sagesse.
2) le discours de Jésus sur la montagne en Matthieu chapitres 5,6,7. En 25,31 à 46, Jésus enseigne que le
critère du jugement sera celui-ci :"ce que vous faites (ou ne faites pas) au plus petit d'entre les hommes, c'est à
moi (Jésus Dieu) que vous le faites (ou ne le faites pas)".
Quand quelqu'un vient trouver Jésus pour lui demander un chemin de vie, la réponse est toujours
la même :"Si tu veux... "
La foi des croyants chrétiens est rencontre avec la personne du Christ et n'est liée à aucun cadre
culturel, mais passe par la médiation de son message vécu par une communauté.
La Bible, et en particulier le Nouveau Testament, insiste et enseigne avec persévérance l'égale
dignité de l'homme et de la femme, et de chaque chrétien, tant dans la communauté humaine que dans la
communauté Église, bien que les rôles soient différents pour le bon fonctionnement de la communauté (Cf.
Lettre aux Éphésiens 4,1-16).
C'est le témoignage de ses disciples, assurés de sa résurrection et ne connaissant plus aucune
crainte, qui se regroupent et qui vont essayer de vivre une authentique vie de fraternité et de confiance en la force
de la Parole de leur maître Jésus le Christ. Ils sentiront rapidement le "besoin de l'écrit" pour une transmission
fidèle de cette "Bonne Nouvelle". Ce sera chose faite de façon quasi définitive au début du IIe siècle. Si un
certain nombre des sources utilisées pour cet écrit sont en langue araméenne (une langue arabe parlée encore de
nos jours et qui était courante en Palestine du temps de Jésus), les écrits reconnus de façon définitive sont en
langue grecque. Mais l'écrit n'est pas premier. C'est d'abord la vie fraternelle, dont la source est le témoignage
d'amour de Dieu à l'égard de TOUS les humains, annoncé par Jésus et vécu dans son Esprit.
LE CORAN.
Nous l'avons dit plus haut, il signifie d'abord "récitation" et par extension "lecture". Il est la lecture
de la Parole de Dieu révélée directement (et suivant l'affirmation donnée par le Coran lui-même, en langue
arabe) à un Arabe, de La Mecque, Muhammad, que l'on nomme à tort Mahomet.
Qui est Muhammad ? Le Coran s'inscrit dans son histoire.
L'aristocratie de La Mecque appartenait à la tribu des Qoreïch, divisée elle-même en plusieurs
clans dont les Hachim et les Omeyya. Ces derniers avaient le commandement politique et militaire de la cité. Les
Hachim étaient respectés pour leur honnêteté et leur droiture. C'est à cette branche qu'appartenait Muhammad
que la tradition fait naître en 570 de notre ère. Orphelin de père dès sa naissance et de sa mère six ans plus tard, il
fut confié à son oncle Abou Talib qui l'initia à la profession de conducteur de caravane. A 25 ans, il entre au
service d'une riche veuve, Khadidja, qu'il épouse, bien qu'elle fût son aînée d'environ quinze ans. Notons que les
routes caravanières du Proche Orient étaient jalonnées de monastères, d'ermitages chrétiens et le monothéisme
des juifs et des chrétiens était connu dans la péninsule arabe. Il y avait des communautés chrétiennes et juives
dans les villes d'Arabie et du Yémen. Au cours d'un voyage en Syrie, Muhammad avait fait la connaissance d'un
moine chrétien nommé Bahira. A la même époque, il se lie d'amitié avec un cousin de son épouse Kadidja,
Waraqa, homme religieux, érudit des sciences bibliques, converti au christianisme.
De ce fait, Muhammad connaissait nombre de récits bibliques. Il a été très marqué par la foi
d'Abraham et son histoire. Abraham est le premier "soumis"(muslim).
Le premier fils d'Abraham, conçu par sa servante Agar, s'appelle Ismaël (Genèse 16). Quand naît
Isaac, fils de l'épouse, elle exige qu'Abraham chasse Ismaël (Genèse 21), lequel va aller vivre au nord de l'Arabie
(Genèse 25). Selon certaines légendes que le Coran et l'Islam s'approprient, Abraham serait venu avec Ismaël
pour fonder la Mecque et y bâtir la Ka'ba, édifice cubique, marquant l'endroit présumé Adam aurait bâti le
premier temple de l'humanité. La révélation islamique est donc première. Elle doit être célébrée avant les autres,
d'où la grande prière du vendredi.
Kadidja et Muhammad eurent plusieurs enfants, seule une fille, Fatima, survécut. Plus tard, Fatima
épousa Ali, fils de Abou Talib. A la mort de Kadidja, Muhammad épouse Aïcha qui joua aussi un rôle important
dans sa vie et par la suite, à Médine, il épousa huit autres femmes.
Muhammad avait l'habitude d'aller méditer dans une grotte du mout Il ira, près de La Mekke.
C'est là que, âgé de 40 ans, il reçoit, pour la première fois, révélation de la Parole de Dieu, grâce à
l'apparition de l'archange Gabriel (Jibril). Il a peur d'être tenté par le diable et met un certain temps à se
convaincre qu'il est un "appelé" de Dieu. Il se met à prêcher la croyance en "le Dieu unique" (Al ah = le dieu). Il
n'a pas de nom, mais il est unique : l'article est lié au nom et devient un nom propre. Il s'ensuit une lutte sans
merci contre les idoles. Ses premiers fidèles sont Kadidja, Ali et quelques proches. Mais dans l'ensemble, les
réactions, y compris celles des chefs de la tribu des Qoreïch, sont sceptiques, méprisantes, voire hostiles. La
petite communauté dérange et sa vie est rendue pénible. Certains membres émigrent en Éthiopie.
En 622, Muhammad décide de quitter La Mecque et de partir pour Yathrib, qui devient "Médina
an nabi" (= la ville du prophète) = Médine. 622 est la date de l'hégire (émigration), début de l'ère musulmane.
A Médine, Muhammad est écouté et devient bientôt un véritable chef d'état, tout en continuant à
recevoir la révélation divine. II organise ses compagnons et ses alliés en une communauté homogène, sans lien
de clan ou de tribu, avec un souci d'égalité et de justice sociale.
En 630, après des années d'exil et de guerre sainte (combat incessant pour faire connaître sa foi), il
occupe La Mecque en vainqueur, sans combat. Les Qoreïch et presque toutes les villes et oasis d'Arabie se
soumettent à Allah, le Dieu Unique tel qu'il est révélé à Muhammad. C'est la soumission (islam) et le soumis est
muslim. Hormis l'abolition des anciens cultes, il n'y a aucune mesure de représailles contre les Mecquois.
Après avoir accompli "le pèlerinage de l'adieu", Muhammad quitte La Mecque pour Médine il
meurt le 8 juin 632, sans laisser de fils.
LES HÉRITIERS DU PROPHÈTE, LES CALIFES.
Après la mort du prophète, ses principaux compagnons décident d'élire un lieutenant du prophète,
"un calife".Ils sont quatre et ce sont eux qui ont organisé et en partie structuré l'islam. Ce sont : Abu Bakr
(632-634) ; Omar
(634-644) ; Othman (644-656) ; Ali (656-664).
Abu Bakr réalise le projet du prophète en islamisant la Syrie et l'Irak. Omar étend l'islam à la fois
en Asie (Perse, Palestine Arménie) et en Afrique (Egypte, Lybie). C'est lui qui reçoit sans combat la reddition de
Jérusalem. Othman affermit ces conquêtes et commence la rédaction du Coran.
Ali est fils d'AbouTalib, l'oncle du Prophète. Il a épousé sa fille Fatima. A la mort d'Othrnan,
s'installent des
rivalités. Les groupes dévoués à Aïcha, veuve du Prophète, s'affrontent avec les partisans d'Ali au
cours de deux batailles, l'une à Bassorah. l'autre à Siffin (en Irak actuel). Aucune conciliation ne fut possible.
Alors, la communauté islamique se divise en trois groupes, les sunnites (majoritaires), les chiites et les
kharidjites. C'est la "fitna", la division.
La transmission du Coran se fait oralement. C'est un mode de transmission des peuples qui ne
disposent pas d'une écriture. L'écriture était alors cursive (elle notait surtout les consonnes). L'histoire rapporte
qu'avant de partir pour la campagne contre l'Arménie, vers 650, l'émir Hofhaïfa aurait été frappé des divergences
qu'il constatait quand ses soldats, réunis à Coufa, récitaient le Coran. Il fait appel au calife Othman qui
commençait ce travail. Ce dernier décida que c'est l'accent du dialecte mecquois qui devait primer. Du fait de
l'insuffisance de l'écriture, le déchiffrement demeure longtemps difficile. A cause d'elle, on ne pouvait lire le
Coran qu'à la condition de le posséder par cœur. En fait, le déchiffrement dépendait du "récitant".
Le passage d'une écriture défectueuse à une écriture satisfaisante se fit sur un long terme. Le
travail de l'école d'Acim de Bassora (fin IXe siècle) mit au point une grammaire arabe. Vers le XIe siècle, s'opère
une révolution dans la calligraphie qui permet de noter avec exactitude les nuances du texte sacré.
Le pas décisif fut franchi avec l'imprimerie, surtout avec l'initiative du roi Fouad 1er d'Égypte en
1923. Il fit paraître un Coran d'une précision inégalée, jouant le rôle des bibles protestantes dans le christianisme.
Les savants musulmans, au long des siècles, se sont penchés sur le texte sacré pour essayer
d'établir que les phrases étaient bien celles que le Prophète auraient reçues de la révélation divine.
De plus, à côté du Coran, ont été recueillis des faits et des gestes du Prophète, ce sont les hadits. Ils
complètent la révélation et sont des références pour le croyant. Cet ensemble constitue la "sunna" que nous
pouvons rapprocher de ce qu'est la tradition chez les juifs et les chrétiens.
Les six croyances de l'islam :
1) en Dieu, tel qu'il est révélé dans le Coran, au Coran qui est don direct de Dieu au Prophète ;
2) aux anges ;
3) aux livres divins : la Torah, le psautier de David, l'évangile de jésus (tels qu'ils sont présentés dans le
Coran), le Coran ;
4) aux prophètes ;
5) au dernier jour, jour du jugement ;
6) en la prédestination, tout ce qu'il advient est voulu et connu de Dieu sans pour autant que la liberté de
l'homme en soit entravée (contradiction difficile à saisir).
Le grand et petit Jihad (= lutte) : le grand est l'effort sur soi auquel s'astreint tout croyant pour
lutter contre le péché et le petit est le devoir d'autodéfense si le croyant est assiégé ou s'il est empêché de
pratiquer sa religion.
Le religion musulmane reconnaît une seule loi divine révélée : la shari'a. Elle couvre le domaine
religieux dans tout ce qui a trait à la soumission à Dieu, en particulier l'importance du ramadan ; le domaine
social (où sont affirmés la supériorité de l'homme sur la femme, la possibilité de la polygamie, la primauté de
l'islam sur toute autre religion, le rejet de la liberté religieuse... )
Sur le caractère révélé du Coran : c'est la Parole de Dieu révélée pour être déposée dans le cœur
de Muhammad ; le contenu de ses versets et sa formulation en langue arabe sont indissociables ; la forme
littéraire du message est inimitable et insurpassable. Dicté par Muhammad, ce message a été scrupuleusement
consigné et c'est par sa récitation psalmodiée qu'on adore Dieu et c'est en suivant ses prescriptions qu'on obtient
le paradis.
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LE DIALOGUE AVEC LE MONDE MUSULMAN.
Les États musulmans, membres de l'ONU, ont sigla "Déclaration des droits de l'homme", mais
tous ont marqué des réticences et négocient des aménagements à propos de l'article 18 sur la liberté de
conscience et de religion. Ils ont signé des pactes et rares sont ceux qui ont signé des conventions ou des décrets
d'application. La référence est toujours la shari'a, c'est-à-dire la loi musulmane qui doit être appliquée et vécue
dans une société. Cette loi refuse la liberté de conscience, plutôt elle est à sens unique : on peut devenir
musulman, mais il n'est pas possible de quitter cette religion sous peine de mort.
M. Mohamed Akoun, universitaire français exerçant à Aix-en-Provence, et d'autres universitaires,
de confession musulmane, notent le décalage culturel, politique et religieux, pour réaliser une rencontre et un
dialogue "à égalité".
Il font remarquer que les pays "demeures d'islam" qui veulent devenir "état nation" cherchent une
légitimité. Où la trouver ? Ils sont en face de leur peuple pour qui, dans son subconscient, la cité parfaite ne peut
se trouver que dans l'application de la shari'a, de la loi religieuse. De ce fait, ils se trouvent en pleine ambiguïté.
De plus, la plupart des ces Etats connaissent, plus ou moins, des échecs économiques du fait d'un manque de
classes moyennes, du fait souvent de la corruption provoquée par les puissances financières mondiales.
L'authenticité nationale tend à se confondre avec la personnalité arabo-islamique de style passéiste. Enfin, la
fidélité des masses aux idéaux de toujours, entretenus par la prédication qui voit, dans la modernité de
l'Occident, la cause de tous les maux, a fait que partout, dans ces pays, on assiste au retour du religieux et au
succès des extrémistes.
Un évêque ami, ayant rencontré récemment un groupe d'amis musulmans, me disait que beaucoup
d'entre eux reconnaissaient qu'il faudrait adapter le Coran. C'est un écrit datant du VII' siècle. Or, le monde dans
lequel nous vivons est différent et donc il faut en tenir compte dans la lecture du Coran. Malheureusement, la
plupart du temps, ils se heurtent à cette très forte conviction de la majorité des musulmans pour qui tout ce qui
n'est pas dans le Coran ou dans les hadits ne saurait avoir de la valeur.
Si les Occidentaux, et parmi eux les chrétiens, ont fait beaucoup d'efforts d'information et de
formation pour dialoguer avec l'islam, on ne trouve que de rares personnalités, très croyantes et souvent très
instruites, pour répondre à leur attente. L'ensemble des musulmans ont surtout une attitude d'apologétique, dans
la certitude absolue de la seule supériorité du Coran et de la shari'a.
POUR TERMINER CE PANORAMA, COMPARONS LE DIEU DE LA BIBLE ET DU CORAN, LE JÉSUS DU
CORAN ET CELUI DES ÉVANGILES.
Le Dieu révélé dans le Coran
Est-il le Dieu de la Bible et Celui de Jésus ? Certes, il n'y a qu'un SEUL DIEU, mais la
connaissance que les musulmans en ont diffère de la conception des croyants juifs et chrétiens.
Le Dieu révélé dans le Coran exige avant tout la soumission du croyant qui est appelé le soumis
(muslim). Il est miséricordieux et cette affirmation est si forte que toutes les sourates, sauf une, commencent par
un appel au Dieu miséricordieux. Il est au-dessus de la vie des êtres humains et s'il les appelle à une vie de vérité,
de justice, d'aumône, il trouve en quelque sorte normales leurs faiblesses et de toutes façons ne tient pas à se
mêler à leur vie, sa transcendance ne le lui permet pas. Le croyant musulman a un sens très vif de cette
transcendance qui lui fait dire que tout ce qui se passe, tous les événements de la vie sont voulus directement par
Lui. Le Dieu, révélé dans la Bible, est d'abord un Dieu qui se soucie de la vie des hommes. Il se
présente toujours en libérateur ne supportant pas que l'homme soit opprimé et il appelle des hommes à travailler
à cette libération. Il veut des hommes libres et debout. Il veut l'égale dignité de l'homme et de la femme. Il veut
faire alliance avec les hommes et cheminer avec eux. Ce souci d'accompagnement de l'homme exprime sa
fidélité à son égard et il culmine dans l'incarnation, racontée dans l'Évangile : Jésus est reconnu Dieu fait
homme, se voulant "Serviteur" de l'homme et demandant de reconnaître en tout être humain un certain visage de
lui-même (cf. le jugement dernier dans Matthieu 25,33-45).
Le Jésus du Coran
Jésus y tient une place particulière. Il est fils de Marie. Marie est d'ailleurs la seule femme
nommée dans le Coran et par trois fois. Jésus y est dit "fils de Marie". "Du fils de Marie et de sa mère, nous
avons fait un signe" (sourates 21,91 et 23,50).
Le Coran consacre trois sourates pour relater les données de la tradition chrétienne, la 3, intitulée
la "famille d'Iram" (= la famille de Moïse à laquelle se rattachent Marie, sa sœur et Marie, mère de Jésus) ; la
sourate 5, "la Table servie", signe du partage caractéristique accompli par jésus (image de l'eucharistie) ; la
sourate 19, intitulée "Marie". Cette dernière relate l'annonce faite par l'ange à la Vierge Marie et la conception
miraculeuse de Jésus, puis celle de sa naissance au désert (19,16-34). Il n'y a ni date, ni lieu le concernant.
Jésus est évoqué comme un être vraiment à part. Le Coran s'inspire en cela des écrits chrétiens
apocryphes. Le Coran émet des doutes quant à la mort sur la Croix (4 les femmes,157). Jésus est mort comme les
autres mortels, ressuscitera avec une bénédiction particulière, apparaîtra au moment du jugement comme "un
signal de l'heure" (43 l'ornement, 60) et il sera un témoin accablant pour "les gens du Livre" (4 les femmes,159).
Le Jésus de l'Évangile
Pour le croyant chrétien, l'histoire de la révélation de Dieu culmine dans l'événement Jésus-Christ.
Le jésus de l'Évangile est un homme connu, vivant à une époque donnée, dans le cadre d'une
famille et d'une région, la Palestine, qu'il ne quitte pas. Il n'y a aucune trace d'un mariage possible. Il est de
religion juive et affirme cette appartenance. Il en suit les préceptes et les rites. Il appelle ses contemporains à
savoir dépasser ces préceptes et ces rites quand la vie ou la santé d'un prochain est en jeu. L'amour du prochain
est sa règle de conduite jusqu'à y risquer sa vie. Il affirme jusqu'au bout une forme de non-violence dans le
témoignage de l'amour de Dieu et du prochain. Il meurt effectivement sur une croix, très probablement le 7 avril
de l'an 30, à Jérusalem, à la suite d'un procès rapide, religieux et politique. Il ne saurait y avoir de doute sur sa
mort, étant donl'insistance des premiers témoins de sa résurrection. A propos de cette résurrection, c'est
toujours lui, jésus, qui en prend l'initiative : au moment ils s'y attendent le moins, jésus surgit dans la vie de
ses disciples qui, d'abord, ne le reconnaissent pas ; c'est à certains signes qu'ils prennent conscience que ce n'est
pas le fruit de leur imagination, mais une réalité : Jésus qui était mort est vivant. C'est là, la foi des chrétiens.
Les communautés chrétiennes reconnaissent peu à peu que se réalise, en Jésus, la Nouvelle
Alliance ; savoir, en cet homme, Jésus, Dieu se faisant homme réalise en lui l'alliance parfaite de l'homme et de
Dieu. Il assume intégralement la condition humaine jusqu'à la mort ignominieuse de la Croix. En la traversant
par la résurrection, il révèle aux hommes ce qu'est la fidélité de l'amour et ouvre le chemin "de la Résurrection
de la chair et de la vie éternelle". Raoul Wagner (Ep-Au 37-43)
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