INSTITUT QUÉBÉCOIS D'ÉTHIQUE APPLIQUÉE Sur l’intention et la volonté Il faut se méfier de ceux qui ont de trop bonnes intentions, il leur arrive fréquemment de changer d’idée. « Ce n’est pas ce que je voulais faire… ». « Je ne voulais pas mal faire… ». Combien de fois avons-nous entendu ces affirmations? Combien de fois notre interlocuteur nous a-t-il dit : « j’avais une bonne intention »? L’adage, de son côté, affirme que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Que devons-nous en penser? Qu’est-ce qu’une intention? Peut-elle n’être que « bonne » sans donner de « bons » résultats au sens moral? Soyons clairs, si une « bonne intention » ne se concrétise pas, c’est qu’elle n’était pas une « bonne intention ». Vouloir le Bien ne suffit pas, encore faut-il le réaliser. Si une « bonne intention » ne se concrétise pas, c’est peut être qu’elle manque de sérieux, qu’elle indique une faiblesse ou qu’elle n’avait de « bon » que le nom. Généralement, une « bonne » intention qui ne se réalise pas n’est, en définitive, qu’une mauvaise intention qui n’ose pas dire son nom. Énoncer une bonne intention, c’est simplement annoncer que l’on voulait bien agir alors qu’au bout du compte, on ne le voulait pas réellement ou, du moins, que l’on ne le voulait pas assez. Tout comme pour « l’éthique affichée », la « bonne intention » n’est qu’une feinte, un artifice destiné à éblouir; elle déguise la pensée réelle. Puis, de toute manière, énoncer une bonne intention ne garantit en rien la qualité morale du résultat. * * * Au sens strict, le terme « intention » provient du latin intensio, c’est-à-dire une action de tendre vers un but, de faire un effort vers ce même but. L’intention constitue l’application de la pensée à un objet de connaissance, c’est-à-dire à une situation pratique. L’intention énonce alors un but que l’on se propose d’atteindre. Le but étant déterminé, il s’agit alors de choisir les moyens qui permettront d’atteindre l’objectif en question. Bulletin réflexif – le 5 septembre 2006 Décider avec justesse dans l’incertitude www.ethique.net Page 1 sur 2 INSTITUT QUÉBÉCOIS D'ÉTHIQUE APPLIQUÉE Tout, cependant, ne saurait être si simple. Le fait que nous en soyons rendus à dire « ce n’est pas ça que je voulais » est-il le fait d’un mauvais objectif, du choix d’un mauvais moyen, ou des deux? Il faut poser d’emblée que, ne connaissant souvent pas la fin, il est difficile, voire impossible, de bien juger du moyen à employer en vue de l’atteindre. C’est pourquoi toute énonciation d’intention, tout choix de moyen, devrait être précédé d’une analyse qui pose les questions suivantes : Que veut-on exactement? Où veut-on aller? Qu’est-ce qui nous motive à agir? C’est à ce moment que la réponse à ces questions, sous l’éclairage des valeurs claires et praticables, réduira grandement la marge d’incertitude reliée à une intention parfois insuffisante, imprécise, vide de sens ou au choix d’un mauvais moyen. Une fois l’objectif déterminé, le choix du moyen arrêté, il n’y manquera que la volonté nécessaire à la réussite de l’entreprise. Ici, quant on parle de volonté, il s’agit bien entendu de la volonté d’accomplir quelque chose de précis, pas d’une volonté simplement affichée elle aussi vide de sens, énoncée sous la forme simpliste d’une « bonne intention » sans détermination réelle. Ainsi, afin de rendre « éthique » un résultat, nous posons que le « je pense » doit impérativement aboutir à une représentation en acte, c’est-à-dire à un « je fais ». La seule éthique digne de ce nom est l’éthique appliquée, pas l’éthique affichée. Parler d’éthique et agir de façon éthique implique d’aller au-delà des préjugés et des idées reçues; parler d’éthique est une manière de lancer un débat, où la réflexion reprend sa place, pas une manière de clore un non-débat, où la réflexion est absente. Si la « bonne intention », dès le premier moment, n’est pas assez forte pour engendrer le choix et la mise en œuvre des moyens appropriés vers un objectif empreint de justesse, c’est qu’il ne s’agissait même pas d’une bonne intention dès le départ. Je pense, je veux, je fais. L’éthique est action, le reste n’est qu’intention, paroles en l’air… * * * Bulletin réflexif – le 5 septembre 2006 Décider avec justesse dans l’incertitude www.ethique.net Page 2 sur 2