Les croyances, prolongement de la connaissance

publicité
Exposé 8
Les croyances, prolongement
de la connaissance
14 mai 2012
La connaissance est-elle limitée ?
David Hume a réfuté la notion de causalité, pour lui nous ne percevons que la
succession d’évènements et ce n’est que par instinct et habitudes de notre système nerveux
que nous avons cette croyance sans pouvoir ni l’éliminer ni la démontrer.
En réponse Emmanuel Kant affirme que si la conscience existe, c’est parce qu’une
causalité régit ce processus. Alors le centre de la connaissance est le sujet connaissant et
non une réalité extérieure, c'est donc le sujet qui donne ses règles à l'objet pour le connaître. Il
en résulte que nous ne pouvons pas connaître la réalité en soi mais seulement la réalité telle
qu'elle nous apparaît.
Kant établit ainsi une ligne de partage entre ce qui est accessible à la raison humaine
et ce qui la dépasse, distinguant la connaissance d'une part, et la croyance d'autre part.
2
L’homme est porteur de causalité
A la différence des animaux, l’homme cherche inlassablement une causalité à toute
chose.
Si une balle vient à passer devant lui, le chat se jette sur elle pour jouer. Il joue avec le
monde.
Si une balle vient à passer devant lui, l’homme tourne la tête pour savoir qui l’a
lancée. Il interprète le monde.
L’absolu nous est inconnaissable
La pensée ne peut accéder à un absolu, c’est-à-dire à une réalité parfaite, achevée, se
suffisant à elle-même, à de l’être séparé de la pensée.
3
Rendre le monde prévisible
Partout où notre connaissance est en échec, nous lui substituons une croyance.
En cherchant ainsi à réduire l’incertitude et les menaces du monde qui nous entoure, c’est
notre réconfort qui est visé.
Qu’est ce qu’une croyance ?
Doctrine : ensemble global de conceptions d’ordre théorique enseignées comme vraies.
Idéologie : ensemble d’idées sur la société partagées par un groupe.
Dogme : affirmation considérée comme fondamentale.
Opinion : ensemble de jugements que l’on se fait à propos de quelque chose.
Croyance : C’est le fait de tenir quelque chose pour vrai indépendamment des preuves
éventuelles.
Répondre à des besoins émotionnels
Théodore Adorno (1903-1969) philosophe, sociologue et musicologue allemand,
affirme :
« Une personnalité immature aura davantage tendance à développer un système de
pensée irrationnel; elle sera davantage susceptible d’épouser une idéologie qui fait appel non
pas à son intérêt rationnellement évalué, mais à ses besoins émotionnels - à ses peurs, à ses
désirs les plus primitifs ». (*1)
4
Les croyances religieuses
Animisme
Les âmes ou esprits sont la cause première des faits vitaux et intellectuels.
Une âme, une force vitale, anime les êtres vivants mais aussi les éléments naturels.
C’est un spiritualisme.
Fétichisme
C’est un culte voué à des objets matériels investis d’un pouvoir surnaturel.
Il conduit à la magie qui est l’ensemble des moyens symboliques permettant d’agir sur le réel.
C’est une conception matérialiste de l’univers.
Polythéisme
Dans cette croyance, il y a de nombreux dieux ayant des pouvoirs proportionnés aux
divers phénomènes naturels.
Il y a du libre-arbitre dans l’univers.
Monothéisme
Il y a un Dieu unique créateur de l’univers.
L’univers est donc déterministe.
Théisme
Il y a une conscience responsable, à l’œuvre dans la nature, ayant des objectifs.
Il y a donc une finalité dans l’univers.
Naturalisme
Plutôt qu’un absolu transcendant, il y a un ensemble de causes physiques et naturelles
qui est à l’origine des phénomènes.
C’est un athéisme dans lequel le hasard est à l’œuvre.
Déisme
Dieu est une personne qui se tient en dehors de sa création et n’en est pas responsable.
Il y a donc un absolu hors du monde, c’est une Transcendance. (Voltaire)
Panthéisme
Dieu est dans tout ce qui existe, sans forme ni personnalité.
La causalité est dans le monde lui-même. C’est une Immanence. (Spinoza)
Inventaire du possible
Avant d’être un sujet de réflexion et de spéculation métaphysique, les croyances ont
d’abord été le récipiendaire des pratiques dévotionnelles, le compagnon de l’âme en quête
de consolation.
5
En quelle frontière, entre soi et autrui, croyons nous ?
Extériorité et intériorité
Philippe Descola (né en 1949) est anthropologue, professeur au Collège de France.
Pour lui, il faut dépasser le dualisme qui oppose nature et culture, la nature est ellemême une production sociale.
Il propose une double dichotomie, basée sur 2 critères Physicalité/Psychisme et
Identité/Différenciation, distinguant ainsi quatre « modes d’identification » parmi les sociétés
humaines, qui sont le totémisme, l’animisme, l'analogisme et le naturalisme : Les modes
d’identification sont donc des manières de définir des frontières entre soi et autrui.
« La distinction corps esprit n’est pas spécifique à l’Occident. L’intériorité est ce qui
donne animation et conscience à la personne. La physicalité, c’est la dimension matérielle,
organique, des existants humains et non humains... » (*2)
6
Quatre visions du monde
Le fait de considérer que les humains et les non humains sont ressemblants ou non,
intérieurement et extérieurement, conduit à quatre types de conception du monde. (*1)
Un monde animé : l’animisme
L’animisme prête aux non humains l’intériorité des humains, mais les en différencie
par le corps.
Chaque manifestation de vie est gouvernée par l’âme.
Le modèle animiste rend visible l’intériorité des différentes sortes d’existant et montre
que celle-ci se loge dans des corps aux apparences dissemblables.
Un monde subdivisé : le totémisme
L’identité intérieure des êtres est consacrée et symbolisée par une identité physique.
Il y a continuité physique et morale entre humains et non humains. Il y a un ancêtre
mythique, un esprit bienveillant qui protège les hommes, car il y a apparentement entre une
espèce naturelle et un groupe humain, d’où une organisation clanique ou tribale.
Les images totémiques révèlent donc l’identité profonde des humains et des non
humains de la classe totémique.
7
Un monde objectif : le naturalisme
L’intériorité humaine possède un caractère spécifique, mais les humains ne se
distinguent pas extérieurement des autres objets du monde.
Rien n’existe en dehors de la nature, il faut la connaître, la suivre et lui obéir (sociétés
occidentales).
Un monde enchevêtré : l’analogisme
Il y a une différence de physicalité et d’intériorité entre humains et non humains.
Un tel monde dans lequel chaque entité forme un spécimen unique est un ensemble infini de
singularités, un monde impossible à habiter et à penser. Il faut donc y trouver des
correspondances stables entre ses composantes humaines et non humaines, par analogie.
C’est dans ce type de société que se pratiquent les sacrifices.
Croyances politiques
L’individu et la société
Thomas Hobbes (1588-1679), sa vision de l’homme : chacun est en concurrence avec les
autres pour acquérir des biens et des pouvoirs.
Fondement politique : Le droit de l’individu de persévérer dans son être. Le pouvoir est le
moyen de repousser les ardeurs des concurrents.
Jean Jacques Rousseau (1712-1778), sa vision de l’homme : c’est un être naturellement
bon, animé de deux passions, amour de soi et pitié.
8
Fondement politique : L’égalité et le bonheur public. L’état de guerre de chacun contre
chacun est l’effet d’une société mal organisée. Nos passions résultent de la manière dont sont
ordonnées nos relations sociales. (*3)
Gauche et droite
Le principe d’une supériorité du principe de liberté ou de celui d’égalité en politique
est une croyance très répandue bien que jamais confirmée sur le long terme. (*4)
Du pensable au possible
Toutes les croyances se situent au-delà du pensable qui constitue la connaissance,
sans toutefois aller au-delà de l’être.
Références :
(*1) Théodore Adorno – Etudes sur la personnalité autoritaire – Allia - 2007
(*2) Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.
(*3) Michel Eltchaninoff – La face cachée de la lutte – Philosophie magazine – Avril 2012
(*4) A.G. Slama - Journaliste et Historien - Chronique des Matins de France Culture, 2009.
9
Résumé du cycle 2011-2012 de philosophie
La philosophie
La philosophie est ce qui permet :
- de comprendre le monde dans lequel nous vivons, car c’est une réflexion sur les savoirs
disponibles, (*1)
- d’aider à vivre mieux, plus humainement, plus lucidement, plus sereinement,
- et d’être plus libre, c’est-à-dire uniquement soumis à sa propre nécessité. (*2)
L’histoire
L’histoire de la philosophie ne montre pas un progrès, mais une exploration
progressive du monde par la pensée.
Au crépuscule du monde grec, tous les grands systèmes de pensée sont constitués
pour des siècles. (pythagorisme, platonisme, aristotélisme, épicurisme, stoïcisme et leurs
contestataires cynisme et scepticisme). (*3)
La connaissance
Nous ne pouvons rien connaître au-delà de notre relation au monde.
On ne peut penser au-dessus de l’humaine condition.
(Idéalisme sceptique de Kant)
La philosophie spéculative
Il existe une alternative à la pensée de la nécessité d’un Etre suprême.
C’est celle de la nécessité de la seule contingence de toute chose, car alors il y a du devenir,
le chaos ne peut produire l’impensable, le pensable est possible, il y a forcément quelque
chose plutôt que rien, l’immensité chaotique assure la stabilité de ce monde contingent. (*4)
Le chaos
Notre univers est une combinaison d’ordre et de chaos (système en déséquilibre).
Le chaos ne peut produire que de nouveaux équilibres qui sont imprévisibles pour nous.
La vie n’est donc pas livrée à notre volonté.
10
La démocratie
C’est à cause de l’injustice ou de l’aliénation que la démocratie apparaît.
Elle se nourrit de liberté et d’égalité, mais trop de liberté produit de l’inégalité et l’excès
d’égalité entraîne l’asservissement, ce qui fait disparaître la démocratie.
La pensée
L’apparition des sentiments qui expriment au niveau mental les émotions, contribue
au processus de la conscience.
C’est la relation entre les situations sociales vécues et la joie ou la tristesse, qui
permet de leur associer une valeur bonne ou mauvaise et nous préserve.
La tentative pour vivre en accord pacifique avec les autres découle de cette
association.
Les croyances
Les croyances furent d’abord le réceptacle de pratiques dévotionnelles, le
compagnon de l’âme en quête de consolation.
La où notre connaissance ne peut aller, nous élaborons des croyances afin de réduire
l’incertitude et les menaces du monde qui nous entoure, c’est un réconfort.
Références :
(*1) Luc Ferry - Vaincre les peurs - Odile Jacob – 2006
(*2) André Comte-Sponville - Présentations de la philosophie - Albin Michel - 2000
(*3) Lucien Jerphagnon - Histoire de la pensée - Tallandier - 2009
(*4) Quentin Meillassoux - Après la finitude - Seuil 2006
Rédigé par Serge Naud
Téléchargement