Comédie française 2007

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Des élèves d’EUREKA à la Comédie Française
Samedi 19 mai 2007 :
Ils ont osé !
Ils sont sans pitié !
Regardez nos mines déconfites !
Ils nous avaient alléchés en nous parlant d’une sortie à Disneyland. Certains d’entre nous
avaient trouvé le lieu de rendez-vous déjà suspect : Place Colette. Nos soupçons se sont
confirmés quand nous avons vu apparaître la conférencière dont les oreilles ne ressemblaient
pas du tout à celles de Mickey.
Trop tard. Les portes de la Comédie Française s’étaient refermées derrière nous tandis que
surgissait à nos yeux l’imposante statue de Talma, le grand tragédien de la fin du 18° siècle et
du début du 19°.Tête nue, cheveux courts, drapé dans sa toge à l’antique : le premier à jouer
la tragédie ainsi. Nos professeurs jubilaient, mais au 17° siècle, du temps où les nobles
offraient aux comédiens leurs costumes, ceux-ci étaient contemporains et rivalisaient de
splendeur.
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Nous sommes maintenant au pied de l’escalier menant au foyer des comédiens. Devant nous,
en compagnie de Corneille et de Racine, le buste de l’illustre fondateur : Molière, lui-même.
C’est ce buste que les comédiens qui ont le trac viennent toucher pour que tout se passe bien
pendant la représentation.
Quelle n’est pas notre surprise d’apprendre que Molière, mort en 1673, n’a jamais connu ce
théâtre, construit fin 18° par l’architecte Louis, ni même la Comédie Française née en 1680 de
la fusion, voulue par le Roi, de la troupe de l’hôtel Guénégaud, celle de Molière, et de la
troupe de l’hôtel de Bourgogne !
A l’étage, nous pénétrons dans le foyer des comédiens, juste à côté de la scène. Une
télévision, curieux objet dans ce cadre ancien, attire nos regards : elle permet aux comédiens
de suivre,non pas leur feuilleton favori, mais la représentation, pour savoir quand ils doivent
entrer ou retourner sur scène, sinon le régisseur vient les chercher. Nous voyons aussi un
miroir car cette pièce se transforme en loge lorsqu’un spectacle exige une distribution
imposante, comme Cyrano.
Le 15 janvier, date du baptême de Molière à Saint Eustache, la troupe se réunit ici pour la
traditionnelle « photo de classe » .Quant au portrait de Mignard, représentant Molière avec
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ses moustaches, il semble avoir fixé les traits de l’homme pour toujours : regardez, par
exemple, Romain Duris dans le film de Laurent Tirard, sorti cette année. Pourquoi le peintre
a-t-il choisi de nous montrer Molière dans un costume à l’antique ? Celui-ci avait fondé la
troupe de l’Illustre Théâtre et voulait obtenir la protection du roi, en jouant la tragédie. Sans
doute n’était-il pas très doué…Face à l’ennui de son royal public, il improvisa une farce, Le
Docteur Amoureux, qui connut un franc succès.
Parmi les nombreux tableaux qui se trouvent dans cette pièce : Les farceurs français et italiens
que nous nous essayons à identifier, dans leurs costumes traditionnels. Les reconnaissezvous ? Molière, à gauche, vous les présente, car il devait beaucoup à ces personnages
populaires. Regardez aussi les feux de la rampe : à l’époque, la scène était éclairée avec des
chandelles
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Après être passés devant une glace sans tain qui nous a permis, tout en jouant les détectives
invisibles, d’admirer le magnifique escalier voulu par Napoléon III pour le public, nous
constatons que la Comédie Française est bien dans l’air du temps : au mur, sur la longue liste
des administrateurs figure, pour la première fois, depuis 2006, une administratrice, Muriel
Mayette, nommée pour cinq ans, qui s’occupe de la programmation. Quant au doyen, c’est
une doyenne : Christine Fersen !
Devant nous, la porte de la salle du Comité, qui se réunit tous les ans, en décembre, pour
mettre à jour la liste des comédiens : « l’administration engage, le comité dégage », dit-on.
Car il faut respecter les règles de la maison. Par exemple, on ne doit pas jouer dans les
théâtres privés à Paris mais on peut obtenir l’autorisation de faire du cinéma ou de jouer au
théâtre en dehors de Paris, à condition de remplir d’abord ses obligations envers la Comédie
Française. Outre leur salaire, les comédiens perçoivent des parts de bénéfice. La troupe
comporte une soixantaine de membres : les pensionnaires sont les nouveaux arrivants, ils ont
des contrats de deux ans. Les sociétaires sont d’anciens pensionnaires qui ont obtenu des
contrats de cinq ans, renouvelables. Chaque sociétaire exerce, à tour de rôle, la fonction de
semainier : il décide si une représentation peut avoir lieu ou pas, en cas de problème (absence
d’un comédien…) Le plus ancien sociétaire, le doyen, participe au conseil d’administration.
Au mur, un tableau montrant Dumas en train de lire une de ses pièces devant le comité,nous
rappelle que dans ce lieu sont choisies, après lecture, les pièces qui entreront au répertoire.
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Non loin , le foyer La Grange, permet d’évoquer la figure attachante de ce comédien, grand
ami de Molière.
La Grange était chargé d’un rôle parfois bien ingrat : à la fin d’un spectacle, c’était lui qui
vantait les mérites du suivant : la publicité de l’époque !
Son registre, tenu scrupuleusement, nous apprend qu’en février 1673, Molière, malade en
scène, ne mourut pas pendant la représentation du Malade Imaginaire, mais chez lui, rue de
Richelieu où il avait été transporté.
La Grange reprit courageusement la troupe. Comme Lulli manoeuvra pour récupérer la salle
du Palais Royal, située à quelque distance de celle d’aujourd’hui, la troupe partit rive gauche.
Elle s’installa à l’hôtel Guénégaud, puis dans ce qui est actuellement la rue de l’Ancienne
Comédie , aux Tuileries ensuite, d’où nous est restée l’expression « côté cour, côté jardin »,à
l’Odéon jusqu’à la Révolution,avant de revenir au Palais Royal,à l’emplacement actuel.
Retour à la case départ !
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Nous quittons maintenant ces lieux réservés aux initiés pour nous rendre dans les endroits
accessibles aux spectateurs.
Le foyer du public tout d’abord .Il fut reconstruit en 1900 , après un incendie. Son plafond
s’orne d’une allégorie du théâtre .Tiens, près du bar : Voltaire ! Pourquoi cette sculpture de
Houdon ? Sa posture à l’antique ne vous rappelle donc pas qu’il était , de son vivant,très
célèbre grâce à ses pièces tragiques?
Houdon a aussi sculpté le buste de Molière, sur la cheminée. Seuls les tapissiers sont autorisés
à le déplacer, en mémoire de ses origines familiales. Sur le manteau de cette cheminée est
représenté , dans le marbre, un hommage à Molière. De même, chaque année, les comédiens
de la troupe viennent saluer leur « père ».
A notre tour. Nous allons au fond de la galerie des bustes rendre notre propre hommage à
Molière. Nous voici dans un silence quasi religieux, debout devant ce grand fauteuil abîmé,
le sien, dit-on, dans lequel la dernière personne à s’asseoir fut Charles Spencer Chaplin. Yes,
Sir.
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Nous pouvons accéder maintenant à la salle. Un premier aperçu nous en est offert depuis la
loge présidentielle dont le vestiaire donne sur la galerie des bustes. Georges Pompidou voulut
cette loge, de face, lassé de l’ancienne, qui était de côté, d’où l’on ne voyait qu’une partie de
la scène.
La salle, où domine le rouge depuis le 19° siècle, était au 17° en bleu et or, les couleurs
habituelles pour les théâtres, à cette époque.
Nos regards montent vers le magnifique lustre qu’on nettoie tous les ans,
pendant la Semaine Sainte, le seul moment où la Comédie Française ferme pendant plusieurs
jours consécutifs, comme le veut la tradition qui nous rappelle l’ancienne hostilité de l’Eglise
pour le théâtre (le grand Molière, lui-même, fut enterré pratiquement à la sauvette .) Quant
aux comédiens, s’ils lèvent les yeux vers les cintres, ils voient les décors des spectacles joués
en alternance (un des grands principes de la maison). Par manque de place, les autres décors
sont gardés à Sarcelles, dans les réserves.
Nous cherchons l’emplacement du souffleur. En fait, il y a quatre assistantes souffleuses dont
le rôle n’est pas seulement ce qu’on imagine : elles font répéter les comédiens et procèdent au
minutage des répliques, par exemple.
Les répétitions durent environ trois mois. La première fois que les comédiens jouent la pièce
en costume, il s’agit de « la couturière » ainsi dénommée parce qu’elle permettait autrefois
aux couturières de procéder aux derniers ajustements. Puis a lieu la « générale » : les
spectateurs sont des invités. Enfin, la « générale de presse » pour les critiques…
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Evocation de la Bataille d’Hernani
(En 1830, la pièce de V. Hugo propulsa le Romantisme sur le devant de la scène)
Tout est prêt désormais pour que retentissent aux oreilles du public les trois coups. Pardon,
les six coups : trois pour l’hôtel Guénégaud, trois pour l’hôtel de Bourgogne. Mais est-ce la
puissance de l’illusion théâtrale, tout semble s’animer autour de nous et bruire d’activités. Le
moment de se rappeler que la ruche est le symbole de la Comédie Française et sa devise
« Simul et singulis ». Comment s’étonner dès lors que la troupe ait obtenu six Molières en
2007 ?
Et vous, combien obtiendriez-vous de points au questionnaire suivant ?
1 Qu’est-ce qu’une « couturière » ?
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2 Qui occupe en ce moment le poste d’administrateur ?
3 Quand fut fondée la Comédie Française ?
4 Qui peut déplacer le buste de Molière ?
5 Quel est le symbole de la Comédie Française ?
6 Qu’est-ce qu’un(e) pensionnaire ?
7 Quel jour Molière fut-il baptisé ?
8 Que fait le comité lors de sa réunion annuelle ?
9 Quand la Comédie Française ferme-t-elle ?
10 Où Molière mourut-il ?
Question subsidiaire :
Pour quel spectacle la Comédie Française a-t-elle été récompensée aux Molières 2007 ?
Nous ne savons pas s’il est prévu un prix pour vos sans-faute mais nous préférons vous
prévenir : nos profs parlent déjà entre eux du Globe de Shakespeare pour l’année prochaine.
Encore un samedi épuisant en perspective. Alors s’ils vous parlent du musée Tussaud, d’une
photo avec la Reine ou George Clooney…MEFIEZ-VOUS pour ne pas avoir à dire , comme
nous,cette année :
« Ah !là !là ! qu’allions-nous faire dans cette galère ? » *
* bonus : A quelle pièce de Molière fait allusion cette remarque désappointée ?
Manal, Arezou et Mme Gille, en collaboration .
Maintenant, chut ! Voici les farceurs :
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