Printemps de l’histoire 2012, Château de Tiffauges L’utilisation des ressources au Moyen Age Les matières premières du textile et les colorants de la teinture 1 Les matières premières du textile La qualité d’un tissu est fortement dépendante de la matière première et du fil utilisé. Le domaine végétal offre une vaste gamme de fibres exploitables. Le lin, le chanvre et l’ortie permettent d’obtenir un fil assez solide utilisé pour les linges, les voiles mais aussi les cordes et les sangles. Le coton est utilisé par les élites fortunées. Le monde animal apporte des textiles souvent plus chauds et plus luxueux tels que la soie. Mais, ce sont surtout les poils des animaux : la chèvre et essentiellement le mouton qui sont utilisés pour le textile. D’autres animaux comme le lapin, le renard et l’hermine sont utilisés pour leur fourrure portée rarement par-dessus mais que l’on retrouve à l’intérieur de la plupart des vêtements d’hiver. Le lin Les premières traces de son utilisation remontent à 10 000 ans avant notre ère en Turquie. La culture du lin s’épanouit dans le nord du royaume de France au XIIIe siècle jusqu’à la guerre de Cent Ans qui ruine cette jeune industrie au profit des Flandres. Plus fin que le chanvre et moins cher que le coton, le lin est au premier rang parmi les fibres végétales. Comment est-il produit ? Un climat frais et humide convient à sa culture. Semé en mars/avril, le lin est récolté en juillet. Cinq semaines après la floraison bleue, les tiges sont arrachées et non fauchées afin d’en préserver la longueur. Lors du rouissage, les tiges pourrissent dans l’eau, puis sèchent au soleil. Cette technique, permet de détacher la fibre du textile du reste de la plante. Il faut compter 100 kg de plantes récoltées pour obtenir 20 kg de filasse. Ensuite, un ensemble d’opérations, nommé teillage, permet de passer des tiges de lin rouies à la filasse prête à être filée : le broyage pour déshabiller la tige, l’écouchage qui enlève les dernières impuretés en battant les bottes de fibres, enfin le peignage sert à enlever les nœuds. Pour terminer, la filasse est tressée pour éviter qu’elle ne s’emmêle, puis vient l’étape du tissage avec une technique proche de celle utilisée pour la laine. Au Moyen Age, tous ces travaux (sauf le tissage) sont à la charge du paysan qui cultive le lin. Ecouchage du lin La laine Les moutons furent parmi les premiers animaux à être domestiqués et les premières étoffes étaient probablement en laine. Le drap de laine est la matière première de base du vêtement médiéval. Il existe plusieurs variétés, depuis la laine mérinos d’une extrême finesse qui ressemble au cachemire à la laine grossière. Sa production : La tonte avec des forces (ciseaux médiévaux) a lieu en général une fois par an, au printemps ou au début de l’été. La laine est battue sur des claies pour éliminer les impuretés et lavée dans plusieurs bains successifs pour la débarrasser de sa graisse. La laine est cardée et peignée jusqu’à ce qu’elle soit facile à filer. Ce travail généralement féminin se fait avec de cardes, petites planches en bois rectangulaires dotées de poignées et de dents. Le filage permet d'obtenir des fils destinés à la fabrication de lainages, de tissus tricotés et de fil à tricoter. Au Moyen Age, la laine est majoritairement tissée en pièce de drap ; il existe peu de textiles tricotés. Forces médiévales et laine 1 Printemps de l’histoire 2012, Château de Tiffauges L’utilisation des ressources au Moyen Age Les matières premières du textile et les colorants de la teinture Le coton Cette fibre entoure les graines de cotonniers Gossypium, un arbuste originaire des régions tropicales d'Afrique, d'Amérique et d'Asie. Sa culture remonte à des milliers d’années. D’abord importé d’Orient sous forme de toiles déjà tissées, le coton est cultivé en Europe, en Italie, à partir du XIIe siècle. Comment est-il produit? Sa croissance nécessite beaucoup de soleil et 120 jours d’arrosage. A la fin du cycle, il faut un temps sec pour éviter le pourrissement de la fibre. A la floraison, de grandes fleurs blanches ou jaunes à cinq pétales apparaissent. Puis des capsules se développent jusqu’à leur ouverture où elles laissent s’échapper des graines et des bourres de coton recouvertes de fibres blanchâtres et soyeuses mesurant entre 2 et 5 cm selon les variétés. Ce sont ces fibres ramassées à la main qui sont transformées en fils. Le chanvre Son utilisation a toujours été très importante et remonte au Néolithique. La variété utilisée pour le textile le Cannabis sativa L, ne contient pas de substances psychotropes. Contrairement au lin, cette plante est cultivée dans toute l’Europe. Sa fibre extrêmement résistante, servait au Moyen Age au tissage de toiles grossières. Comment est-il produit? Les plants cultivés pour la fibre sont disposés en rangs serrés de façon à obtenir des tiges fines et de longues fibres pouvant mesurer jusqu'à 4,5 m. La récolte a lieu avant la floraison lorsque la qualité des fibres diminue. Le traitement du chanvre est semblable à celui du lin (rouissage, teillage…). La soie Cette fibre textile est issue du cocon produit par la chenille du bombyx du mûrier. Son fil continu est très résistant et mesure entre 500 et 1 500 mètres de long. La soie, déjà connue des nobles du haut Moyen Age est importée d’Orient jusqu’aux premières croisades. Ensuite la culture du mûrier et le tissage de la soie s’étendent en Italie puis en France dès le XIIe siècle. La sériciculture, ou culture du vers à soie Le vers à soie domestiqué Bombyx mori encore à l’état de chenille est nourri à l'aide de feuilles de mûrier. Il sécrète une protéine liquide qui se solidifie au contact de l'air, produisant un fil composé de deux brins qui sont soudés par une seconde sécrétion, la séricine (ou grès), pour former le cocon. 2 Printemps de l’histoire 2012, Château de Tiffauges L’utilisation des ressources au Moyen Age Les matières premières du textile et les colorants de la teinture 2 Des colorants médiévaux d’origine végétale ou animale Ce sont surtout les plantes qui servent à teindre. La substance colorante peut être issue des fleurs, des feuilles, des écorces, des graines, ou des racines. Les teintes de couleurs obtenues par la teinture peuvent varier, notamment selon la quantité de mordant utilisée. Ainsi avec la cochenille, il est possible de teindre des textiles roses, rouges ou violets. Les colorants médiévaux : Le rouge : Des plantes telles que la garance, la patience, l’orcanette, la carthame, le bois de brésil ou des insectes comme le kermès ou la cochenille sont également utilisés. Le jaune peut s’obtenir avec de la gaude, du genet, de l’épine vinette du millepertuis, des pelures d’oignons… Le bleu : La guède et la plante indigotier permettent d’obtenir des très beaux bleus. Les mûres, les airelles donnent des bleus de moindre qualité. Le violet : Cette couleur est obtenue avec des lichens marins ou terrestres, du sureau. Le brun et le noir : Le noyer ou le châtaignier donnent les bruns. La noix de galle et sumac donnent du noir. ZOOM SUR QUELQUES COLORANTS Plantes ou insectes Photographie Description Couleurs obtenues Garance des teinturiers ou rubia tinctoria C’est le principal colorant rouge médiéval européen. Cette plante vivace, aux tiges carrées rampantes est dotée de petites fleurs jaunes qui deviennent des baies noires l’été. Les parties utilisées en teinture sont les racines et l’écorce de la tige. Les racines extraites sont séchées et broyées au moulin pour donner une pâte ou une poudre appelée la garancine. rouge, rose, violet Le kermès des teinturiers Cet insecte petit comme un pois (6 à 8 mm de diamètre) a donné au Moyen Age la teinte rouge la plus prestigieuse dite écarlate, carmin, cramoisi, vermillon. La femelle adulte et ses milliers d’œufs remplis de colorants vivaient sur les branches et les rameaux du chêne kermès et étaient récoltés à main nue puis séchés pour la teinture. A la Renaissance, la cochenille du cactus venue d’Amérique l’a remplacé. rouge carmin, écarlate, vermillon rose Gaude ou réséda Cette plante donnait le jaune médiéval le plus soutenu et a été cultivée de manière intensive en Europe jusqu’au XIXe siècle. Au cours de la deuxième année de floraison, la plante bisannuelle et herbacée, se présente sous la forme d’une tige haute de 1,5 m terminée par une grappe dotée de petites fleurs jaunes. Tout est utilisé pour la teinture, notamment les tiges, les graines et les feuilles. jaune paille au jaune citron. La guède ou pastel La culture de cette plante bisannuelle aux fleurs jaunes devient industrielle, à partir de 1230, pour répondre aux exigences de l’importante industrie drapière. Pour extraire le colorant indigo, les opérations sont longues et complexes. Les feuilles et les tiges récoltées sont lavées, séchées et stockées sous forme de boules : les coques ou cocagnes. Broyées au moulin, elles donnent par fermentation un produit noir, granuleux, « la paste ou pastel ». bleu indigo, violet, grenat, noir, vert Cochenille Cet insecte parasite de plantes ne dépasse pas 1 cm de diamètre et fournit dès l’Antiquité une teinture rouge très recherchée. Chaque variété possède un habitat. Au Moyen Age, les cochenilles de Pologne et d’Arménie était ramassées lorsqu’elles sortaient de leurs caches souterraines pour l’accouplement. Elles recouvraient le sol d’un vaste tapis rouge. Séchées, elles servent de pigment et de colorant. rouge carmin, violet 3