Jacques Ghiloni
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PARTIE 1 ÉCONOMIE ET DEMOGRAPHIE
CHAPITRE 2 VARIABLES ECONOMIQUES ET SOCIALES ET FINANCEMENT DE LA PROTECTION
SOCIALE
2.1. LE SYSTEME DES RETRAITES
A. DEUX MODELES DE SYSTEME DES RETRAITES
On peut identifier deux modèles de retraite hérités de l'histoire.
Le modèle bismarckien, inspiré par le chancelier Bismarck, qui instaura le
premier des assurances sociales obligatoires pour les ouvriers allemands (sys-
tème d'assurance vieillesse voté en 1899). Le dispositif d'assurance sociale est
organisé pour les travailleurs entre lesquels joue le principe de solidarité. Ces
derniers cotisent obligatoirement pour leur retraite. Les cotisations sont pro-
portionnelles au revenu, tout comme le montant de leur future retraite. Le sys-
tème fonctionne par répartition, sur la base d'une solidarité entre les généra-
tions. Il est géré par les partenaires sociaux, via un réseau de caisses de re-
traite.
Le modèle beveridgien, hérité de la conception de Lord Beveridge, parti-
san d'une protection sociale généralisée, basée sur la solidarité, indépendam-
ment de toute activité professionnelle (rapport publié en 1942). La protection
sociale est gérée par l'État. Elle est financée par l'impôt et repose sur le prin-
cipe de solidarité nationale. Les retraites assurent aux retraités un revenu mi-
nimum. Les pensions versées ne dépendent pas de l'activité professionnelle
antérieure.
B. HISTORIQUE
En France, les premiers systèmes de retraite ont été instaurés pour des caté-
gories professionnelles particulières, liées à l'État : 1673 : les marins, 1831 : les
militaires, 1853 : les fonctionnaires civils, 1894 : les mineurs, 1909 : les chemi-
nots. Entre 1928 et 1930, un ensemble de lois instituent les assurances sociales
pour les salariés de l’industrie et du commerce, sur le modèle du régime de re-
traite mis en place en Allemagne, par Bismarck, dès 1889. Le principe est celui
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d'une capitalisation viagère : chaque assuré possède un compte individuel sur
lequel sont portées cotisations et les rentes qu'elles produisent. Lorsqu'il at-
teint l'âge de la retraite partir de 60 ans), après 30 ans d'assurances, il peut
choisir entre deux options : le capital aliéné qui permet d'obtenir une rente
servie jusqu'à sa mort ; le capital réservé qui donne droit à une rente plus
faible, mais réversible aux héritiers. Mais l'érosion monétaire ne permet pas de
préserver le pouvoir d'achat des retraités : ces difficultés financières condui-
sent assez vite à l'abandon du système de la capitalisation au profit de celui de
la répartition, qui va permettre de verser rapidement des retraites aux per-
sonnes âgées.
La retraite par capitalisation est un mode de financement des retraites qui re-
pose sur une accumulation individuelle d'épargne préalable à la retraite (dans
un cadre individuel ou collectif). Les cotisations de l'assuré alimentent un
compte d'épargne retraite ou des fonds de pension investis en actifs financiers
ou immobiliers. Les sommes thésaurisées sont reversées au retraité sous forme
de rente lorsqu'il prend sa retraite. Le rendement de ce système de retraite est
égal au taux de rendement des marchés financiers à la stabilité desquels il est
particulièrement sensible.
La retraite par répartition est un mode de financement des retraites fondé sur
la solidarité entre générations et la mutualisation (souvent au niveau profes-
sionnel). Les cotisations des actifs servent immédiatement à financer les pen-
sions des retraités. L'équilibre financier d’un système de retraite par répartition
est fonction du rapport entre le nombre de cotisants et celui des retraités, du
rapport entre la pension moyenne servie et les salaires et du taux de cotisation
sur salaire.
Sous la double influence du système bismarckien et du rapport Beveridge, les
Pouvoirs publics français créent la Sécurité sociale, avec trois objectifs :
Mise en place d'un système unique : l'ordonnance du 4 octobre 1945
prévoit un réseau coordonné de caisses se substituant aux multiples
organismes existants.
Extension des risques couverts : l'ordonnance du 19 octobre concerne les
risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès (la loi du 22
août 1946 étend les allocations familiales à la quasi-totalité de la popu-
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lation et celle du 30 octobre 1946 intègre la réparation des accidents
du travail à la Sécurité sociale).
Généralisation à l'ensemble de la population : la loi du 22 mai 1946 pose
le principe de la généralisation de la Sécurité sociale à l'ensemble des
citoyens. Dès 1947 (loi du 13 septembre 1946), toute la population ac-
tive doit bénéficier de l'assurance vieillesse dans le cadre du gime gé-
néral.
Pour des raisons historiques et sociales, le modèle français est fondé sur l'ac-
tivité professionnelle, avec la coexistence du régime général et de régimes
spéciaux. La création de la Sécurité sociale représente une étape décisive
dans la mise en place de notre système de retraite : désormais, tous les sala-
riés du privé cotisent à l'assurance vieillesse dans la limite d'un plafond, quel
que soit le montant de leur salaire. De plus, le principe de répartition rem-
place le système de capitalisation : les cotisations versées aujourd'hui finan-
cent immédiatement les retraites présentes. Dans les années soixante,
soixante-dix, l'enjeu devient de garantir une retraite à tous et de réduire
l'écart de niveau de vie entre les actifs et les retraités. Pour ceux qui n'ont
pas acquis de droits propres à la retraite, ou dont les cotisations ne permet-
tent pas d'atteindre un montant minimum, l'État crée, en 1956, le Fonds na-
tional de solidarité et instaure le Minimum vieillesse. Il garantit à toute per-
sonne de plus de 65 ans, quels que soient ses revenus et ses cotisations, une
retraite minimum versée au titre de la solidarité et financée par l'impôt. En
parallèle, la création de caisses complémentaires permet aux assurés d'amé-
liorer les retraites modestes attribuées par les régimes de base. Les retraites,
calculées sur la base d'un salaire de référence limité à un montant maximum
(plafond de la Sécurité sociale équivalent à environ une fois et demie le sa-
laire moyen), ne représentent que 28 % du salaire moyen, en 1950, pour les
pays de l'OCDE. En France, les cadres du privé sont les premiers à créer leur
propre régime complémentaire, l'Agirc, pour cotiser au-dessus du plafond
(1947). Ils ouvrent la voie aux salariés du privé (Arrco, 1961) et aux agents non
titulaires du public (Ircantec, 1971). Progressivement, les conditions des re-
traités s'harmonisent. Pour les industriels, commerçants et artisans, la loi du 3
juillet 1972 introduit l'alignement des cotisations et des prestations sur celles
du régime général. La loi du 29 décembre 1972 rend obligatoire l'apparte-
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nance des salariés à un régime complémentaire. En 1974, la loi de finances
organise une compensation financière entre tous les régimes de base.
C. LES PRINCIPES DU SYSTEME FRANÇAIS DES RETRAITES
Le système français de retraite est financé très largement par des cotisations
sociales versées par l'assuré et, le cas échéant, par son employeur. Le finance-
ment des régimes de retraite française régimes de base comme régimes
complémentaires repose avant tout sur des cotisations assises sur les reve-
nus du travail (salaires, traitements, revenus professionnels). Le financement
des retraites s'inscrit donc essentiellement dans un cadre professionnel. Les
gimes de retraite bénéficient toutefois d'un certain nombre de ressources
d'ordre fiscal : affectation d'une fraction de la CSG, prélèvements sur les pro-
duits du patrimoine et des placements (par exemple, le prélèvement de 2 %
destiné à financer le Fonds de réserve des retraites)...
Le système des retraites français comporte une forte dimension familiale.
C'est le cas avec le mécanisme de la réversion, c'est-à-dire la poursuite du ver-
sement d'une partie de la retraite d'un titulaire décédé à son conjoint survi-
vant. Ceux qui ne peuvent pas cotiser, par exemple à cause du chômage, de la
maladie, d'un congé maternité, acquièrent généralement des droits à la re-
traite pour ces périodes d'inactivité.
La solidarité ne s'exerce pas seulement entre les assurés appartenant à des
générations différentes. Elle joue aussi entre les différents régimes de retraite,
qu'il s'agisse des retraites de base ou des retraites complémentaires. Cette so-
lidarité se traduit par le mécanisme de la compensation démographique. Celui-
ci consiste en un transfert d'une partie du produit des cotisations perçues par
les régimes présentant le meilleur rapport cotisants/retraités (un nombre im-
portant de cotisants pour un nombre limité de retraités) au bénéfice des ré-
gimes présentant le moins bon rapport cotisants/retraités (un faible nombre de
cotisants pour un nombre important de retraités). Cela fut le cas, par exemple,
du régime des mines qui, avec l'extinction de l'activité charbonnière française,
a fini par compter davantage de retraités que de cotisants.
Les cotisants des régimes de base et des régimes complémentaires c'est-à-
dire les assurés et, le cas échéant, leurs employeurs sont en effet représen-
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tés dans les conseils d'administration des caisses de retraite.
On peut définir trois étages au système français des retraites :
les régimes de base obligatoires. Ils fonctionnent par répartition, ils ont
un décompte des droits généralement en trimestres, des cotisations et
des retraites assises non pas sur la totalité du salaire ou du revenu pro-
fessionnel, mais sur une base réglementaire (par exemple, le plafond
de la sécurité sociale pour les salariés, ou le traitement hors primes
pour les fonctionnaires), une retraite représentant elle-même un pour-
centage du salaire ou revenu.
Les régimes de retraite complémentaires obligatoires. Aujourd'hui, ces
régimes complémentaires obligatoires couvrent exactement les mêmes
assurés que les régimes de base. Comme les régimes de base, ils repo-
sent sur le mécanisme de la répartition, assorti d'un système de points,
dont le nombre est fonction de la durée et du montant des cotisations.
L’épargne retraite collective et individuelle. Ces formes d'épargne re-
traite connaissent un développement récent. Celui-ci tient à plusieurs
phénomènes : la recherche par les entreprises de moyens de motiver
et/ou de retenir leurs salariés sans recourir à des augmentations du sa-
laire direct ; les inquiétudes, réelles ou suggérées, sur le devenir des
systèmes de retraite par répartition ; des mesures fiscales et sociales
encourageant leur développement. On trouve différentes formes : le
plan d'épargne retraite entreprise (Père, qui est un contrat de groupe à
adhésion obligatoire), le plan d'épargne pour la retraite collective (Per-
co, épargne collective dans le cadre de l'entreprise, obligatoire, mais à
versements libres), le plan d'épargne retraite populaire (Perp, cotisa-
tions déductibles du revenu imposable, jusqu'à hauteur de 10 %),
D. SYSTEMES DE RETRAITE ET REDISTRIBUTION
Les systèmes de retraite par répartition assurent, par définition, une redistri-
bution intergénérationnelle des ressources. En effet, les cotisations prélevées
sur les actifs à une période donnée sont redistribuées aux retraités vivant à
cette même période. Ce système repose sur un contrat implicite entre les gé-
nérations, selon lequel chaque individu cotise en anticipant que la génération
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