agrégation de sciences économiques et sociales
préparations ENS 2005-2006
fiches de lecture
Les conflits sociaux
Reynaud (1997) :
Les règles du jeu
Fiche de lecture réalisée par les agrégatifs de l’ENS Cachan
REYNAUD Jean-Daniel (1997), Les règles du jeu, Paris, Armand Colin
Préface de la 2ème édition : cadrage théorique
La régulation pour Reynaud n’a rien à voir avec la théorie de la régulation économique qui est une théorie structurelle
et surtout macro-sociale.
Pour R., le fait social par excellence est la formation des règles. C’est un terme moyen entre une sociologie
durkheimienne qui est basée sur l’étude des normes (sous-entendue transcendantes et intangibles) et lindividualisme
thodologique dur qui est ba sur l’étude des choix rationnels.
R. relève que sa sociologie est critiquée car elle donnerait à l’institution un privilège sur les rapports sociaux (en gros,
opposition entre institutionnalisation des conflits et le caractère indépassable de la lutte des classes)
Après avoir défendu la vision boudonienne de la rationalité (l’acteur et tout et tout), il montre qu’elle fonde l’étude de
la régulation : « la contribution à l’existence et à la formation des règles, à la régulation, n’est pas une conséquence
secondaire de l’action sociale, elle est liée à la définition même de la rationalité. Elle ne vient pas de la soumission à
des valeurs qui seraient définies de manière exogène, mais du fait que cette action est aussi une interaction »
finition de la régulation : « La règle est un principe organisateur [...] elle est le plus souvent un guide à l’action,
un étalon qui permet de porter un jugement, un modèle qui oriente l’action ». La régulation concerne l’effet concret
des règles formelles.
« Les règles ont des auteurs et des destinataires. Elles sont liées à un projet d’action commune » pas de
transcendance de la règle et recoupement avec les problèmes classiques de l’action collective.
Un acteur social n’existe que dans la mesure où il est une source autonome de régulation (s’oppose à l’idée de
groupes latents liés par un intét)
Le paradigme qui permet de comprendre la régulation est celui de l’entreprise et non celui du marché, celui de la
négociation, du contrat et du conflit et non celui de l’agrégation des décisions individuelles.
Ex : l’analyse de l’action collective montre l’effort d’organisation nécessaire pour faire émerger une action
collective : elle offre une capacité de mobilisation des ressources, contraintes institutionnelles. MAIS elle reste
fragile à la défection, au sectarisme, à l’résie
Deux sources de régulation : la régulation de contrôle et la régulation autonome. Elles s’articulent soit par un partage
de terrain (l’entreprise accepte de laisser une part d’autonomie aux ouvriers de métier) soit par un conflit.
Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2005-2006 2
Le conflit n’est pas l’oppode la régulation, il est une étape dans un processus : « le conflit ouvert [...] est souvent
un progrès dans la rencontre des régulations [...] il oblige à une négociation ». Il peut déboucher sur une régulation
conjointe. En définitive, « la régulation sociale n’est pas essentiellement l’établissement ou le maintien d’un ordre,
mais l’opération à têtes multiples qui renouvelle, détruit ou crée, bref fait vivre le lien social »
Chapitre 1 : les systèmes sociaux et les règles
L’idée :on peut passer une revue les différentes combinaisons des comportements individuels. Mais, ces
combinaisons ne sont un fait social que lorsque ces combinaisons obéissent à des règles.
Quest-ce qu’un fait social ? Il est constitué d’un ensemble de comportements individuels ayant un caractère social
dans leurs conditions, leurs causes d’apparition, leur forme et leur résultat. Un fait est social lorsqu’il est élément
d’un ensemble social c'est-à-dire lorsque les actes individuels obéissent à des règles, au sens normatif du terme.
Deux formes decisions :
- les décisions inpendantes
- les décisions interdépendantes
Les décisions indépendantes s’agrègent soit de façon simple (le vote), soit de façon telle que le résultat de
l’agrégation diffèrent des intentions des acteurs (effets pervers cf. BOUDON et SCHELLING dans « La tyrannie
des petites décisions » pour la ségrégation spatiale).
Les décisions interdépendantes sont qualifiées comme telles lorsque les décisions sont prises en fonction des celles
(probables ou sûres) des autres individus :
- la distinction
- l’allongement de la due des études pour les classes aisées (c’est le niveau relatif du diplôme qui compte)
« linégalité des chances », BOUDON, 1973
- le vote utile au 2nd tour
Les décisions interdépendantes peuvent être formalisées dans le langage du marché (sous des conditions
restrictives certes mais qui garde un puissant pouvoir heuristique) ou de la théorie des jeux. Ces paradigmes ne
permettent pas de rendre compte des situations où les acteurs peuvent modifier les résultats de l’interaction
(l’ensemble des possibles est donné)
La fécondité des approches en termes de négociation se voit pour l’analyse du marché du travail :
- modèle du marc: le marché du travail est très imparfait : rigidité des salaires à la baisse, imperfection de
l’information…
- modèle du choix stratégique : l’interaction employeur/employé est de type « dilemme du prisonnier » : on ne peut
en sortir que par un accord implicite reposant sur une obligation mutuelle qui n’est crédible que dans un jeu répé
OU par un contrat complet (ce qui est improbable)
- modèle de la négociation : la définition de cette obligation mutuelle, hors du marché proprement dit, est le fruit
d’une négociation qui ne peut aboutir que s’il existe des définitions conventionnelles du « bon » salaire, des devoirs
professionnels
la négociation explique ce que le marché et la théorie des jeux laissaient exogène ou impensé. Elle complexifie la
situation en considérant que les règles elles-mêmes sont l’objet degociation (exemple classique du salarié payé à la
pièce qui n’augmente pas trop son rendement pour ne pas inciter la direction à baisser le prix de la pièce produite). La
théorie des jeux atteint ses limites lorsqu’on aborde les conflits et les négociations concernant le maintien, la
modification, le changement ou la suppression des règles (c'est-à-dire la majeur part des conflits).
Quelques conclusions sur cette petite revue des combinaisons d’actes individuels :
- Les systèmes sociaux sont divers. R. réfute l’ambition de la tradition qui va de Durkheim à Parsons qui cherche à
finir LE système social et la tradition de Comte à Marx qui cherche à définir un procès historique universelle.
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- Les combinaisons reposent toujours sur des règles : une approche « marché & rationali» -- même si elle
cherchent à spécifier les préférences (par la psychologie) ou à s’élargir à une forme de rationalité souple (genre
Pareto qui introduit les actions non-logiques) -- ne parviendra pas à expliquer les systèmes sociaux car :
o les intérêts ne suffisent pas à définir les interactions dans lesquelles les individus s’engagent : les conditions de
l’échange sont socialement crées ( le marché ex-nihilo ça existe pas)
o les intérêts peuvent rarement être définis indépendamment du système social : « c’est le système lui-me qui
donnera une valeur psychologique déterminée à un enjeu particulier »
- Les règles exercent une contrainte sociale mais elles ne sont pas immuables : la règle n’est pas un simple instrument
de contrôle social (aspect répression), sa transgression – la déviancepeut être une manière d’anticiper le
changement ou de linitier. Même Durkheim prend en compte l’évolution de la règle lorsqu’il demande la formation
de corporations.
- La régulation est un enjeu social : objet de conflits entre différents groupes. Le conflit peut-être ouvert,
violent, institué, caché. Il peut porter sur l’application de la règle ou sur sa constitution même. Chez Durkheim,
la société est intégrée ; on ne négocie pas la règle sociale (surtout lorsqu’on est deux groupes antagonistes), elle
s’impose.
VARIATION 1 : l’échange social et la régulation
R. présente l’échange social par un mixte entre MAUSS et la théorie des jeux d’après Mr CORDONNIER :
Le don/contre-don est la solution coopérative du dilemme du prisonnier. On échappe au paradoxe maussien :
l’échange-don est à la fois intéressé ( la rupture du cycle des dons est trop coûteux pour les deux partenaires) et
spontané ( on ne sait pas qui doit prendre l’initiative et à quel moment intervient le contre-don). C’est quand même
pas très rationnel tout ça…
Par extension, l’échange social permet de comprendre la négociation. L’échange social n’est pas rationnel au sens
strict ; cest le développement de l’échange qui crée la confiance. Réciproquement, la confiance n’est pas une valeur
morale (Durkheim), elle est un état fragile qui est mis à l’épreuve et toujours assumée à l’initiative des partenaires.
Bref, cest comme la négociation : production de confiance et précarité de la relation sociale qui est de façon sous-
jacente conflictuelle.
Ex : la relation de sous-traitance (LORENZ, 1988) : passage dune vérification de la conformité des produits ex post
à la conviction ex ante des qualités du producteur (je te fais confiance car j’ai éprouvé ta qualité) l’établissement
d’une règle ne passe pas nécessairement pas le contrat ; ne pas passer par la forme juridique évite aux partenaires
l’intervention du juge dans la définition de leur relation par exemple, dans les conflits du travail, on parle de
« contrat glissant » .
La spécificité de la rationalité version négociation (par rapport à la rationalité stratégique) :
- elle invoque desgles et veut faire reconnaître leur validité
- l’acteur cherche à former des liens et ses préférences se définissent dans cette relation
- apprentissage mutuel et place de l’imprévu, de l’évolution des règles
l’accord n’est pas simplement un compromis entre des stratégies, c’est la création d’une règle pour la vie en
commun MAIS cette malléabilité de la règle est aussi sa faiblesse.
Chapitre 2 : le maintien des règles
Il s’agit de répondre à une question classique en sociologie : Comment se fait-il qu’existent des groupes sociaux
relativement durables ? Comme se fait-il qu’il existe un minimum de règles communes qui fait que tout n’explose pas
malgré l’opposition des passions et des inrêts ?
Les règles effectives
Les règles sont diverses :
- sur le plan théorique : peut-on distinguer les règles formelles et explicites des règles implicites ?
- sur le plan pratique : est-ce qu’on peut imaginer une substitution totale des règles formelles aux règles informelles ?
En fait, il faut considérer le rapport entre ces deux types de règles : elles sont souvent en concurrence, en conflit, en
complémentarité.
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Il faut plus généralement distinguer différents niveaux : les règles qui encadrent la négociation et les règles produites
par la négociation. Ces dernières deviennent à un niveau inférieur, les règles qui encadrent.
Ex : dans le système de la négociation de branche : il y a les règles institutionnelles et les règles produites comme
salaire minimum, grilles de qualifications. Ces règles produites serviront ensuite de cadre à la négociation qui
s’effectue au niveau du service des ressources humaines d’une entreprise.
Mais, il est difficile de distinguer pratiquement les règles affichées des règles effectives. Chacun a son interprétation.
La sanction peut être automatique ou diffuse.
La règle en vigueur– non observable directement – est le fruit d’une négociation, souvent implicite entre les autorités
chargées du maintien de la règle affichée et le degré de la contrainte jugée acceptable par les « usagers » de la règle
il y a concurrence entre deux régulations.
les règles ne sont pas séparables de l’activité qui les crée et les maintient c'est-à-dire de l’activité de régulation.
Linertie des règles – leur contrainte sociale – n’est pas autre chose que le caractère plus ou moins stable d’un
équilibre dans les échanges sociaux.
La sanction, l’accord et la légitimité
Analyse classique durkheimienne : on reconnaît la contrainte sociale à la réaction que provoque l’enfreinte à la règle.
Les sanctions peuvent être institutionnelles ( interventions des appareils de répression) ou affective (scandale,
réprobation,…). Tout cela est vrai mais il manque des dimensions.
Critique :
- la sanction n’est pas automatique et elle est souvent différenciée : pour que la sanction s’applique, il faut que
l’individu lésé se saisisse des règles, voire initie une action collective en invoquant une règle contre un acte qu’il juge
répréhensible ou nuisible. me dans les cas de forte institutionnalisation de la sanction, BECKER a montré un
processus d’étiquetage (marge d’interprétation des autorités répressives) qui est guie par des représentations
sociales du délinquant (critère d’age, de sexe, de classe sociale,) ce n’est pas la « société » qui sanctionne, la
sanction est inséparable d’un contrôle d’un groupe social sur un autre.
- Chez Durkheim, la sanction est un acte symbolique qui permet de réaffirmer la cohésion du groupe. Or BECKER a
montré que la déviance est un processus qui peut aboutir à une ‘carrière’ délinquante au final, c’est l’exclusion et
non la cohésion qui l’emporte. Lextrême marginalité ou l’exclusion conduit à la création de contre-groupes
l’excès de régulation – au sens durkheimien -- peut-être producteur de conflit.
Les règles auto-entretenues : Cette critique de Durkheim se prolonge en montrant l’existence de règles auto-
entretenues. Leur maintien s’explique par autre chose que la contrainte : par la pratique ou la convention. En
l’absence de tels cadres, les situations sont anomiques, faute de référence culturelle. Il y a non convergence des
attentes mutuelles sur lesgles du jeu favorise les conflits ouverts
La légitimité : Pour l’instant, on a décrit que des mécanismes de maintien de la règle. On ne peut faire l’économie du
sens, à savoir se poser le problème de la légitimité de la règle.
Un pouvoir autoritaire, basé sur la sanction comme principal moyen de contrôle social, n’a jamais été très solide. Ou,
s’il a perduré, c’est qu’il s’accompagnait d’un travail de propagande pour obtenir l’adhésion des individus au
système.
Attention : la légitimité de la règle n’est jamais intrinsèque à la règle en soi. C’est une représentation qui est
construite par ceux qui réclament le respect de la règle elle est liée à l’exercice d’un pouvoir.
Selon la typologie de Weber, la légitimité peut-être d’origine charismatique ou légale-rationnelle c'est-à-dire reposer
sur l’adéquation des moyens aux fins affirmées et le respect de certaines procédures d’élaboration. Différentes
sources de légitimité peuvent se combiner ou entrer en concurrence ; en réalité, ce sont des acteurs divers qui, par le
jeu de l’invocation, entrent en concurrence.
Cette invocation, saisie au niveau du discours, est en relation avec un projet. Exemple : un chef d’atelier veut
introduire une innovation. Or, les ouvriers sont traversés par un ethos professionnel. Il n’accepte l’innovation que si
elle est conforme à cet ethos le chef d’atelier invoquera la légitimité de la tradition, elle-même relative à un projet
(professionnel, d’entreprise).
Légitimité et efficacité : ces deux notions entretiennent des rapports. La légitimité se renforce si les décisions prises
sont efficaces ( la 4èmepublique perd sa légitimité suite à une mauvaise gestion de la guerre d’Alrie).
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L’ordre social
Il y a un jeu de stabilité/instabilité dans les systèmes de rôles (qui est un système auto-entretenu). Instabilité parce
qu’ils résument l’agrégation et l’interdépendance des décisions individuelles autour d’un enjeu de pouvoir social.
Stabilité – attestée empiriquement – car les systèmes différenciés abritent des institutions spécialisées dans le
contrôle, l’élaboration et la modification des règles.
La régulation comme fonction différenciée : Justice et police sont des institutions qui appliquent, interprètent,
infléchissent les règles. Cela a une incidence sur la nature de la négociation portant sur les règles.
1) stabilité par l’appareil : Confier la tache de faire respecter la règle à un corps spécialisé, c’est durcir la règle en la
rendant moins susceptible d’être re-gociée. Lagation à un tiers la défense de la règle rend l’engagement des
partenaires plus précis et plus solide. C’est aussi renforcer la stabilité de la règle en renforçant la cohésion de
l’ensemble dont elle fait partie. Ex : le refus de négocier pour la libération d’otages est une règle qui exclue la
possibilité de trouver une solution économiquement avantageuse pour les deux parties mais renforce le droit en tant
que corpus degles efficaces.
2) stabilité par la cohérence interne du système : C’est favoriser l’émergence de systèmes de règles rationalisés (le
juge invoque des principes de droit) qui ont un puissant effet stabilisateur des règles.
Contrôles croisés :
1) Stabilité par les contrôles extérieurs : le premier dentre eux est le contrôle de la hiérarchie. Mais, il doit
rencontrer le contrôle autonome partiel des subordonnés. D’autres contrôles dits fonctionnels s’ajoutent (dans le cas
d’un atelier, le contrôle du bureau d’étude, de la commission pour la sécurité, du service après-vente….) existent
pression multiforme de contrôles croisés.
2) Ordre/désordre : les contrôles croisés rendent localement les résultats de la régulation imprévisible (désordre) mais
comportent un effet stabilisateur comme la limitation de la contagion des perturbations locales (ordre).
La récession dans une branche ne provoquent pas la baisse des salaires car la branche n’est pas soumise
exclusivement à la régulation marchande ; son autonomie et sa résistance tient à la multiplicité des régulations (droit
du travail, conventions de branche, culture d’entreprise,…)
Le jeu entre les sysmes :
Le contrôle n’est pas un mécanisme automatique :
- Les règles sont invoquées selon les circonstances. Ex : dans les conflits du travail en France, la négociation peut se
déplacer du niveau de l’atelier au niveau de l’établissement. On invoque l’arbitrage par le haut. Le changement de
niveau est un changement de régulation.
- les groupes de contrôle « dormants » peuvent être mobilisés. Ex : mobilisation de l’association des parents d’élèves
ou du conseil d’administration pour arbitrer un conflit entre profs
Le contrôle et la concurrence des règles :
Les règles sont en concurrence et elles interagissent les unes sur les autres.
Effet pervers caractéristique : le durcissement de la règle ou sa formalisation peut renforcer les règles clandestines.
C’est un effet de blocage.
Ex : les travaux « au noir » fonctionnent car il y a toujours menace que l’une des parties rende publique la transaction
c’est la loi (les risques liées à la sanction) qui permet l’efficacité du contrat clandestin. Ou encore : le coût de la
produre juridique incite les individus à s’arranger. Parfois, la loi incite volontairement de tels arrangements
(divorce, héritage,.. )
Conclusion : ce sont les stratégies des acteurs qui expliquent la stabilité des règles. Mais il faut voir le point
d’équilibre comme soutenu par des dispositifs institutionnels et néanmoins toujours re-négociable.
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