une séparation entre un sujet, un moi et l’autre chose qu’il regarde, par exemple. Par
exemple dans le simple fait de marcher, ce serait de ne pas vivre pleinement le fait de
marcher (en tant qu’expérience sensorielle), mais de ressentir un moi qui marche.
Comme si marcher avait besoin d'un moi. Non, il n’y a pas besoin. Vous n'avez pas non
plus besoin d'un moi pour écouter, ça écoute tout simplement. Ça écoute, ça voit, ça
marche. Beaucoup de choses n'ont pas besoin d'un moi. C'est une très grande surprise à
quel point on peut faire des choses, vivre des choses sans avoir besoin d'un moi. Ça
s'appelle un voile cognitif. C'est une façon de voir, de connaitre la réalité.
C'est tout ce travail sur les voiles émotionnels que nous avons en commun avec la
psychothérapie. C'est un travail énorme, sur les différentes émotions de base, en
commençant par la peur, l'angoisse. Vous avez peut-être entendu parler de l’ignorance.
Je crois qu'il y a de nombreuses personnes ici ce soir qui connaissent déjà bien le
bouddhisme. Souvent on n'entend pas parler de la peur, on entend parler de l'ignorance.
Mais l'expression émotionnelle de ne pas savoir, de ne pas être dans la pleine
conscience, c'est être inquiet, ne pas être à l'aise, jusqu'à être dans la vie avec une peur
existentielle. C'est là le domaine de ce qu'on appelle l'émotion racine, l’ignorance ou
peur. Et toutes les autres émotions (orgueil, désir, jalousie, etc.) s'élèvent de là. Toujours
avec une peur, un manque de conscience à la base et des besoins qui ne sont pas
comblés, qui ne sont pas vus, ne sont pas ressentis, qui sont refoulés.
Donc tout ce travail-là, depuis environ cent cinquante ans maintenant, est accompli par
la psychothérapie. Quand je parle de psychothérapie, j'inclus Freud, Lacan, etc., depuis la
psychanalyse jusqu'aux derniers mouvements des dernières décennies. Il y a beaucoup
de thérapies nouvelles qui se basent sur le savoir des anciens et qui ont vu le jour dans
les trente dernière années. Au cours de ces cent cinquante ans, la psychothérapie a fait
un énorme travail de recherche sur l'esprit humain, elle a développé beaucoup de
méthodes et de savoir-faire sur la façon d’aider quelqu'un à être mieux, à aller mieux, à
voir plus clair, à sortir des identifications, à se désidentifier, à ouvrir son cœur, à ouvrir
son esprit, à avoir une autre approche de la vie. Ce qui manque à la psychothérapie, c'est
qu’en général, il n'y a pas cette dimension spirituelle qui va au-delà du travail
thérapeutique.
Comment est-ce que je continue mon chemin quand je n'ai plus besoin de mon
thérapeute ? C'est là que commence ce qui est au-delà de la thérapie. Ce n'est pas encore
nécessairement spirituel, mais c'est un travail de tous les jours. Et parmi vous, il y a
certainement beaucoup de thérapeutes, donc vous continuez dans le quotidien, avec
votre conjoint, avec vos enfants, avec vos proches, à faire un travail sur vous-même, un
travail dont vous devez admettre que c’est un travail de pleine conscience. Vous prenez
conscience des mouvements émotionnels, des petites réactions, vous vous freinez, vous
regardez. Vous avez appris à échanger là-dessus, à ne pas refouler, à exprimer, à
exprimer sans attaques, sans défenses. À simplement partager tout votre savoir-faire
thérapeutique quand vous êtes dans le quotidien. Et même si vous ne faites plus de
thérapie personnelle, vous continuez un chemin. Et sur ce chemin, puisque vous êtes
thérapeute, vous vous posez de plus en plus de questions existentielles. Quel est
vraiment le sens de la vie ? Vers quoi est-ce que je dirige mes patients, mes clients ?
Qu'est-ce qui est vraiment important dans la vie ? Et c'est là, très naturellement, qu'on se
tourne vers des voies qui contiennent un peu plus de cet élément contemplatif. On
découvre d'abord le « moins faire », puis le « rien faire ». On voit que les qualités de la