Sélection expérimentale de la tolérance et de l

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ÉCOLE DOCTORALE « SCIENCES DE LA MATIERE, DU RAYONNEMENT
ET DE L'ENVIRONNEMENT » (ED104)
UNIVERSITE
: Université de Lille 1
Filière doctorale : Géosciences Ecologie Paléontologie Océanographie
Titre de la thèse : Sélection expérimentale de la tolérance et de l'hyperaccumulation du zinc chez Noccaea
caerulescens: perspectives pour la réhabilitation de friches industrielles polluées par les métaux
Direction de thèse : Pr. Pascal Touzet et co-encadrants: Hélène Frérot (MCF) et Maxime Pauwels (MCF)
Email de contact: [email protected]
Laboratoire(s) de Rattachement : Unité Evolution, Ecologie et Paléontologie, UMR CNRS 8198
Programme(s) de Rattachement : ANR Jeunes Chercheurs-Jeunes Chercheuses ELOCANTH (Evolution
de l’adaptation locale en environnement anthropisé)
Financement acquis / en cours: financement ADEME (en cours)
SUJET DE THESE
Contexte sociétal :
La région Nord/Pas-de-Calais a été le siège d'activités métallurgiques intenses. Ces activités ont notamment
entraîné l’émission de poussières métalliques qui ont pollué une aire d’environ 120 km² où plus de 55 000
personnes résident actuellement (Douay et al., 2008). Les sols de cette zone ont, en effet, accumulé de
grandes quantités d’éléments traces métalliques (ETMs) comme le zinc, le plomb et le cadmium dans leurs
couches supérieures. Les concentrations relevées sont souvent nettement supérieures aux normes en
vigueur. Cette pollution métallique peut induire une contamination des eaux souterraines et de la chaîne
alimentaire et entraîner un transfert des ETMs avec, à terme, des effets néfastes pour la santé humaine.
Dans ce contexte, la renaturation et/ou la remise en état des friches industrielles sont envisagées afin
d'éviter tout transfert des ETMs vers les nappes ou leur remobilisation éolienne.
Enjeux scientifiques :
La renaturation présuppose la capacité des organismes vivants à survivre et se reproduire sur les sites
pollués. Cependant, les niveaux de pollution élevés représentent des conditions écologiques si extrêmes
que peu d'organismes sont a priori capables de s'installer. Seules les espèces présentant la biodiversité
génétique suffisante pour s'adapter localement (Kawecki and Ebert, 2004) à la pollution pourront s'installer
durablement sur les sites et participer à la restauration d'une biodiversité spécifique. Chez les plantes
notamment, l'adaptation aux milieux pollués requiert l'évolution de capacités de tolérance à la toxicité des
ETMs du sols, et éventuellement d'hyperaccumulation de ces ETMs à des concentrations élevées dans les
feuilles (Macnair, 1997). Ces caractères sont rencontrés notamment chez les espèces métallophytes se
développant occasionnellement ou exclusivement sur des sols pollués. Actuellement, de nombreuses
études sont menées afin d'identifier les mécanismes génétiques existants chez ces organismes (voir, par
exemple: Verbruggen et al., 2009). A notre connaissance, cependant, aucune étude n'a analysé
expérimentalement la relation entre colonisation d'un sol pollué par les métaux et évolution des capacités de
tolérance et d'hyperaccumulation des métaux, ni les conditions nécessaires à l'évolution de ces traits.
De plus, la renaturation ne peut être envisagée sans une réflexion sur les conséquences de la colonisation
par une espèce végétale sur le devenir des métaux. L'interaction induite entre la plante introduite et les
métaux du sol peut être problématique si par exemple elle génère une plus grande biodisponibilité des
métaux ou si elle favorise leur transfert dans les chaînes alimentaires. Un programme de renaturation
s'accompagne donc idéalement d'un projet de gestion des métaux. Ce projet s'oriente vers la
phytostabilisation lorsque les plantes utilisées n'accumulent pas de métaux dans leurs tissus aériens et que
leur rôle est de confiner les métaux dans le sol, vers la phytoextraction lorsque les plantes hyperaccumulent
les métaux dans leurs tissus aériens et que leur rôle est d’extraire les métaux du sol (Bert, 2013). Dans ce
second cas, une récolte des organes aériens des plantes est nécessaire et une valorisation des matériaux
récoltés peut être envisagée (Anderson, 1999).
C’est pourquoi ce sujet de thèse a pour objectifs à la fois d’étudier l’évolution des capacités de tolérance et
d’hyperaccumulation en milieu pollué, mais aussi d’enrichir les réflexions sur les protocoles de sélection
variétale pour la phytostabilisation ou la phytoextraction, dans lesquels des niveaux spécifiques de tolérance
et d’hyperaccumulation sont à atteindre.
Méthodes expérimentales :
Dans ce contexte, nous proposons d’étudier les capacités de colonisation d’un sol pollué par le zinc de
Noccaea caerulescens (Brassicacée). Pour cela, nous mènerons une expérience d'évolution de la tolérance
et de l'hyperaccumulation du zinc chez cette espèce. Nous avons deux objectifs principaux: (1) déterminer
comment la biodiversité génétique présente dans l'espèce évolue sur sol pollué, c'est-à-dire dans quelle
direction la culture sur sol pollué sélectionne les caractères de tolérance et d'hyperaccumulation du zinc, afin
de (2) discuter quel projet de phytoremédiation pourrait accompagner l'utilisation d'une espèce comme N.
caerulescens pour la renaturation de friches industrielles polluées par les métaux. Le choix de N.
caerulescens provient du fait qu’elle est actuellement l'une des espèces métallophytes dont l'écologie et
l'évolution en conditions naturelles sont les plus étudiées. Un grand capital de connaissances est disponible,
qui permet de gagner un temps précieux lors de la mise en œuvre d'un projet expérimental.
Concrètement, il s’agira de cultiver en mésocosme, sur substrat pollué, des individus issus de populations
naturelles non-métallicoles de N. caerulescens. Deux populations expérimentales d'origine non-métallicoles
(EP2 et EP3) seront cultivées sur un sol pollué par du sulfate de zinc (niveau de pollution défini lors d’une
expérience préliminaire) afin de simuler la colonisation du sol pollué (voir figure ci-dessous). Une population
expérimentale d'origine non-métallicole (EP1) sera cultivée comme témoin sur un sol non pollué. Une
quatrième population expérimentale d'origine métallicole (EP4) sera cultivée sur un sol pollué afin de tester
nos conditions de culture. A chaque génération, la valeur sélective des individus en mésocosme sera
mesurée par un suivi phénotypique de traits écologiques végétatifs et reproducteurs, de façon à sélectionner
les génotypes les plus adaptés au substrat. Les mesures de valeur sélective seront utilisées pour construire
la génération suivante de chaque population expérimentale. A chaque génération, des graines seront aussi
prélevées pour effectuer des tests de tolérance et d'hyperaccumulation en conditions contrôlées. L'objectif
est de tester si les niveaux moyens évoluent. En parallèle, des échantillons d'ADN seront récoltés à chaque
génération pour effectuer un suivi moléculaire des populations expérimentales. L'objectif est de vérifier si la
diversité génétique évolue sous l'effet de l'adaptation aux conditions polluées. Le génotypage des individus
de différentes générations sera fait par "genotyping by sequencing" (GBS), à l'aide des techniques de
séquençage de nouvelle génération (Heffelfinger et al., 2014).
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