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Catherine Capdeville
Synthèse de l’atelier E 07 « Une approche anthropologique des relations d’amour et de
mariage dans trois sociétés d’Asie »
1. Le contexte
Les trois intervenants anthropologues de cet atelier ont proposé une étude de configurations
contemporaines des relations amoureuses et de mariage dans trois sociétés d’Asie : Japon,
Chine, Philippines. Les interventions ont été construites à partir des résultats d’enquêtes de
terrain menées ces dernières années dans ces sociétés. La mise en place de cet atelier du
Réseau Asie est dérivée de l’atelier de travail autour du thème de « l’amour, la cour et le
mariage » organisé par les intervenants (avec d’autres collègues non présents au congrès du
Réseau Asie) à l’Inalco pour y développer la discipline de l’anthropologie sociale, encore peu
représentée dans cet institut. A cet égard, l’atelier du Réseau Asie a donné une ouverture et
une reconnaissance du travail mené depuis un an aux intervenants.
2. Le contenu et les acquis
Cet atelier s’est intéressé d’abord à mettre en éclairage les façons dont sont envisagés les
rapports de mariage et quelles sont leurs spécificités dans chaque société. Les thèmes
approchés sont divers et comprennent aussi bien les questions de choix des conjoints que
celles des rapports amoureux, de la définition de la notion d’amour dans les différentes
sociétés, l’absence ou la présence de formes de cours, les élaborations de stratégies
matrimoniales, les échanges économiques qui sont engagés dans les processus de mariage,
etc.
Chacune des interventions a commencé par un historique et une description des relations dans
ces domaines telles qu’elles étaient envisagées auparavant, que ce soit dans un passé proche
ou plus lointain. Cela a permis ensuite d’établir la façon dont les sociétés se transforment, et
tous les intervenants ont noté des évolutions dans la mise en place des mariages. Au Japon,
dans la petite île de Hachijojima, les jeunes s’expatrient désormais pour aller travailler à la
capitale et trouvent des conjoints dans ce nouveau contexte. Cette réalité est accompagnée
d’un discours insulaire sur les stratégies matrimoniales nécessaires à ceux qui vivent en
périphérie et d’une éducation du désir amoureux qui a renversé les valeurs en cours jusqu’aux
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années 1960 et la préférence pour le mariage endogame. En Chine, dans une campagne du
sud-est (Jiangxi), si les parents restent les principaux organisateurs des mariages de leurs
enfants à travers les fonds qui y sont engagés, on peut cependant noter un développement de
« mariages libres » caractérisés par l’établissement d’une relation amoureuse entre deux
jeunes de façon indépendante. Aux Philippines, le processus de cour très élaboré de la société
des Mangyan Patag est peu à peu remplacé par de nouvelles formes de relations entre les
jeunes, qui sont à la fois plus directes (rencontres au cinéma) et simplifiées (par exemple
l’emploi des SMS remplace celui des poèmes déclamés autrefois pendant la cour …).
3. Questions, perspectives et conclusions
La description et l’historique des faits de mariages ont permis d’établir la diversité des
pratiques et l’impossibilité de la mise au jour d’un système de mariage commun entre les
sociétés étudiées. Cela n’empêche pas de se demander dans quelle mesure on peut mettre au
jour une cohérence d’un développement « moderne » des relations sociales engagées dans les
rapports d’amour, de cour et de mariage. En effet, les jeunes semblent plus autonomes en
matière de choix des conjoints et les parents sont moins présents, notamment au Japon. Même
en Chine où existait autrefois seulement le mariage arrangé, les jeunes ont gagné la liberté de
refuser des conjoints qui ne leur plaisent pas et d’établir eux mêmes des relations libres avec
des conjoints potentiels. Chez les Mangyan Patag aux Philippines, les parents s’éloignent
aussi, leur contrôle est moins fort, et les relations entre jeunes sont plus rapides, ont lieu plus
tôt qu’autrefois et amènent plus fréquemment à des grossesses. Ces relations sociales
nouvelles, plus libres, sont-elles le signe d’une transformation moderne de ces sociétés ? Ces
nouvelles formes de relations sont-elles porteuses d’un individualisme où la valeur va
dorénavant à l’affaiblissement des contrôles sociaux traditionnels et à l’établissement de
relations plus éloignées (Japon), plus ouvertes (Chine), plus précoces et directes
(Philippines) ? Parallèlement, comment les sociétés éduquent-elles à une relation amoureuse
et conjugale plus centrée sur des histoires individuelles singulières ?
Depuis le congrès, les intervenants continuent leur travail de prospection de ces
questions et se réunissent régulièrement pour avancer leur réflexion collective. Les
intervenants de cet atelier ont en outre étendu leur collaboration scientifique aux membres
d’un autre atelier du 4ème congrès intitulé « Quelques expressions et représentations de
l’amour en Asie et dans le Pacifique ». Il a aussi permis une rencontre avec deux doctorants
sinologues qui travaillent sur des thèmes proches. Le congrès a ainsi été l’occasion de réunir
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une équipe solide de travail autour du thème de l’amour et du mariage. Les objectifs sont
dorénavant fixés à l’élaboration d’un ouvrage collectif qui comprendra une introduction sur le
thème de l’amour et du mariage dans la discipline de l’anthropologie sociale, une revue des
pratiques principales en ces domaines dans les sociétés étudiées et des articles consacrés aux
pratiques de cour et de mariages dans les différentes sociétés d’Asie.
« L’amour » ou les relations amoureuses, thème à la mode, est fréquemment traité par
d’autres disciplines que l’anthropologie sociale qui s’est, quant à elle, focalisée sur les
questions de choix du conjoint et du mariage. En ajoutant cette dimension à l’étude des
pratiques de mariage, notre ambition est de présenter d’ici quelques années une étude
anthropologique renouvelée et d’inscrire les apports des sociétés d’Asie dans le débat
scientifique autour de cette question.
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