Dimanche dernier nous fêtions les mages, aujourd`hui le baptême

Dimanche dernier nous fêtions les mages, aujourd’hui le baptême du Seigneur et dimanche prochain
les noces de Cana. Dans l’antiquité chrétienne ces trois fêtes n’en faisaient qu’une : celle de
l’Epiphanie le 6 janvier. D’ailleurs, dans l’antienne des vêpres de dimanche dernier, nous chantions :
« Nous célébrons trois mystères en ce jour : aujourd'hui l’étoile a conduit les mages vers la crèche ;
aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean
dans le Jourdain pour nous sauver, alléluia». En réalité il y a trois épiphanies qui n’en font qu’une,
trois manifestations du Seigneur dans l’Evangile durant lesquelles le Christ sauveur se montre à
visage découvert, mais sous des modalités différentes.
En guidant les mages jusqu’à la crèche de Bethléem par cette étoile mystérieuse, le re a manifesté
la divinité de son Fils éternel à toutes les nations. Il a montré que cet enfant, authentique fils de
l’homme, était tout à la fois le Fils unique de Dieu, l’Image parfaite du Père dans la consubstantialité,
Dieu fait homme. Il nous a invités à nous mettre à genoux devant lui, à l’accueillir dans notre
existence comme on accueille un enfant, afin que nous n’ayons plus peur de Dieu et que nous
réapprenions de l’Enfant par excellence, comment vivre notre vocation de créature, d’enfants
d’adoption appelés à la vie filiale. Oui, cet enfant est notre Sauveur, Dieu avec nous, l’Emmanuel,
l’Incarnation de la Miséricorde divine venue rattraper notre humanité perdue, enfermée dans la
désobéissance, meurtrie de son autosuffisance.
Après cet événement de Noël Dieu se manifeste dans l’Enfance, deuxième épiphanie : celle du
baptême de Jésus. Le Fils éternel descendu dans la condition humaine descend maintenant dans le
Jourdain. Cela ne lui suffit pas de se revêtir d’une humanifrappée des conséquences du ché,
par la souffrance et par la mort. Il veut également s’identifier au cheur, lui le saint du Père, lui qui
n’a jamais connu et ne connaîtra jamais le péché. Pour cela, il se mêle à la foule des repentis et
demande le baptême, c'est-à-dire le pardon des chés. Jean-Baptiste ne comprend pas. Il est
déboussolé : celui qu’il reconnaît comme l’Agneau de Dieu, l’envoyé du Père, dont il n’est pas digne
de défaire la courroie de ses sandales, voici qu’il vient se mettre à ses pieds dans les eaux boueuses
du péché pour en être relevé. La protestation est immédiate : c’est lui, le baptiste, que Jésus doit
baptiser et relever de son péché, non le contraire.
Néanmoins, ce baptême paradoxal de Jésus doit s’accomplir. Dieu veut manifester au monde qu’il
n’est pas venu pour condamner les hommes, les montrer du doigt ou leur faire des reproches. Il
vient les rejoindre là où ils sont, les prendre comme ils sont, se mettre à leur niveau : il travaille avec
eux, il mange avec eux, il dort avec eux, il les écoute, il leur ouvre la porte de son Cœur...
La fête du baptême du Seigneur est une célébration de la solidarité de Dieu avec les pécheurs,
solidarité d’un Dieu qui avant de guérir et de libérer des enfers veut d’abord les connaître et les
visiter de sa présence. Dieu ignore ce qu’est la pitié condescendante. Il ne regarde pas l’humanité
déchue et misérable du haut de son Ciel. Il ne fait qu’un avec elle dans l’amour et pour cela, il
endosse son drame. Il veut être assimilé au péché, avec cette humanité et comme elle. Rappelons-
nous qu’au final, Jésus sera crucifié entre deux brigands, deux criminels. Ainsi, le Fils égal au Père
descend dans le Jourdain pour être baptisé. C’est peuttre là, dans ces eaux du Jourdain que Dieu
est le plus inattendu…
C’est peut-être aussi une invitation pour nous tous, dans cette année de la miséricorde, à laisser de
côté nos leçons de morale, notre façon d’aborder la religion à la manière des pharisiens, c’est-à-dire
comme un code de bonne conduite. La vraie religion, telle que Jésus nous l’enseigne dans son
baptême, commence par le ministère de la compassion, par la capacité de regarder nos frères et
sœurs dont la vie n’est pas des plus exemplaires comme des enfants de Dieu infiniment aimés, et
des pécheurs comme nous. Puis, les inviter à découvrir l’amour inconditionnel du Père, leur montrer
Jésus le Sauveur, Jésus qui par son sacrifice sanglant nous a rendu l’Esprit Saint, la grâce divine qui
donne le pouvoir de vaincre le pécet d’en être totalement purifiés.
C’est la troisième épiphanie : celle de Cana, où Jésus change l’eau en vin. L’eau symbolisant
l’engloutissement dans le péché, la noyade et la mort, le vin symbolisant la fête de la Vie avec un
grand « V », c’est-à-dire l’effusion de l’Esprit Saint, le don miséricordieux de l’Alliance nouvelle et
éternelle réalisée dans le transpercement d’amour du Cœur de Jésus, d’où jaillit le sang rédempteur,
le vin des noces. Cana fut une épiphanie, une manifestation inaugurale de la mission rédemptrice
du Crucifié que saint Paul résume dans sa lettre à Tite : « Par le bain du baptême, il nous a fait
renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance,
par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance
héritiers de la vie éternelle ». Nous le savons, Dieu s’est abaissé jusqu’à nous pour nous élever
jusqu’à lui. Il a revêtu notre condition humaine pour que nous soyons revêtus de la sienne. Il est
descendu dans les eaux du monde pécheur pour nous en faire sortir. Il a voulu recevoir le baptême
des pécheurs pour nous baptiser dans l’Esprit Saint.
Des mages en adoration devant un enfant à Bethléem, un baptême dans le Jourdain, une noce à
Cana, trois épiphanies qui n’en forment qu’une seule et nous manifestent le grand mystère de la
Miséricorde incarnée en Jésus Christ. Notre pape François nous a donné un an pour en vivre de façon
intense. Accueillons son initiative sans réticence, sans la peur de lâcher du lest sur le terrain de la
morale. Nous verrons au bout du compte qu’en abordant l’humanité à partir de l’annonce de la
Bonne Nouvelle de l’Evangile, elle s’en trouve mieux, meilleure, sanctifiée du Christ Sauveur,
vraiment morale.
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