Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2005-2006 4
Il faut plus généralement distinguer différents niveaux : les règles qui encadrent la négociation et les règles produites
par la négociation. Ces dernières deviennent à un niveau inférieur, les règles qui encadrent.
Ex : dans le système de la négociation de branche : il y a les règles institutionnelles et les règles produites comme
salaire minimum, grilles de qualifications. Ces règles produites serviront ensuite de cadre à la négociation qui
s’effectue au niveau du service des ressources humaines d’une entreprise.
Mais, il est difficile de distinguer pratiquement les règles affichées des règles effectives. Chacun a son interprétation.
La sanction peut être automatique ou diffuse.
La règle en vigueur– non observable directement – est le fruit d’une négociation, souvent implicite entre les autorités
chargées du maintien de la règle affichée et le degré de la contrainte jugée acceptable par les « usagers » de la règle
→ il y a concurrence entre deux régulations.
→ les règles ne sont pas séparables de l’activité qui les crée et les maintient c'est-à-dire de l’activité de régulation.
L’inertie des règles – leur contrainte sociale – n’est pas autre chose que le caractère plus ou moins stable d’un
équilibre dans les échanges sociaux.
La sanction, l’accord et la légitimité
Analyse classique durkheimienne : on reconnaît la contrainte sociale à la réaction que provoque l’enfreinte à la règle.
Les sanctions peuvent être institutionnelles ( interventions des appareils de répression) ou affective (scandale,
réprobation,…). Tout cela est vrai mais il manque des dimensions.
Critique :
- la sanction n’est pas automatique et elle est souvent différenciée : pour que la sanction s’applique, il faut que
l’individu lésé se saisisse des règles, voire initie une action collective en invoquant une règle contre un acte qu’il juge
répréhensible ou nuisible. Même dans les cas de forte institutionnalisation de la sanction, BECKER a montré un
processus d’étiquetage (marge d’interprétation des autorités répressives) qui est guidée par des représentations
sociales du délinquant (critère d’age, de sexe, de classe sociale,…) → ce n’est pas la « société » qui sanctionne, la
sanction est inséparable d’un contrôle d’un groupe social sur un autre.
- Chez Durkheim, la sanction est un acte symbolique qui permet de réaffirmer la cohésion du groupe. Or BECKER a
montré que la déviance est un processus qui peut aboutir à une ‘carrière’ délinquante → au final, c’est l’exclusion et
non la cohésion qui l’emporte. L’extrême marginalité ou l’exclusion conduit à la création de contre-groupes →
l’excès de régulation – au sens durkheimien -- peut-être producteur de conflit.
Les règles auto-entretenues : Cette critique de Durkheim se prolonge en montrant l’existence de règles auto-
entretenues. Leur maintien s’explique par autre chose que la contrainte : par la pratique ou la convention. En
l’absence de tels cadres, les situations sont anomiques, faute de référence culturelle. Il y a non convergence des
attentes mutuelles sur les règles du jeu → favorise les conflits ouverts
La légitimité : Pour l’instant, on a décrit que des mécanismes de maintien de la règle. On ne peut faire l’économie du
sens, à savoir se poser le problème de la légitimité de la règle.
Un pouvoir autoritaire, basé sur la sanction comme principal moyen de contrôle social, n’a jamais été très solide. Ou,
s’il a perduré, c’est qu’il s’accompagnait d’un travail de propagande pour obtenir l’adhésion des individus au
système.
Attention : la légitimité de la règle n’est jamais intrinsèque à la règle en soi. C’est une représentation qui est
construite par ceux qui réclament le respect de la règle → elle est liée à l’exercice d’un pouvoir.
Selon la typologie de Weber, la légitimité peut-être d’origine charismatique ou légale-rationnelle c'est-à-dire reposer
sur l’adéquation des moyens aux fins affirmées et le respect de certaines procédures d’élaboration. Différentes
sources de légitimité peuvent se combiner ou entrer en concurrence ; en réalité, ce sont des acteurs divers qui, par le
jeu de l’invocation, entrent en concurrence.
Cette invocation, saisie au niveau du discours, est en relation avec un projet. Exemple : un chef d’atelier veut
introduire une innovation. Or, les ouvriers sont traversés par un ethos professionnel. Il n’accepte l’innovation que si
elle est conforme à cet ethos → le chef d’atelier invoquera la légitimité de la tradition, elle-même relative à un projet
(professionnel, d’entreprise).
Légitimité et efficacité : ces deux notions entretiennent des rapports. La légitimité se renforce si les décisions prises
sont efficaces ( la 4ème République perd sa légitimité suite à une mauvaise gestion de la guerre d’Algérie).