PARTIE 1 * ÉCONOMIE ET DEMOGRAPHIE

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PARTIE 1 – ÉCONOMIE ET DEMOGRAP HIE
CHAPITRE 2 VARIABLES ECONOMIQUES ET SOCIA LES ET FINANCEMENT D E LA PROTECTION
SOCIALE
2.1. LE SYSTEME DES RETRAITES
A. DEUX MODELES DE SYSTEME DES RETRAITES
On peut identifier deux modèles de retraite hérités de l'histoire.
• Le modèle bismarckien, inspiré par le chancelier Bismarck, qui instaura le
premier des assurances sociales obligatoires pour les ouvriers allemands (système d'assurance vieillesse voté en 1899). Le dispositif d'assurance sociale est
organisé pour les travailleurs entre lesquels joue le principe de solidarité. Ces
derniers cotisent obligatoirement pour leur retraite. Les cotisations sont proportionnelles au revenu, tout comme le montant de leur future retraite. Le système fonctionne par répartition, sur la base d'une solidarité entre les générations. Il est géré par les partenaires sociaux, via un réseau de caisses de retraite.
• Le modèle beveridgien, hérité de la conception de Lord Beveridge, partisan d'une protection sociale généralisée, basée sur la solidarité, indépendamment de toute activité professionnelle (rapport publié en 1942). La protection
sociale est gérée par l'État. Elle est financée par l'impôt et repose sur le principe de solidarité nationale. Les retraites assurent aux retraités un revenu minimum. Les pensions versées ne dépendent pas de l'activité professionnelle
antérieure.
B. HISTORIQUE
En France, les premiers systèmes de retraite ont été instaurés pour des catégories professionnelles particulières, liées à l'État : 1673 : les marins, 1831 : les
militaires, 1853 : les fonctionnaires civils, 1894 : les mineurs, 1909 : les cheminots. Entre 1928 et 1930, un ensemble de lois instituent les assurances sociales
pour les salariés de l’industrie et du commerce, sur le modèle du régime de retraite mis en place en Allemagne, par Bismarck, dès 1889. Le principe est celui
Jacques Ghiloni
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d'une capitalisation viagère : chaque assuré possède un compte individuel sur
lequel sont portées cotisations et les rentes qu'elles produisent. Lorsqu'il atteint l'âge de la retraite (à partir de 60 ans), après 30 ans d'assurances, il peut
choisir entre deux options : le capital aliéné qui permet d'obtenir une rente
servie jusqu'à sa mort ; le capital réservé qui donne droit à une rente plus
faible, mais réversible aux héritiers. Mais l'érosion monétaire ne permet pas de
préserver le pouvoir d'achat des retraités : ces difficultés financières conduisent assez vite à l'abandon du système de la capitalisation au profit de celui de
la répartition, qui va permettre de verser rapidement des retraites aux personnes âgées.
La retraite par capitalisation est un mode de financement des retraites qui repose sur une accumulation individuelle d'épargne préalable à la retraite (dans
un cadre individuel ou collectif). Les cotisations de l'assuré alimentent un
compte d'épargne retraite ou des fonds de pension investis en actifs financiers
ou immobiliers. Les sommes thésaurisées sont reversées au retraité sous forme
de rente lorsqu'il prend sa retraite. Le rendement de ce système de retraite est
égal au taux de rendement des marchés financiers à la stabilité desquels il est
particulièrement sensible.
La retraite par répartition est un mode de financement des retraites fondé sur
la solidarité entre générations et la mutualisation (souvent au niveau professionnel). Les cotisations des actifs servent immédiatement à financer les pensions des retraités. L'équilibre financier d’un système de retraite par répartition
est fonction du rapport entre le nombre de cotisants et celui des retraités, du
rapport entre la pension moyenne servie et les salaires et du taux de cotisation
sur salaire.
Sous la double influence du système bismarckien et du rapport Beveridge, les
Pouvoirs publics français créent la Sécurité sociale, avec trois objectifs :
 Mise en place d'un système unique : l'ordonnance du 4 octobre 1945
prévoit un réseau coordonné de caisses se substituant aux multiples
organismes existants.
 Extension des risques couverts : l'ordonnance du 19 octobre concerne les
risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès (la loi du 22
août 1946 étend les allocations familiales à la quasi-totalité de la popuJacques Ghiloni
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lation et celle du 30 octobre 1946 intègre la réparation des accidents
du travail à la Sécurité sociale).
 Généralisation à l'ensemble de la population : la loi du 22 mai 1946 pose
le principe de la généralisation de la Sécurité sociale à l'ensemble des
citoyens. Dès 1947 (loi du 13 septembre 1946), toute la population active doit bénéficier de l'assurance vieillesse dans le cadre du régime général.
Pour des raisons historiques et sociales, le modèle français est fondé sur l'activité professionnelle, avec la coexistence du régime général et de régimes
spéciaux. La création de la Sécurité sociale représente une étape décisive
dans la mise en place de notre système de retraite : désormais, tous les salariés du privé cotisent à l'assurance vieillesse dans la limite d'un plafond, quel
que soit le montant de leur salaire. De plus, le principe de répartition remplace le système de capitalisation : les cotisations versées aujourd'hui financent immédiatement les retraites présentes. Dans les années soixante,
soixante-dix, l'enjeu devient de garantir une retraite à tous et de réduire
l'écart de niveau de vie entre les actifs et les retraités. Pour ceux qui n'ont
pas acquis de droits propres à la retraite, ou dont les cotisations ne permettent pas d'atteindre un montant minimum, l'État crée, en 1956, le Fonds national de solidarité et instaure le Minimum vieillesse. Il garantit à toute personne de plus de 65 ans, quels que soient ses revenus et ses cotisations, une
retraite minimum versée au titre de la solidarité et financée par l'impôt. En
parallèle, la création de caisses complémentaires permet aux assurés d'améliorer les retraites modestes attribuées par les régimes de base. Les retraites,
calculées sur la base d'un salaire de référence limité à un montant maximum
(plafond de la Sécurité sociale équivalent à environ une fois et demie le salaire moyen), ne représentent que 28 % du salaire moyen, en 1950, pour les
pays de l'OCDE. En France, les cadres du privé sont les premiers à créer leur
propre régime complémentaire, l'Agirc, pour cotiser au-dessus du plafond
(1947). Ils ouvrent la voie aux salariés du privé (Arrco, 1961) et aux agents non
titulaires du public (Ircantec, 1971). Progressivement, les conditions des retraités s'harmonisent. Pour les industriels, commerçants et artisans, la loi du 3
juillet 1972 introduit l'alignement des cotisations et des prestations sur celles
du régime général. La loi du 29 décembre 1972 rend obligatoire l'apparteJacques Ghiloni
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nance des salariés à un régime complémentaire. En 1974, la loi de finances
organise une compensation financière entre tous les régimes de base.
C. LES PRINCIPES DU SYSTEME FRANÇAIS DES RETRAITES
Le système français de retraite est financé très largement par des cotisations
sociales versées par l'assuré et, le cas échéant, par son employeur. Le financement des régimes de retraite française — régimes de base comme régimes
complémentaires — repose avant tout sur des cotisations assises sur les revenus du travail (salaires, traitements, revenus professionnels). Le financement
des retraites s'inscrit donc essentiellement dans un cadre professionnel. Les
régimes de retraite bénéficient toutefois d'un certain nombre de ressources
d'ordre fiscal : affectation d'une fraction de la CSG, prélèvements sur les produits du patrimoine et des placements (par exemple, le prélèvement de 2 %
destiné à financer le Fonds de réserve des retraites)...
Le système des retraites français comporte une forte dimension familiale.
C'est le cas avec le mécanisme de la réversion, c'est-à-dire la poursuite du versement d'une partie de la retraite d'un titulaire décédé à son conjoint survivant. Ceux qui ne peuvent pas cotiser, par exemple à cause du chômage, de la
maladie, d'un congé maternité, acquièrent généralement des droits à la retraite pour ces périodes d'inactivité.
La solidarité ne s'exerce pas seulement entre les assurés appartenant à des
générations différentes. Elle joue aussi entre les différents régimes de retraite,
qu'il s'agisse des retraites de base ou des retraites complémentaires. Cette solidarité se traduit par le mécanisme de la compensation démographique. Celuici consiste en un transfert d'une partie du produit des cotisations perçues par
les régimes présentant le meilleur rapport cotisants/retraités (un nombre important de cotisants pour un nombre limité de retraités) au bénéfice des régimes présentant le moins bon rapport cotisants/retraités (un faible nombre de
cotisants pour un nombre important de retraités). Cela fut le cas, par exemple,
du régime des mines qui, avec l'extinction de l'activité charbonnière française,
a fini par compter davantage de retraités que de cotisants.
Les cotisants des régimes de base et des régimes complémentaires — c'est-àdire les assurés et, le cas échéant, leurs employeurs — sont en effet représenJacques Ghiloni
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tés dans les conseils d'administration des caisses de retraite.
On peut définir trois étages au système français des retraites :
 les régimes de base obligatoires. Ils fonctionnent par répartition, ils ont
un décompte des droits généralement en trimestres, des cotisations et
des retraites assises non pas sur la totalité du salaire ou du revenu professionnel, mais sur une base réglementaire (par exemple, le plafond
de la sécurité sociale pour les salariés, ou le traitement hors primes
pour les fonctionnaires), une retraite représentant elle-même un pourcentage du salaire ou revenu.
 Les régimes de retraite complémentaires obligatoires. Aujourd'hui, ces
régimes complémentaires obligatoires couvrent exactement les mêmes
assurés que les régimes de base. Comme les régimes de base, ils reposent sur le mécanisme de la répartition, assorti d'un système de points,
dont le nombre est fonction de la durée et du montant des cotisations.
 L’épargne retraite collective et individuelle. Ces formes d'épargne retraite connaissent un développement récent. Celui-ci tient à plusieurs
phénomènes : la recherche par les entreprises de moyens de motiver
et/ou de retenir leurs salariés sans recourir à des augmentations du salaire direct ; les inquiétudes, réelles ou suggérées, sur le devenir des
systèmes de retraite par répartition ; des mesures fiscales et sociales
encourageant leur développement. On trouve différentes formes : le
plan d'épargne retraite entreprise (Père, qui est un contrat de groupe à
adhésion obligatoire), le plan d'épargne pour la retraite collective (Perco, épargne collective dans le cadre de l'entreprise, obligatoire, mais à
versements libres), le plan d'épargne retraite populaire (Perp, cotisations déductibles du revenu imposable, jusqu'à hauteur de 10 %),
D. SYSTEMES DE RETRAITE ET REDISTRIBUTION
Les systèmes de retraite par répartition assurent, par définition, une redistribution intergénérationnelle des ressources. En effet, les cotisations prélevées
sur les actifs à une période donnée sont redistribuées aux retraités vivant à
cette même période. Ce système repose sur un contrat implicite entre les générations, selon lequel chaque individu cotise en anticipant que la génération
Jacques Ghiloni
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suivante acceptera de financer les retraites de demain.
La redistribution verticale instantanée peut être mesurée à l’aide du taux de
remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le montant de la pension de retraite reçue et le salaire de référence de la période. Dans le cas des systèmes
de retraite purement beveridgiens, tous les individus reçoivent une même pension quel qu’ait pu être leur salaire. Les pensions de retraite sont alors forfaitaires, et le taux de remplacement est d’autant plus petit que le salaire de référence est élevé. Inversement, pour les systèmes bismarckiens, le montant de la
pension est proportionnel au salaire d’activité, et le taux de remplacement est
le même pour tous. La plupart des systèmes de retraite sont mixtes en ce sens
qu’ils combinent des éléments forfaitaires et des éléments proportionnels au
salaire. La redistribution verticale instantanée peut alors être mesurée par le
taux de remplacement. Si le taux de remplacement est fortement décroissant
avec le niveau de salaire alors le système est progressif. En revanche, si le taux
de remplacement est presque le même pour tous les individus alors la redistribution verticale instantanée est faible. Cette vision de la redistribution verticale
se doit d’être complétée par une analyse sur longue période. En effet, un système n’est réellement progressif que si le bilan actualisé des prestations et des
cotisations est en faveur des individus les plus pauvres. La redistribution instantanée n’est donc qu’un élément de la redistribution de long terme, à laquelle
viennent s’ajouter d’autres facteurs tels que la durée de la période
d’éducation, l’âge de départ à la retraite, la durée de vie… Cette dernière variable, par exemple, accroît la période pendant laquelle les individus bénéficient d’une pension. Elle améliore donc le bilan actualisé provenant du système
de retraite. Les études menées sur les pays industrialisés concluent toutes à un
impact significativement positif de la catégorie sociale, ou du niveau de salaire,
sur la durée de vie. Ainsi, l’analyse de la redistribution verticale instantanée
peut donner une vision biaisée de la redistribution verticale de long terme,
puisque d’autres variables, telles que les inégalités face à la mort, peuvent largement atténuer la progressivité mise en évidence grâce à l’étude du taux de
remplacement.
E. LES DIFFICULTES ACTUELLES DES SYSTEMES DE RETRAITE
Les systèmes de protection sociale doivent s'adapter à de nouvelles conJacques Ghiloni
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traintes, en particulier le vieillissement de la population et la montée du chômage. D’une part, avec l’arrivée à 60 ans des premières générations du babyboom, les déficits des régimes de retraite ont commencé à se matérialiser (la
CNAV est en déficit depuis 2005). D’autre part, les fortes turbulences économiques en 2008-2009 et à nouveau fin 2011 ont conduit à une dégradation
beaucoup plus rapide que prévu des comptes des régimes de retraite (du fait
de la chute des recettes liée à la crise) et à un accroissement de l’incertitude
sur les perspectives économiques.
Rappel sur le vieillissement de la population (voir chapitre 1). Jusqu’en 2035,
le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera fortement : les générations
nombreuses, nées
après la Seconde Guerre
mondiale
et
avant
1975,
issues du babyboom, auront
alors
toutes
atteint 60 ans.
Entre 2035 et
2060, la part
des 60 ans ou
plus
devrait
continuer
de
progresser,
mais plus modérément. Alors que 21 % de la population résidant en France métropolitaine
avait 60 ans ou plus en 2007, cette proportion serait de 31 % en 2035 et de
32 % en 2060. L’âge moyen de la population passerait de 39 ans en 20 07 à 43
ans en 2035, puis 45 ans en 2060.
Le rapport entre le nombre de personnes d’« âge inactif » (moins de 20 ans
ou 60 ans et plus) et d’« âge actif » (entre 20 et 59 ans), appelé aussi ratio de
dépendance économique, augmentera selon toutes les variantes. En 2007, il y
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avait 86 personnes d’« âge inactif » pour 100 d’« âge actif » ; il y en aurait
114 pour 100 en 2035 selon le scénario central de l’Insee, puis 118 en 2060.
Pour maintenir le ratio de dépendance économique à son niveau observé en
2007, il faudrait alors en modifier les bornes et faire passer l’âge pivot de la définition à 68 ans en 2060 au lieu des 60 ans conventionnellement retenus actuellement.
Ce sont les hypothèses sur la mortalité qui ont le plus d’impact à long terme
sur la part des plus de 60 ans dans la population et sur le ratio de dépendance
économique. Plus les gains d’espérance de vie sont importants, plus la part des
60 ans et plus dans la population et le ratio de dépendance économique augmentent. Mais quelles que soient ces hypothèses sur la mortalité et la fécondité, l’augmentation de la part des personnes âgées de plus de 60 ans est inéluctable : elle est inscrite dans l’actuelle pyramide des âges, les personnes qui atteindront 60 ans à l’horizon 2060 étant déjà toutes nées (en 1999 ou avant).
Ces générations sont très nombreuses et la plupart de ces personnes vivront
au-delà de 60 ans.
Concernant les effets de la crise sur l’emploi, au-delà de la hausse du chômage conjoncturel associée à la chute de la production, la question est de saJacques Ghiloni
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voir si la crise peut avoir un effet sur le taux de chômage dit structurel à moyen
et long terme. Plusieurs facteurs sont notamment susceptibles de contribuer à
un niveau de chômage structurel durablement élevé du fait de la crise : les réallocations d’emplois des secteurs en déclin vers les secteurs en croissance, qui
peuvent se traduire par le maintien prolongé d’un taux de chômage plus élevé,
et le risque de déqualification des chômeurs de longue durée
Les effets de la crise sur l’investissement, et donc sur la croissance du stock de
capital, sont mécaniques et immédiats : les années 2008 et 2009 ont été des
années « blanches » au sens où l’investissement des entreprises n’a augmenté
que de 2,4 % en 2008 et a chuté de 7,7 % en 2009. Ce déficit d’investissement a
un effet durable, mais non permanent, sur le potentiel de croissance de
l’économie.
La Direction générale du Trésor a élaboré plusieurs scénarios pour l’avenir.
Dans tous les cas la croissance de la population active est identique.
Le nombre d’heures travaillées par salarié est supposé stable dans tous les
scénarios. Sous cette hypothèse, il est équivalent de considérer les gains de
productivité horaire ou par tête. L’évolution de la population active étant
commune à tous les scénarios, les scénarios proposés se distinguent donc par
leurs hypothèses de
long
terme,
en
termes de productivité du travail et de
taux de chômage.
Dans le scénario A’,
le taux de croissance
annuel de la productivité du travail est de 1,8 % à long terme, ce qui correspond à l’évolution
moyenne observée entre le début des années 90 et l’immédiate avant-crise.
Jacques Ghiloni
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L’hypothèse de taux de chômage à long terme est de 4,5 %, soit un niveau significativement inférieur à celui qui a été observé en France depuis 30 ans.
Dans ce scénario, les effets négatifs de la crise sur le niveau et la croissance du
PIB seraient rapidement rattrapés.
Dans le scénario B’, le taux de croissance annuelle de la productivité du travail
est de 1,5 % à long terme, soit un retour à l’évolution moyenne observée depuis le début des années 2000 jusqu’au déclenchement de la crise. L’hypothèse
de taux de chômage à long terme est identique à celle du scénario A’.
Compte tenu d’une conjoncture plus dégradée qu’en 2010, en raison de la
crise en zone euro, C’ est un scénario plus défavorable. Dans ce scénario, la
crise modifie durablement le taux de croissance de la productivité globale des
facteurs — et donc de la productivité du travail à long terme.
Selon les scénarios, le besoin de financement du système des retraites serait
différent : plus le scénario est pessimiste, et plus le besoin de financement est
important.
. Le besoin de financement du système de retraite était estimé en 2008 à 11
milliards d’euros, soit 0,6 % du PIB. Selon les scénarios (de 2010), il représenterait 72 milliards d’euros en 2050 (1,7 point de PIB) ; ou s’élèverait à 103 milliards d’euros pour la seule année 2050 (2,6 points de PIB) ; ou dans le scénario
le plus pessimiste le besoin de financement annuel du système de retraite serait alors de l’ordre de 115 milliards d’euros en 2050 (3,0 points de PIB). Mais le
scénario C’ est encore plus défavorable que le scénario le plus pessimiste de
2010.
Selon le scénario central de 2010, afin de restaurer l’équilibre financier du
système de retraite à cet horizon, il faudrait diminuer le rapport entre pension
moyenne nette et revenu moyen net des actifs de 8,7 %, ou augmenter le taux
de prélèvement de 5,6 points, ou encore relever l’âge effectif de liquidation de
la retraite d’un an et demi.
F. LES SOLUTIONS
Selon le Livre Blanc de la Commission européenne publié en février 2012,
Jacques Ghiloni
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l’objectif premier des systèmes de retraite est de fournir aux retraités des revenus adéquats et de permettre aux personnes âgées d’avoir un niveau de vie
décent et d’être financièrement indépendantes. Le revenu des plus de 65 ans
se situe à près de 94 % du revenu moyen de l’ensemble de la population en Europe ; cependant, environ 22 % des femmes de plus de 75 ans tombent sous le
seuil de risque de pauvreté. Mais, si les réformes récentes des retraites publiques ont eu tendance à améliorer ou maintenir cette protection contre la
pauvreté, la plupart d’entre elles résulteront en des taux de remplacement inférieurs dans l’avenir.
En matière de retraite, le taux de remplacement désigne le pourcentage de
son revenu d'activité que conserve un salarié lorsqu'il fait valoir ses droits à
pension. Ce taux est fonction du nombre de trimestres cotisés et de l'application éventuelle d'un coefficient de minoration appelé décote (ou, le cas
échéant, d'un coefficient de majoration appelé surcote).
En France, il est de 54 % en moyenne. Il est de l'ordre de 70 % pour le SMIC
par exemple à condition d'avoir cotisé au maximum. Quand la moyenne s'établit à 32 000 euros bruts par an, c'est-à-dire le salaire moyen en France, le taux
de remplacement n'est plus que de 60 %. Et dès qu'il dépasse les 60 000 euros
par an, le retraité devra se contenter de moins de 50 %.
En Allemagne, il passera en 2030 à 64 % contre 70 % en 2010. En Grèce et en
Islande, il est supérieur à 90 %, en Italie, il s'élève à 80 % du salaire et a été réduit pour certaines catégories qui avaient un taux de 100 %, aux Pays-Bas et en
Espagne il est de 82 %, au Danemark, il est de 75 %, dans la moyenne des pays
de l'OCDE il est de 58 %, en Angleterre et aux États-Unis, il est inférieur à 30 %
en raison de l'existence d'importants systèmes de retraite par capitalisation.
La diminution attendue des taux de remplacement repose toutefois sur
l’hypothèse d’un âge de la retraite inchangé. Travailler jusqu’à un âge plus
avancé pourrait contribuer au maintien, voire à l’accroissement des taux de
remplacement à l’avenir.
On a vu que le défi du vieillissement est souvent illustré par le doublement du
rapport de dépendance des personnes âgées (c’est-à-dire du rapport entre les
plus de 65 ans et les 15 à 64 ans). Cependant, le véritable nœud du problème
Jacques Ghiloni
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réside dans le rapport de dépendance économique, qui correspond au rapport
en pour cent entre le nombre de chômeurs et de retraités et le nombre de travailleurs. Donc une des solutions est d’augmenter le taux d’emploi des 20-64
ans.
Les recommandations de la Commission en matière de retraites adressées à
chaque État en juillet 2011 mettent fortement l’accent sur la nécessité de
maintenir les travailleurs âgés au travail plus longtemps, notamment en relevant l’âge ouvrant droit aux prestations et en l’adaptant pour tenir compte de
l’augmentation de l’espérance de vie. Tout d’abord, la hausse des âges effectifs
de départ à la retraite compenserait dans une certaine mesure l’accroissement
passé de la longévité dont il n’a pas été tenu compte dans les calculs. Ensuite,
adapter l’âge ouvrant droit aux prestations à l’espérance de vie pourrait contribuer à stabiliser l’équilibre entre la durée de la vie professionnelle et la durée
de la retraite.
Toutefois pour que les réformes visant à accroître les âges d’admissibilité à la
retraite soient efficaces, il faut cependant que les femmes et les hommes âgés
disposent de meilleures possibilités de rester sur le marché du travail. Il s’agit
notamment d’adapter les lieux de travail et l’organisation du travail,
d’encourager l’apprentissage tout au long de la vie, de mener des politiques
efficaces sur le plan des coûts pour permettre la conciliation de la vie professionnelle, privée et familiale, de prendre des mesures pour soutenir le vieillissement en bonne santé et de lutter contre les inégalités entre les femmes et
les hommes et la discrimination fondée sur l’âge. En outre, pour que de telles
réformes soient acceptées au niveau politique, il faudra qu’elles soient perçues
comme justes. Il sera donc nécessaire de tenir compte du fait que la capacité
de travailler – et de trouver un emploi – diffère largement d’un individu à
l’autre et que l’espérance de vie et l’état de santé à 60 ou 65 ans tendent à être
moins bons chez les travailleurs manuels ayant commencé à travailler très
jeunes.
L’épargne-retraite complémentaire peut aussi contribuer à garantir des taux
de remplacement adéquats dans le futur. Certains pays ont pris des mesures
pour compléter leurs régimes par répartition publics par des régimes par capitalisation privés, mais il faut que les régimes privés par capitalisation devienJacques Ghiloni
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nent plus sûrs, plus rentables. La crise a mis en évidence la vulnérabilité des
régimes de retraite par capitalisation aux crises financières et aux ralentissements de l’activité économique.
G. LES REFORMES DU SYSTEME DES RETRAITES EN FRANCE
— La réforme de 1993. Lorsqu'il arrive à Matignon en 1993, le nouveau Premier ministre, Édouard Balladur, constate un déficit de 40 milliards de francs de
la CNAV, d’où une réforme mise en place rapidement. Les points principaux
sont : la durée de cotisation nécessaire pour avoir droit à une pension à taux
plein passe progressivement de 150 trimestres (37 ans et demi) à 160 trimestres (40 ans), à raison d'un trimestre de plus par an du 1er janvier 1994 à
1er janvier 2004 ; création d'une décote pour chaque trimestre de cotisation
manquant (2,5 % par trimestre, soit 10 % par an) ; augmentation de la durée de
carrière de référence : la pension était précédemment calculée sur les 10 meilleures années, durée qui sera progressivement portée à 25 années ; changement du mode d'indexation des pensions de retraite, elles seront désormais
alignées sur l'inflation alors qu'elles étaient précédemment indexées sur l'évolution des salaires ; création d’un fonds de solidarité vieillesse (FSV) chargé de
financer quelques dispositifs (minimum vieillesse, avantages familiaux…).
— 2003 : réforme Fillon. Elle généralise aux fonctionnaires la décote pour années manquantes. Elle instaure une transition progressive de la durée de cotisation de tous les régimes, sauf les régimes spéciaux, vers 42 ans. Est ainsi décidée dans un premier temps d'aligner la durée de cotisation des fonctionnaires : elle est ainsi allongée de 37 ans et 1/2 à 40 ans à l'horizon 2008, à raison d'un semestre par an. Par contre, cette réforme réduit la durée de cotisation des personnes qui ont commencé à travailler très jeunes : ils peuvent partir en retraite anticipée avec 42 ans de cotisations. Les plus de 17 ans sont toutefois exclus du dispositif et doivent donc continuer à partir à 60 ans. La décote
pour années manquantes doit tendre pour tous les salariés à 5 % par année
manquante à l'horizon 2015 dans la limite de cinq années (soit 25 % de décote
maximale). Une surcote pour années supplémentaires est instaurée (de 3 %)
par année supplémentaire au-delà de la durée de cotisation nécessaire pour
obtenir une retraite à taux plein. Le cumul emploi-retraite est rendu plus
flexible. De nouveaux produits d'épargne individuels (le PERP) et collectifs (le
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PERCO) sont créés (système de capitalisation).
— 2007 : réforme des régimes spéciaux. Elle avait pour objectif d’aligner la
durée de cotisation des agents de la SNCF, de la RATP et des IEG (Industries
électriques et gazières) sur celle du privé et de la fonction publique. La réforme
prévoit l'augmentation progressive de la durée de cotisation, de 37,5 ans en
2007 à 40 ans en 2012, pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
— La réforme de 2010 (Woerth) repose sur deux éléments clés :
 le relèvement progressif en six ans, à raison de quatre mois par an, de
l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.
 Le relèvement de 65 à 67 ans de l'âge à partir duquel ne s'applique plus
le mécanisme de décote (dans le cas où le salarié n'a pas cotisé, le
nombre de trimestres requis pour obtenir une retraite à taux plein). Un
salarié du privé de 65 ans à qui il manque quatre années, car il n'a cotisé que 37 ans et demi, devra travailler deux ans de plus, jusqu'à 67 ans,
ou subir une décote de 10 %.
Mais on trouve aussi d’autres mesures : l'allongement (déjà programmé par la
Loi Fillon), de la durée de cotisation de 41 ans à 41 ans et demi (166 trimestres) à l'horizon 2020 ; la surcote est une majoration de la pension de retraite de base dont bénéficient les assurés qui continuent de travailler au-delà
de l’âge légal de la retraite et au-delà de la durée d’assurance nécessaire pour
une retraite à taux plein. La surcote reste fixée à 5 % de pension supplémentaire par année supplémentaire travaillée (1,25 % par trimestre).
L'Assemblée nationale a adopté en novembre 2011 l'accélération du relèvement à 62 ans de l'âge du départ à la retraite, qui interviendra en 2017 au lieu
de 2018 comme le prévoyait la réforme de 2010. De même, le recul à 67 ans de
l'âge pour toucher une retraite sans décote (1.25 % par trimestre) interviendra
un an plus tôt que prévu, en 2022 (lorsque la génération 1955 atteindra cet
âge) au lieu de 2023. Toutefois la réforme des retraites a été aménagée par décret début juillet 2012, il ouvre droit à la retraite anticipée à soixante ans pour
les assurés justifiant de la durée d'assurance cotisée requise pour leur génération (41 ans aujourd’hui) et ayant commencé à travailler avant vingt ans, ainsi,
le dispositif " carrières longues ", qui permettait aux salariés ayant commencé
Jacques Ghiloni
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avant 18 ans de partir à la retraite à 60 ans ou avant (en fonction du début de
leur activité), est ainsi étendu à ceux ayant commencé avant 20 ans. Environ
110 000 personnes seraient concernées.
Un nouveau rapport du COR doit intervenir au cours du 1er trimestre 2013.
H. LA RETRAITE PAR CAPITALISATION
Elle est présentée quelquefois comme une solution aux difficultés de financement des systèmes par répartition. La retraite par capitalisation est provisionnée. Les sommes mises en réserve hier financent les pensions d'aujourd'hui, et celles d'aujourd'hui financeront les pensions de demain. Cependant,
ce schéma de principe est modifié par le fait qu'en régime permanent, pendant
qu'une somme rentre (théoriquement pour constituer un capital pour celui qui
le verse), une autre ressort (pour payer la pension d'un précédent cotisant). La
retraite par capitalisation a pour objectif d'assurer à chaque génération des revenus. Ces derniers peuvent être proportionnels aux montants épargnés et à la
rentabilité des placements faits, dans le cadre d'une capitalisation à cotisations
définies, avec un aléa sur le revenu constitué. Ils peuvent être certains dans le
cadre d'une capitalisation à prestations définies, faisant supporter le risque de
marché sur un tiers tel qu'un assureur.
Une partie des revenus du futur retraité est épargnée dans le but de constituer un capital pour le moment où il décidera de ne plus être actif. La forme de
cette épargne peut prendre différentes formes : patrimoine géré par l'individu :
dépôts bancaires (compte titres...), bien immobilier (logement), épargne confiée à des gestionnaires (assurance vie, fonds de placement, fonds de pension...). La gestion de ce patrimoine peut viser soit une rentabilité de long
terme, soit à court terme, avec plus de risques, les placements les plus rentables, en actions et en obligations, sont alors privilégiés. À mesure que l'âge de
retraite approche, les risques de moyen terme et de court terme sont souvent
réduits, et l'épargne est déplacée vers des placements plus sûrs, mais moins
rentables (cf. chapitre 1 sur l’épargne).
Lorsque le travailleur prend sa retraite, deux possibilités principales sont offertes : le retraité reçoit les revenus de son capital, et rachète (désépargne)
progressivement son capital pour faire face à ses besoins, le capital (ou une
Jacques Ghiloni
15
partie de ce capital) est transformé en rente viagère : un revenu fixe, indexé ou
non sur l'inflation, est versé au retraité jusqu'à son décès.
Critiques.
Selon les tenants de la retraite par répartition, la capitalisation est sensible
aux crises financières : schématiquement, si la bourse baisse, ou si l'économie
s'effondre (crise, guerre, modification du régime) le capital qui devait payer la
retraite disparaît, et la pension avec lui. Cependant, la sensibilité est différente
selon que le système fonctionne à « cotisations définies » ou à « prestation définie ». Dans le premier cas, le niveau de pension est constaté au moment de la
liquidation de la retraite et peut varier en fonction de la valorisation de l'investissement. Dans le second cas, ce sont les cotisations qui varient, et le gestionnaire qui prend un risque. La pension est normalement garantie, mais le gestionnaire peut faire faillite si, par faute ou à cause de la conjoncture économique, le montant des sommes demandées à l'épargnant s'avère insuffisant, ce
qui rend irréalistes les montants de pensions promises.
La capitalisation est également sensible au rythme de l'inflation qui peut réduire la valeur réelle des capitaux accumulés, lorsque le rendement réel des
placements devient négatif.
Quel que soit le mode de financement, il faudra toujours faire vivre les retraités de 2040 avec la production de 2040... Si l'on croit, selon les prévisions alarmistes, que la population sera trop pauvre pour faire vivre ses retraités par un
système de répartition des richesses disponibles, le système par capitalisation
ne changera guère le problème. Si en 2040 les fonds de pension peuvent lever
suffisamment de capitaux pour payer les pensions, c'est que ces capitaux seront disponibles... Par ailleurs, puisque le nombre de retraités s’accroît, les
nouveaux actifs qui achètent les titres vendus par les retraités sont moins
nombreux que les retraités qui les vendent, par conséquent les prix de ces
titres vont baisser, ce qui va réduire le train de vie des retraités.
2.2. LE SYSTEME DE S ANTE
A. LES DEPENSES DE SANTE
Jacques Ghiloni
16
Selon les prévisions, les dépenses du secteur en 2020 représenteront en
moyenne 21 % du PIB aux USA et 16 % du PIB en Europe, alors qu'aujourd'hui,
elles ne représentent respectivement que 15,3 % et 9 %. En France, le montant
des dépenses courantes de santé s’élève à 234,1 milliards d’euros en 2010, soit
12,1 % du produit intérieur brut (PIB). La consommation de soins et de biens
médicaux (CSBM), qui en représente les trois quarts, atteint pour sa part 175
milliards d’euros et s’élève à 2 698 euros par habitant.
Les dépenses de santé, déjà considérables, sont encore appelées à croître
compte tenu du progrès technique, de la croissance et du vieillissement de la
population, de l’incidence des nouvelles pathologies telles que les maladies
chroniques ou encore de la valeur accordée à la santé dans les sociétés actuelles. Le rythme de croissance des dépenses est supérieur à celui de la richesse nationale (augmentation du PIB qui va elle-même conditionner
l’augmentation des recettes). Cette situation suppose de rechercher, dans le
Jacques Ghiloni
17
respect des contraintes budgétaires l’efficience de la réponse sanitaire à travers, par exemple, le parcours de soins ou la maitrise de prescription de médicaments (la France est au troisième rang européen en termes de consommation de médicaments). L’aggravation du déficit structurel : le déficit du régime
général est évalué à 19,5 Md € en 2011 dont 10,3 pour l’assurance maladie ; les
comptes de la Sécurité sociale n’ont plus été excédentaires depuis 2001, toutefois la crise a accentué cette tendance en impactant de manière importante les
recettes. Sur l’ensemble des deux années 2009-2010, les recettes n’ont progressé que de 2 % (avec une baisse notable en 2009) alors que les dépenses ont
augmenté de 6,5 %. C’est cet écart persistant entre dépenses et recettes qui
explique le creusement du déficit du régime général de 14 milliards d’euros sur
cette période.
Vieillissement de la population et dépenses de santé. Les dépenses de santé
d’un individu augmentent avec son âge. Le vieillissement de la population influence donc positivement les dépenses de santé.
Sans surprise, les dépenses augmentent avec l’âge des individus, avec une
pente qui s’accentue à partir de 50 ans. Imputer toute la croissance des dépenses de santé au vieillissement revient à croiser cette courbe avec les évolutions prévues de la structure par âge de la population.
Jacques Ghiloni
18
Source Brigitte Dormont, conférence du collège de France.
Mais ce raisonnement est partiel : il néglige d’autres déterminants beaucoup
plus massifs. En réalité, le vieillissement ne joue qu’un rôle mineur dans
l’explication de la croissance des dépenses de santé. Le rôle des facteurs démographiques est faible :
– OCDE : + 0.7 % sur +3.9 %
– France : + 0.3 % sur +3.6 %
Ce sont les facteurs non démographiques qui expliquent l’essentiel des changements : l’élasticité-revenu, le progrès technologique. L’accroissement des
coûts de traitement est dû entièrement au processus de diffusion des procédures innovantes, or le choc d’une innovation sur les dépenses est d’autant
plus important que le progrès est efficace en termes de longévité gagnée. Tout
gain en moindre morbidité est compensé par une vie plus longue et des dépenses sur une plus longue période : le coût associé à un nouveau traitement
est directement lié au gain en espérance de vie.
Cette évolution est à l'origine d'un déficit croissant de l'assurance maladie,
qui pose des problèmes récurrents de financement et limite les ressources disJacques Ghiloni
19
ponibles pour financer à l'avenir d'autres besoins sociaux (par exemple les retraites). Ces considérations ont conduit à multiplier depuis les années 1970 les
politiques de maîtrise des dépenses de santé. Toutefois la croissance des dépenses de santé est soutenable et correspond aux préférences collectives.
B. LA GESTION DES SYSTEMES DE SANTE
Un système de santé, c’est l’ensemble des organisations, des institutions et
des ressources dont le but principal est d’améliorer la santé. Selon Avedis Donabedian, les objectifs des systèmes de santé sont (1) de fournir à toute la population quelles que soient ses caractéristiques culturelles, sociales, économiques ou géographiques, tous les services de santé qu’elle requiert ; (2) assurer que ces services soient de la meilleure qualité possible ; (3) être organisé de
façon à utiliser au mieux les ressources disponibles, à satisfaire la population et
les professionnels, tout en étant administrable d’une façon efficace et capable
d’évoluer en fonction des besoins de santé et des techniques.
Chaque pays a organisé son propre système de santé selon ses aspirations
historiques, politiques, et morales. Deux systèmes de prise en charge des soins
servent de référence : le système bismarckien (Allemagne) et le système beveridgien (Grande-Bretagne). Les grandes caractéristiques du système bismarckien sont :
- Le lien entre travail et protection sociale ;
- Le caractère obligatoire de cette protection ;
- Le partage des cotisations entre employeurs et employés.
La couverture des risques n’engage pas directement les finances publiques,
mais la parafiscalité qu’elle engendre entraîne un alourdissement des prélèvements obligatoires.
Les grandes caractéristiques du système beveridgien sont :
- L’unification des assurances sociales ;
- L’extension des bénéficiaires à toute la population.
Si on compare les systèmes de santé :
Jacques Ghiloni
20
Le système français est un système mixte, à dominante bismarckienne :
l’assurance maladie est obligatoire, les cotisations sont assises sur une base
socioprofessionnelle, mais on observe une tendance à la disparition progressive du lien travail statut d’assuré social (couverture maladie universelle) et
un financement partiel par l’impôt (contribution sociale généralisée).
Si on compare quelques systèmes :
Système allemand : il existe une assurance de soins de santé obligatoire pour
tout salarié qui gagne moins qu’un certain plafond. Il s’agit du régime légal.
Elle couvre aussi les étudiants, les retraités, beaucoup de non-salariés ainsi
que d’autres groupes ayant besoin de protection. Pour les revenus élevés, il
existe une assurance optionnelle privée. Le financement s’appuie sur des coti-
Jacques Ghiloni
21
sations salariales et patronales collectées par un réseau de 450 caisses.
Système britannique : l’état prend en charge tout le système de santé, le NHS
(National Health Service) étant un organisme d’assurance sociale et de distribution des soins. Tous les soins sont en effet gratuits ou quasiment.
L’organisation est très hiérarchisée et planifiée avec un découpage du pays en
zones et districts. Les patients s’inscrivent sur une liste d’un médecin généraliste, porte d’entrée obligatoire dans le système de santé public. Les médecins
passent un contrat avec l’administration et sont rémunérés à la capitation selon le nombre de patients inscrits sur leur liste. Un paiement à l’acte complète
la rémunération des médecins et porte sur des prestations spécifiques
comme la vaccination, le dépistage des cancers, la prescription de contraceptif ou les consultations de nuit. Grâce à cette rémunération à l’acte,
l’administration peut orienter les priorités de santé publique. En dehors du
temps qu’il s’est engagé à passer au NHS, le médecin a la possibilité de pratiquer la médecine libérale. Les principes d’accès universels sont garantis sans
procédure justificative préalable. Le financement est fiscalisé et le secteur
public est quasiment en situation monopolistique.
Système américain : il n’existe ni couverture généralisée de la population, ni
financement public par le biais d’un prélèvement obligatoire. Les Américains
ont aussi la possibilité de souscrire une assurance privée à titre individuel.
Dans ce cas les primes sont calculées en fonction du risque individuel que
présente la personne. Dans ce contexte les primes sont souvent très élevées,
en particulier pour certaines pathologies (polypathologies, maladies de
longue durée). Afin de combler le vide concernant les personnes de plus de
65 ans et les personnes les plus démunies, deux programmes fédéraux ont
été créés : le programme Medicare : il est destiné aux personnes âgées et aux
personnes reconnues handicapées dans l’incapacité de travailler ; le programme Medicaid : ce programme est destiné aux plus démunis. À noter
qu’en juin 2012 la Cour suprême des États-Unis a confirmé jeudi la loi du président américain Obama, l'Affordable Care Act, la loi qui devrait donner accès
aux soins de santé à près de 50 millions d'Américains qui aujourd'hui ne disposent pas d'assurance santé. Au titre du « mandat individuel », la loi oblige
chaque citoyen à souscrire une assurance-maladie d'ici à 2014, sous peine de
sanctions financières, ou, pour les plus pauvres, à postuler à la prise en charge
Jacques Ghiloni
22
par Medicaid. Le coût, pour la couverture de 70 % des frais médicaux, est estimé à 5200 dollars (4100 euros) par individu et par an en 2016, 14.100 dollars
(11.300 euros) par famille. Ce « mandat » ne change rien pour les 220 millions
d'Américains déjà assurés ou pris en charge par Medicaid ; 24 autres millions
en sont exemptés (immigrants, prisonniers, Amérindiens, etc.) En contrepartie, la loi impose aux compagnies d'assurance de prendre en charge toute
personne se tournant vers elles, quel que soit leur état de santé, sous peine
de sanctions financières. Autre disposition de la réforme, l'élargissement du
Medicaid, la couverture maladie des plus pauvres, à 16 millions d'Américains.
En France le système de santé comprend plusieurs acteurs pour assurer sa
gouvernance. Les réformes du financement de la Sécurité sociale et les mesures de maîtrise des dépenses dans le secteur social sont pour la plupart issues du gouvernement. La gestion des caisses est assurée par les partenaires
sociaux, c'est-à-dire les syndicats et le patronat. Enfin, un nouvel « acteur »
est apparu sur le devant de la scène depuis 1996, le Parlement, il examine les
projets et propositions de loi concernant la Sécurité sociale.
L'organisation et la coordination des activités de santé en France sont assez
complexes, car il existe une multiplicité d'autorités administratives ayant
compétence dans ce domaine (ministère, structures centrales, collectivités
territoriales, organismes d'assurance maladie). On a des institutions nationales : par exemple : le ministère de la Santé et ses services ; la direction générale de la santé (DGS) est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la politique relative à la prévention, à l'environnement sanitaire, à la maternité, à
l'enfance et aux actions spécifiques de santé, à la gestion des risques sanitaires, ainsi qu'à l'organisation et à la formation des professions médicales et
paramédicales ; la direction générale de l'action sociale (DGAS) pilote la mise
en œuvre des politiques d'action sociale en direction des personnes ou des
groupes en difficulté sociale, des enfants et des adultes handicapés, des personnes âgées ainsi que des familles, des enfants et des adolescents ; L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) assure une mission de contrôle et
d'évaluation de la mise en œuvre de l'ensemble des politiques publiques dans
les domaines de la santé, de la protection et de l'action sociale, du travail, de
l'emploi et de la formation professionnelle ; La Haute autorité de santé (HAS),
créée en 2004, est chargée d'évaluer l'utilité médicale de l'ensemble des
Jacques Ghiloni
23
actes, prestations et produits de santé pris en charge par l'assurance maladie.
Les institutions décentralisées : depuis le 1er avril 2010, on a des Agences régionales de santé (ARS), elles sont chargées de la déclinaison et de la mise en
œuvre régionale de la politique nationale de santé, de la définition d'une politique régionale de santé, de l'organisation des soins, de la veille et de la sécurité sanitaire, ainsi que de la prévention dans leur région. L’Assurance Maladie : les différents régimes d’assurance maladie obligatoire (le régime général,
le régime agricole et le régime social des indépendants). L'Assurance Maladie
des travailleurs salariés (régime général) est l'assureur solidaire de quatre
personnes sur cinq en France. Elle finance 75 % des dépenses de santé. Il
existe aussi de nombreux autres régimes spéciaux (Sncf, Ratp, ministres du
Culte…).
En moyenne en 2005, chaque personne couverte par le régime général a dépensé 1000 € dans l’année pour les soins de ville. Le poste des médicaments
arrive en première position avec 389 € par assuré ayant bénéficié de prestations dans l’année. Les consultations et visites représentent 290 € par bénéficiaire. En 2008, l’ensemble des dépenses d’assurance maladie représentait
130 milliards d’euros dont : 60,6 milliards d’euros pour les soins de ville (honoraires médicaux, prescriptions de médicaments, indemnisation d’arrêts de
travail, etc.) ; et 68,4 milliards d’euros pour les établissements de santé (hôpitaux publics, établissements privés, établissements médico-sociaux).
L’Assurance Maladie prend en charge en moyenne 93 % des dépenses
d’hospitalisation. L’essentiel des recettes de l’Assurance Maladie provient :
des cotisations sociales (44 %) ; de la CSG, impôts et taxes affectées (40 %). La
CSG représente l’essentiel de ces recettes fiscales (32 %). Les autres prélèvements concernent les taxes sur l’alcool, le tabac, les contributions de
l’industrie pharmaceutique ; de la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (7,2 %) ; d’autres contributions financières (7,8 %).
Ces recettes proviennent essentiellement de la régularisation de prestations
lors d’exercices antérieurs, ou de recours contre tiers (par exemple, lors d’un
accident de voiture, l’Assurance Maladie se fait rembourser les soins apportés
à l’assuré victime de l’accident par l’assurance de l’assuré en tort).
Jacques Ghiloni
24
C. SELECTION ADVERSE ET ALEA MORAL
« Uncertainty and the Welfare Economics of Medical Care », cet article du prix
Nobel d’économie Kenneth J. Arrow publié en 1963 dans l’American Economic
Review marque, pour la plupart des économistes de la santé, la naissance de
leur discipline. Selon l’auteur, le marché des soins médicaux est caractérisé par
des dysfonctionnements liés à l’imperfection et à l’asymétrie de l’information,
qui entraînent également sur le marché de l’assurance maladie une prise en
charge inadéquate des risques. Arrow identifie principalement cinq caractéristiques particulières du marché des soins médicaux : la nature de la demande,
les attentes en termes d’incitation des médecins, l’incertitude sur les produits,
les conditions de l’offre et le mode de fixation des prix.
Selon Sandrine Chambaretaud et Laurence Hartmann, l’existence d’un tiers
(le médecin) dans la transposition de la demande de santé en demande de
soins implique des réflexions sur d’éventuels comportements stratégiques de
ce tiers. Le débat sur l’existence d’une demande induite par les professionnels
de santé remonte aux travaux d’Evans en 1974. La demande induite renvoie à
la capacité (réelle ou supposée) dont dispose un médecin pour générer une
demande pour ses propres services. Eu égard à l’avantage informationnel qu’il
détient, un médecin est en effet en mesure de recommander, voire d’imposer,
une prestation dont l’utilité se situe plutôt du côté de ses objectifs de revenu.
L’incertitude médicale rend en effet difficile la séparation entre prestations légitimes (correspondant strictement aux besoins des patients) et prestations
induites (visant à augmenter les revenus des professionnels de santé). Outre
l’asymétrie d’information entre patients et médecins, deux éléments favorisent ce type de comportement : le mode de rémunération du producteur et la
couverture assurantielle des patients qui les rend insensibles aux prix. Ces effets d’offre concernent tant la médecine ambulatoire que l’hospitalisation.
Dans le premier cas, on considère généralement que, dans le cadre du paiement à l’acte, les médecins contribuent à créer le marché, ce qui se traduit par
un lien croissant entre la densité médicale et la demande de soins. Dans le second cas, l’offreur de soins est supposé agir de façon discrétionnaire sur la demande de soins (nombre d’admissions et durée de séjour).
L’ignorance du futur, l’incertitude pesant sur l’état de santé, la demande de
Jacques Ghiloni
25
soins et la qualité de ces soins sont, pour des individus ayant de l’aversion vis-àvis du risque, sources d’inefficacité dans la mesure où ces individus sont prêts à
payer pour diminuer cette incertitude. Le développement des organismes
d’assurance répond à ce phénomène, mais reste cependant insuffisant pour
garantir l’ensemble des risques auxquels les individus peuvent être confrontés.
Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la santé où l’assurance ne
prend en charge qu’une composante monétaire de ce risque et opère dans un
contexte d’asymétries d’information (Arrow). Les asymétries d’information ont
potentiellement trois conséquences principales : une sélection des risques par
les assurances, des phénomènes d’aléa moral du côté des assurés et des biais
technologiques du côté des offreurs de soins.
Un des problèmes majeurs auquel doit faire face le marché de l’assurance
maladie est que les caractéristiques individuelles des acheteurs affectent drastiquement les coûts de production du bien vendu (en l’occurrence le contrat
d’assurance) et que ces caractéristiques ne sont pas observables par l’assureur.
Des dysfonctionnements ont trait à la sélection adverse : une personne qui sait
avoir une probabilité élevée d’être malade aura plus intérêt à souscrire un contrat d’assurance généreux qu’une personne qui se sait en bonne santé. La population assurée présentant alors un niveau de risque plus élevé que celui de la
population générale, l’assureur va devoir augmenter les primes, ce qui peut
entraîner un retrait du marché des risques les plus faibles (parmi les personnes
qui avaient choisi de s’assurer au départ). La population assurée voit alors son
niveau de risque moyen augmenter, donc les primes demandées par les assureurs vont aussi augmenter, et les risques les plus faibles parmi la population
assurée, trouvant le montant des primes trop élevé par rapport à leur propre
niveau de risque, vont se désengager, et ainsi de suite. Du côté des assurances,
quand les risques individuels ne sont pas observables (et donc que la tarification au risque n’est pas réalisable), les compagnies sont incitées à mettre en
place des politiques d’écrémage des risques.
L’aléa moral apparaît quand le comportement des assurés est modifié après
la signature du contrat et ne peut pas être parfaitement observé par
l’assurance. Des études réalisées aux États-Unis soulignent que la consommation des personnes est inversement corrélée avec leur participation financière.
Ainsi, le taux de surconsommation serait de l’ordre de 25 % pour les personnes
Jacques Ghiloni
26
bénéficiant de la gratuité des soins. L’expérience québécoise (instauration
d’une franchise et d’un ticket modérateur pour les dépenses pharmaceutiques)
met aussi en évidence une réduction de la consommation pharmaceutique (au
moins à court terme). Le phénomène d’aléa moral est amplifié par le fait que
l’utilisation des biens et services médicaux ne s’inscrit pas, le plus souvent, au
sein d’un protocole thérapeutique bien déterminé : deux patients présentant
des symptômes identiques peuvent avoir un recours et une utilisation des soins
différents sans que cette différence puisse être imputée à un manque
d’efficacité. Il demeure donc complexe d’établir une norme qui permette
d’identifier ce que pourrait être la consommation optimale de soins.
D. LES POLITIQUES DE REGULATION MARCHANDE ET ADMINISTREE
Ces dysfonctionnements légitiment l’intervention de l’État dans l’assurance
maladie. Celle-ci peut prendre la forme a minima d’une réglementation, mais
aussi celle du monopole public dès lors que le système de santé joue un rôle en
matière de redistribution des richesses en faveur des bas revenus (qui sont
aussi les plus malades). Des mécanismes incitatifs doivent être intégrés dans
les contrats d’assurance afin d’en préserver l’efficacité. Deux formes principales
peuvent être observées : la participation financière des assurés aux dépenses
(qui est censée limiter la surconsommation résultant du risque moral) et les
schémas de responsabilisation des offreurs (en l’occurrence les professionnels
de santé) qui visent à harmoniser les objectifs de maîtrise des dépenses des
assureurs et ceux des fournisseurs de soins.
Des mécanismes de responsabilisation de la demande peuvent être mis en
place par l’assurance maladie, publique ou privée. L’analyse du marché de
l’assurance montre ainsi qu’en instituant une participation financière des patients, ces derniers retrouvent les incitations nécessaires à réaliser des arbitrages (selon la logique classique de la disposition à payer). Cette participation
financière prend principalement deux formes: une franchise indépendante du
montant des dépenses réellement engagées ou un co-paiement (par exemple,
le ticket modérateur en France). Ces deux instruments ont des propriétés économiques différentes : la franchise incite les assurés à se prémunir contre le
risque d’avoir recours au système de santé alors que le ticket modérateur perJacques Ghiloni
27
met de plus d’inciter les assurés à modérer leurs dépenses le cas échéant. Ce
type de mécanisme suppose que les assurés ont la capacité de juger de la « valeur » de leur consommation de soins. Or, une des caractéristiques du marché
des soins est l’asymétrie d’information entre les offreurs de soins et les patients. Ces derniers sont relativement peu informés sur la qualité des biens et
services médicaux qu’ils utilisent : comment dès lors procéder à des arbitrages
coût/efficacité ?
Les mécanismes de responsabilisation de la demande présentent donc deux
inconvénients majeurs : d’une part, ils affectent les personnes les plus démunies pour qui la contrainte financière est plus forte ; d’autre part, ils reposent
sur une capacité d’arbitrage des individus entre différents postes de consommation qui reste théorique dans la mesure où les individus ne disposent pas
d’informations suffisantes pour réaliser ces arbitrages.
Tout le problème de la régulation de l’offre de soins procède des caractéristiques du marché : l’existence d’assurance a pour conséquence l’absence de
réaction des patients aux variations de prix. La théorie des incitations éclaire
les conséquences des modes de rémunération sur les comportements des offreurs de soins. Elle privilégie l’analyse des situations de risque moral (c’est-àdire lorsque les offreurs de soins peuvent mettre en place des stratégies de réduction des coûts, mais que ces stratégies ne sont pas observables par le financeur). Cette orientation s’inscrit dans la logique des réformes récentes des
modes de rémunération des offreurs de soins (tarification à la pathologie pour
les hôpitaux, systèmes combinant capitation et paiement à l’acte pour les médecins ou encore politiques d’enveloppe pour les deux secteurs). Ces mesures
montrent en effet que le financeur souhaite non pas mettre en place une tarification adaptée à la structure économique des coûts des offreurs de soins, mais
plutôt influencer leur comportement en termes d’efficacité productive.
Exemples de mesures prises en France
Les mesures prises depuis 1975 ont été des mesures comptables d'ajustement pour rétablir l'équilibre financier : diminution des prestations offertes
(par augmentation de la part à la charge de l'assuré) et augmentation des recettes pour tenter de rattraper l'irrésistible croissance des dépenses de santé
(CSG). Le jeu de l’offre et de la demande en économie de la santé n’obéit pas
Jacques Ghiloni
28
aux mêmes règles qu’en économie générale, car la santé n’est pas un « bien »
qui peut être consommé et échangé. La santé correspond plutôt à un objectif
idéal. L’intervention d’un financeur externe comme l’assurance maladie déplace l’équilibre de l’offre et de la demande et induit une augmentation des
quantités produites et consommées de soins. La société préserve donc ses finances en instaurant une réglementation.
L’ensemble des mesures destinées à maîtriser les dépenses de santé agit soit
sur l’offre, soit sur la demande soit sur les deux à la fois. Le contrôle de l’offre
peut porter sur le contrôle de l’offre en professionnels de santé, le contrôle de
l’offre hospitalière, la planification des équipements lourds, le contrôle des pratiques médicales, le contrôle de l’offre en médicaments, le filtrage des soins
spécialisés et hospitaliers, la coordination des soins, le développement des alternatives à l’hospitalisation traditionnelle (hôpitaux de jour, hospitalisation à
domicile…)… Le contrôle de la demande peut consister en l’augmentation de la
participation financière des patients aux coûts de leurs soins. Le contrôle de la
demande passe également par la promotion de la santé qui vise à augmenter le
capital-santé des individus et par l’éducation thérapeutique qui cherche à développer l’autonomie des patients qui nécessitent des soins constants.
La tarification à l'activité (T2A) a pour but de fonder l'allocation des ressources aux établissements de santé publics et privés sur le volume et la nature
de leur activité mesurée, pour l'essentiel, par le programme de médicalisation
des systèmes d'information (PMSI). Le principe de base est de payer le même
prix pour les mêmes prestations, à condition que l’on puisse fournir une description clinique correcte des patients pris en charge et des différentes prestations délivrées par les établissements de santé. Ces prix sont fixés au niveau
national (groupes homogènes de malades, GHM). La T2A vise notamment à
améliorer l’efficience, à la fois de chaque établissement individuellement et de
l’ensemble du marché : elle introduit en effet une forme de compétition stimulant l’efficience dans un contexte où ces pressions compétitives étaient inexistantes jusqu’alors. Ceci suppose toutefois que les prix reflètent correctement
les coûts des producteurs les plus efficients. Toutefois, la T2A est souvent critiquée puisqu’elle fournit, de fait, des incitations directes à réduire le coût des
séjours. Les établissements ayant intérêt à raccourcir les séjours, ils peuvent
renvoyer les patients à leur domicile prématurément du point de vue clinique.
Jacques Ghiloni
29
Une deuxième stratégie de réduction de la qualité des soins peut consister,
pour les établissements de santé, à identifier à l’avance (avant l’admission) les
patients pour lesquels les coûts générés par le séjour seront bien pris en
compte au sein du tarif GHM et éventuellement décourager l’admission des
autres patients moins « rentables » (phénomènes d’aversion au risque et de
sélection des patients). Cela peut inciter également les établissements à fournir
des soins ou des prestations inutiles afin de classer certains patients dans des
GHM plus rémunérateurs. Par ailleurs en France et en Angleterre, les tarifs reflètent les coûts moyens dans la plupart des cas. Cela a un impact inflationniste, car les établissements les plus performants sont encouragés à
s’approcher de la moyenne plutôt que d’améliorer leur efficience individuelle ;
les moins performants ont une cible plus facile à atteindre, mais qui ne correspond pas à leur optimum.
Le médecin référent. Le médecin traitant, choisi librement par le patient, a un
rôle central dans l'orientation et le suivi du patient tout au long de son parcours de soins. Généraliste ou spécialiste, le médecin traitant coordonne le
dossier médical personnel, et adresse le patient, avec son accord, vers le professionnel de santé le plus apte à traiter sa situation spécifique. Chacun conserve sa liberté de ne pas avoir recours au médecin traitant ou de ne pas respecter ses prescriptions d'orientation. Néanmoins, les patients qui ne souhaitent pas s'inscrire dans ce dispositif se voient appliquer une majoration de la
part restant à leur charge.
Le contrôle des actes et des consommations. Depuis la LFSS 2000, les médecins doivent justifier médicalement la prescription des arrêts de travail et des
transports de malades.
La limitation des dépenses pharmaceutiques : la promotion des génériques.
Le décret de substitution d'un médicament par son générique a permis depuis
l'automne 1998 au pharmacien de modifier la stricte prescription médicale,
sauf mention expresse du médecin. Déremboursement de médicaments : depuis 2001 il y a eu plusieurs vagues de déremboursements total ou partiel pour
des médicaments dont le Service Médical Rendu était déclaré insuffisant, ou
qui correspondent à de l’automédication. Sur les 486 médicaments à service
médical rendu (SMR) insuffisant toujours commercialisés en mars 2011, 369
Jacques Ghiloni
30
ont été déremboursés tandis que 117 restent remboursés à 15 % pour la plupart. Le premier impact de ces vagues de déremboursement est une baisse
immédiate de la prescription des médicaments concernés et une réduction importante du nombre de boîtes de médicaments vendues. L’augmentation de
l’automédication sur ces médicaments déremboursés ne compense pas la forte
baisse des quantités vendues. Pour les patients continuant à consommer ces
médicaments, le prix a augmenté de 43 % en moyenne juste après le déremboursement.
Jusqu’en 2005 aucune participation aux frais de soins n’était demandée aux
assurés pour un acte médical d’un coût supérieur ou égal à 91 € ou pour une
hospitalisation au cours de laquelle un tel acte était pratiqué. En 2006 une mesure unifie les règles applicables en étendant le ticket modérateur à tous les
actes et en le plafonnant à 18 € pour les actes qui en étaient auparavant exonérés. Il est de 1 € pour la consultation d’un médecin. Le patient hospitalisé doit
régler un ticket modérateur de 20 % du tarif d’hospitalisation. Le forfait hospitalier est une participation forfaitaire à la charge des patients qui ne sera pas
remboursée par la sécurité sociale (18 euros). Ce montant contribue aux frais
d’hébergement et d’entretien entrainés par l’hospitalisation.
Dans le cadre de la loi du 13 août 2004 a été prévue une hausse d’un euro par
an du forfait journalier hospitalier pendant 3 ans. Au 1er janvier 2006, le forJacques Ghiloni
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fait journalier hospitalier est passé de 14 € à 15 €, puis à 18 euros en 2010.
La franchise médicale, en vigueur en France au 1er janvier 2008, est une
somme d'argent restant à la charge de l'assuré social dans le cas où un remboursement d'assurance-maladie est réalisé. Cette franchise est de 50 centimes
d'euro par boîte de médicaments, de 50 centimes d'euro pour tous les actes
paramédicaux et de 2 euros sur tous les transports sanitaires. Elle est annuellement plafonnée à 50 euros par assuré. Cette franchise n'est pas prise en
charge par les assurances complémentaires santé.
E. INEGALITES ET DIFFICULTES
Selon les avis du Conseil économique, social et environnemental (2011), bien
que la France consacre 11 % du PIB aux dépenses de santé, l’accès aux soins
pour certains assurés est rendu difficile en raison de la progression des restes à
charge. La question de l’accès financier à l’offre de soins se pose avec une plus
grande acuité. Cette évolution trouve sa place dans un mouvement :
- de moindre remboursement des soins courants. Si le taux de couverture
moyen des frais de soins est de 90 % (assurance maladie et complémentaires santé), il est de l’ordre de 55 % pris en charge par la seule assurance
maladie, pour les « soins courants » de personnes ne souffrant pas d’une
Affectation de longue durée (ALD) ;
- de remboursements élevés pour les personnes bénéficiant des soins les
plus coûteux. En dépit de cette qualité de prise en charge, leur reste à
charge est significatif. En 2008, s’il est, en moyenne, de 702 € par an pour
les personnes en ALD (373 € pour les personnes qui ne sont pas dans cette
situation), ce chiffre ne doit pas masquer les inégalités ;
- de dépassements d’honoraires qui posent des difficultés à certaines familles et accroissent les inégalités sociales, du fait notamment de leur généralisation dans certaines zones et de leurs montants (parfois pris en
charge, le plus souvent partiellement, par les complémentaires santé). En
effet, les dépassements d’honoraires ont augmenté de 68 % entre 1990 et
2006. L’attrait du secteur 2 pour les médecins nouvellement installés est
également un facteur d’inquiétude. Pour le CESE, ce problème de dépasJacques Ghiloni
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sements d’honoraires doit être profondément revu pour assurer l’équité ;
- d’accroissement du taux de prise en charge des soins par les complémentaires. Le « gros risque », bien pris en charge par l’assurance maladie, absorbe une part croissante de la ressource (en 2005, 60 % des remboursements étaient consacrés aux ALD, ce chiffre devrait atteindre 70 % en
2015) alors que la prise en charge du « petit risque », qui concerne
l’ensemble de la population se dégrade. Or, la frontière est difficile à tracer
entre le « petit risque » d’aujourd’hui et le « gros risque de demain ». En
outre en 2007, le taux de couverture moyen par la Sécurité sociale est particulièrement faible en matière d’optique (4,33 %), d’audioprothèses
(14,8 %) et de prothèses dentaires (28 %). Les organismes complémentaires également participent de plus en plus à la prise en charge des dépenses hospitalières dans leurs remboursements ;
- d’augmentation progressive du forfait hospitalier non remboursé par la
Sécurité sociale.
- de mise en place, en 2008, dans le cadre d’une politique affichant pour but
la responsabilisation du patient, de franchises médicales sur les médicaments, les actes d’auxiliaires médicaux et les transports sanitaires.
Par ailleurs, en dépit d’un nombre encore élevé de médecins (327 médecins
pour 100 000 habitants) en 2009, la France souffre de nombreuses disparités
territoriales. Ce phénomène est essentiellement circonscrit aux zones rurales
et aux quartiers dits ‘sensibles’. Cette tendance liée aux évolutions démographiques et sociologiques de la profession (réduction du temps de travail, vieillissement des médecins, émergence d’une revendication à une meilleure qualité de vie...) risque d’accentuer encore le non-renouvellement de la profession dans les zones peu attractives. Il faudrait donc inciter les praticiens à
exercer dans les zones de faible couverture médicale afin de garantir
l’installation d’un nombre suffisant de médecins conventionnés sur un bassin
de vie. Avec, par exemple, l’octroi d’une bourse à une obligation d’exercice
dans une zone sous-médicalisée pendant une durée équivalente à celle de la
perception de l’aide. Ou favoriser le regroupement des jeunes médecins en
exercice libéral à leur initiative ou en leur proposant un exercice dans des
centres de santé et maisons de santé pluridisciplinaires avec des modes de
rémunération contractualisée, forfaitisée ou salariée. Ou encore favoriser la
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création de maisons de santé pluridisciplinaires (généralistes, spécialistes, infirmiers, kinésithérapeutes...) dans les quartiers sensibles et les zones rurales
« désertées » permettant, en outre, grâce à une présence médicale sur des
plages horaires étendues, de pallier l’engorgement des urgences. Si ces mesures incitatives sont insuffisantes, et si cette tendance devait perdurer, des
mesures plus dissuasives devraient être envisagées. Le CESE préconise que
l’assurance maladie limite le conventionnement dans ces zones ‘surdenses’.
PARTIE 1 – ÉCONOMIE ET DEMOGRAPHIE
Chapitre 2 Variables économiques et sociales et financement de la protection sociale
2.1. Le système des retraites
A. Deux modèles de système des retraites
B. Historique
C. Les principes du système français des retraites
D. systèmes de retraite et redistribution
E. Les difficultés actuelles des systèmes de retraite
F. Les solutions
G. Les réformes du système des retraites en France
H. La retraite par capitalisation
2.2. Le système de santé
A. Les dépenses de santé
B. La gestion des systèmes de santé
C. Sélection adverse et aléa moral
D. Les politiques de régulation marchande et administrée
E. Inégalités et difficultés
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