Faible taux de testostérone et diabète de type 2 – un problème de

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La testostérone affecte à la fois l'hypotha-
lamus et l'hypophyse, en provoquant une
réduction de la sécrétion de l'hormone de
libération des gonadotrophines, de l'hor-
mone lutéinisante et de l'hormone de stimu-
lation folliculaire. Un faible taux de testosté-
rone à un problème testiculaire (ablation
des testicules, par exemple) conduit à des
La testostérone est la principale hormone sexuelle de l'homme. Elle est importante non
seulement pour garantir une activité sexuelle normale, mais également pour la solidité
des os, la force musculaire, l'énergie mentale et physique et le bien-être général. Un faible
taux de testostérone est associé à une diminution de la libido, des dysfonctionnements
érectiles, une augmentation de la masse graisseuse, une diminution de la masse musculaire
et osseuse et de l'énergie, la dépression et l'amie. Le diabète de type 2 pourrait être
une des causes les plus fréquentes d'hypogonadisme une diminution de la fonction
des testicules, qui affecte la production de testostérone. Les auteurs se penchent sur
l'hypogonadisme associé au diabète et ses conséquences plus larges et réclament des
efforts supplémentaires en vue de comprendre et de prévenir ce problème croissant.
Faible taux de testostérone
et diabète de type 2
un problème de santé
publique préoccupant
Paresh Dandona, Sandeep Dhindsa, Anil Chandel, Shehzad Topiwala
La production de testostérone dans les
cellules interstitielles des testicules est
commandée par l'hormone lutéinisante,
qui est sécrétée par l'hypophyse, locali-
sée à la base du cerveau. L'hypophyse
sécrète également l'hormone de stimu-
lation folliculaire, qui stimule la produc-
tion de sperme. L'hormone lutéinisante
et l'hormone de stimulation folliculaire
sont également connues sous le nom de
gonadotrophines. L'hormone qui stimule
la sécrétion de l'hormone lutéinisante et
de l'hormone de stimulation folliculaire
(hormone de libération des gonadotro-
phines) est quant à elle produite dans
l'hypothalamus.
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niveaux élevés de l'hormone lutéinisante
et de l'hormone de stimulation folliculaire,
un état appe"hypogonadisme primaire".
Les hommes atteints de diabète de type 2
affichent pour leur part de faibles taux de
testostérone et des taux tantôt faibles, tantôt
anormalement faibles d'hormone lutéini-
sante ou d'hormone de stimulation folli-
culaire. On parle alors d'hypogonadisme
secondaire ou hypogonadotrophique.
Un tiers des hommes
atteints de diabète
de type 2 présentent
de faibles niveaux
de testostérone
biologiquement active.
Diverses études épidémiologiques menées
au cours des vingt dernières années ont
montré que les personnes atteintes de dia-
bète de type 2 présentaient un faible taux
de testosrone.
1
Ces études étaient toutefois
basées sur la testostérone totale, laquelle
peut ne pas refléter avec précision les ni-
veaux de "testostérone libre" biologique-
ment active. La testostérone d'un homme
normal est principalement liée à la globuline
spécifique (44 %) et à l'albumine (54 %),
seuls 2 % environ circulant sous forme libre.
Seule cette testostérone libre est à même de
trer dans les tissus du corps et d'exercer
ses effets. La testostérone liée à l'albumine
peut se libérer dans les petits vaisseaux et
avoir un effet biologique. Par contre, la
testostérone qui reste liée à la globuline est
incapable d'exercer son effet.
Prévalence de l'hypogonadisme
La première étude à avoir mis en lumière
le taux de prévalence élede l'hypogona-
disme chez les personnes atteintes de dia-
te de type 2 sur la base de la testostérone
libre a été publiée en 2004.2 Elle a établi
qu'un tiers des hommes atteints de diabète
de type 2 (âgés entre 31 et 75 ans) présen-
taient un faible niveau de testostérone libre.
Ce problème a été associé à une hormone
lutéinisante et une hormone de stimulation
folliculaire anormales, entraînant un hypogo-
nadisme hypogonadotrophique. Ainsi que
l'on s'y attendait, les niveaux de testosrone
libre et totale de ces hommes diminuaient
avec l'âge et l'augmentation de l'indice
de masse corporelle. L'hypogonadisme ne
dépendait cependant pas exclusivement
de l'obésité ; 25 % d'hommes non obèses
souffraient également d'hypogonadisme
hypogonadotrophique. La durée du diabète
et l'HbA1c n'avaient par contre aucun effet
sur les taux de testostérone. Ces décou-
vertes ont depuis lors été confirmées par
des études menées au Royaume-Uni, en
Italie, en Australie et au Brésil.
Notre groupe s'est également pencsur
la prévalence élevée de l'hypogonadisme
hypogonadotrophique chez des hommes
jeunes atteints de diabète de type 2 : la
condition a été diagnostiquée chez 58 %
des hommes âgés de 18 à 35 ans ayant
participé à cette étude.3 Tous ces hommes
atteints d'hypogonadisme étaient obèses.
La présence de l'hypogonadisme hypogo-
nadotrophique à des taux aussi élevés est
inquiétante car ces hommes sont dans leurs
principales années reproductives et risquent
de souffrir non seulement de problèmes
taboliques liés aux faibles concentrations
de testostérone, mais également de troubles
de la spermatogenèse et d'une diminution
de leurcondité.
Diabète de type 1
L'hypogonadisme hypogonadotrophique
ne se développe par contre pas chez les
hommes atteints de diabète de type 1,
4
ainsi que confirmé par des études menées
sur des hommes jeunes et d'âge moyen. Il
est néanmoins intéressant de noter que les
concentrations de testostérone sont égale-
ment inversement proportionnelles à l'indice
de masse corporelle chez les hommes at-
teints de diabète de type 1.
Des implications plus larges
Les problèmes de l'hypogonadisme hypogo-
nadotrophique ne se limitent pas à la fonc-
tion sexuelle et reproductive, mais pourraient
également être associés à des maladies
cardiovasculaires et à l’athérosclérose
despôts gras sur la paroi intérieure des
artères, précurseurs d'une crise cardiaque.
L'inflammation, qui est le processus par
lequel le corps répond à une blessure et/ou
une infection, jouerait un rôle déterminant
dans le développement de l'atrosclérose.
Des taux élevés de protéine C réactive,
un marqueur d'inflammation, ont en effet
été associés à une augmentation du risque
de maladies coronariennes. Les taux de
protéine C réactive des hommes atteints
de diabète de type 2 souffrant d'hypogo-
nadisme hypogonadotrophique sont parmi
les plus élevés, quelle que soit la condition.
Il est apparu que ces hommes présentaient
également une anémie légère, une faible
densité osseuse (côtes et bras), une aug-
mentation de la masse graisseuse totale et
sous-cutanée, et une réduction de la masse
musculaire squelettique.5
Des mécanismes peu clairs
Les mécanismes qui sous-tendent l'hypogo-
nadisme hypogonadotrophique chez les
hommes atteints de diabète de type 2 ne
sont pas clairs. Il a notamment été suggéré
que l'augmentation excessive de la masse
graisseuse pourrait entraîner une hausse
de l'activité de l'enzyme aromatase, qui
accentuerait la conversion de testosrone en
œstrogène (la principale hormone sexuelle
minine). L'augmentation des taux d'œstro-
gène entraînerait à son tour la suppression
de l'hormone de libération des gonado-
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trophines et des troubles de la sécrétion
de gonadotrophine par l'hypophyse avec,
pour conséquence, une diminution de la
crétion de testostérone et de la production
de sperme mâture.
Cependant, ainsi que mentionné ci-dessus,
les hommes non obèses atteints de diabète
de type 2 peuvent également souffrir d'hy-
pogonadisme hypogonadotrophique. Par
conséquent, cette condition n'est pas entiè-
rement le à l'obésité. Des études menées
sur des animaux et des expériences ali-
es sur des cultures de cellules permettent
d'établir avec de plus en plus de certitude
que l'action de l'insuline et la réponse à
l'insuline dans le cerveau sont cessaires
pour garantir le bon fonctionnement de l'axe
hypothalamo-hypophysaire (hypothalamus,
hypophyse, testicules). L'insensibilité à l'in-
suline au niveau hypothalamique pourrait
donc contribuer au développement de l'hy-
pogonadisme hypogonadotrophique. Cette
insensibilité est également associée à une
augmentation de la concentration de pro-
ines inflammatoires dans le sang, lesquelles
pourraient également empêcher directement
la libération de l'hormone de libération des
gonadotrophines par l'hypothalamus. Il ap-
paraît donc clairement que des recherches
complémentaires seront cessaires pour
identifier la cause de ce syndrome.
Traitement
Dans le cas des hommes présentant des
symptômes hypogonadaux, la thérapie de
remplacement de la testostérone est l'option
recommandée en vue d'améliorer la fonction
sexuelle, de maintenir les caractéristiques
sexuelles secondaires, le sentiment de bien-
être et la densité mirale des os, d'accrtre
la masse musculaire et de réduire la masse
graisseuse. Le traitement se présente sous
différentes formes : injection intramusculaire,
gel, patchs ou capsules orales. Il convient
toutefois de noter que la testostérone peut
induire une augmentation du nombre d'an-
tigènes prostatiques spécifiques et de glo-
bules rouges.
Ces taux devront être surveillés parallèle-
ment aux concentrations de testostérone
après une thérapie de remplacement de
la testostérone. Les deux contre-indications
absolues à cette thérapie sont le cancer
de la prostate et le cancer du sein. Les
hommes jeunes souffrant d'hypogonadisme
hypogonadotrophique qui souhaitent deve-
nir ou rester fertiles seront traités à l'aide
d'injections de gonadotrophine ou de mé-
dicaments provoquant une augmentation
des gonadotrophines.
Le faible taux de
testostérone chez les
hommes atteints de
diabète de type 2
constitue un problème
de santé publique
majeur.
Problèmes de sanpublique
L'épidémie croissante de diabète de type 2
représente un problème de santé publique
majeur au niveau mondial. La prévalence du
diabète est en hausse dans tous les groupes
d'âges et bon nombre de personnes risquent
de développer la condition durant leurs
principales années reproductives. Le fait
qu'un tiers des hommes atteints de diabète
de type 2 présentent un faible taux de tes-
tostérone constitue un problème de santé
publique majeur que ce soit en termes de
troubles sexuels ou de stérilité potentielle.
Ces problèmes doivent être résolus de ma-
nière appropriée en étudiant les mécanismes
sous-jacents et en développant des stragies
de traitement adéquates. La prévention de
l'épidémie massive et progressive de dia-
Paresh Dandona, Sandeep Dhindsa,
Anil Chandel, Shehzad Topiwala
Paresh Dandona est directeur du
Diabetes-Endocrinology Center of
Western New York, professeur et
chef du département d'endocrinologie
de l'université de New York à Buffalo,
États-Unis.
Sandeep Dhindsa est maître assistant
de médecine, au sein de la division
d'endocrinologie et de métabolisme
de l'université de New York Health
Sciences Center à Buffalo, Etats-Unis.
Anil Chandel travaille au sein de la
division d'endocrinologie et de
métabolisme de l'université de
New York Health Sciences Center à
Buffalo, États-Unis.
Shehzad Topiwala travaille au sein de la
division d'endocrinologie et de
métabolisme de l'université de New York
Health Sciences Center à Buffalo,
États-Unis.
Références
1 Barrett-Connor E, Khaw KT, Yen SS.
Endogenous sex hormone levels in older adult
men with diabetes mellitus. Am J Epidemiol
1990; 132: 895-901.
2 Dhindsa S, Prabhakar S, Sethi M, et al.
Frequent occurrence of hypogonadotropic
hypogonadism in type 2 diabetes. J Clin
Endocrinol Metab 2004; 89: 5462-8.
3 Chandel A, Dhindsa S, Topiwala S, et al.
Testosterone concentration in young patients
with diabetes. Diabetes Care 2008; 31:
2013-7.
4 Tomar R, Dhindsa S, Chaudhuri A, et al.
Contrasting testosterone concentrations in
type 1 and type 2 diabetes. Diabetes Care
2006; 29: 1120-2.
5 Bhatia V, Chaudhuri A, Tomar R, et al. Low
testosterone and high C-reactive protein
concentrations predict low hematocrit in
type 2 diabetes. Diabetes Care 2006;
29: 2289-94.
Pratique clinique 29
te de type 2, qui entrne dans son sillage
l'hypogonadisme et les handicaps associés,
revêt également une importance extrême.
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