L`informatisation, un enjeu clé pour l`hôpital

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L’informatisation,
un enjeu clé
pour l’hôpital
Sécurisation du circuit du médicament, suivi des
prescriptions, évolution du rôle du pharmacien :
Agnès Bobay-Madic, Docteur en pharmacie et présidente
de l’ADIPH 1, revient sur les enjeux de l’informatisation
à l’hôpital, en plein essor.
Comment se fait le choix des médicaments référencés
dans un hôpital ?
● Tout passe par la COMEDIMS 2, qui définit le « livret thérapeutique » : cette liste de médicaments disponibles à l’hôpital évolue en fonction des besoins, des référentiels de bon usage du médicament, des arrêts de
commercialisation… Ce livret est local, car il dépend
des spécialités médicales exercées à l’hôpital et aussi des
habitudes de prescription. La COMEDIMS se réunit
au minimum trois fois par an. Pharmaciens et médecins
y sont représentés, ainsi que d’autres acteurs concernés par les médicaments et les dispositifs médicaux et
des représentants des différentes instances de l’hôpital.
Comment se font les nouvelles inscriptions ?
● Tout dépend de l’organisation mise en place. Par exemple,
à l’hôpital de Lisieux, la COMEDIMS a chargé un groupe
de travail d’étudier toute nouvelle demande de référencement. Celle-ci émane obligatoirement d’un médecin, qui
doit remplir un dossier détaillé pour objectiver sa demande.
Le groupe de travail, qui a une plus grande réactivité que la
COMEDIMS (une réunion par mois), étudie la demande
et ses décisions sont validées par la COMEDIMS suivante.
Il peut ainsi décider, sur des arguments scientifiques et économiques, d’inscrire une spécialité au livret, en définissant
d’éventuelles restrictions de prescription, par exemple en le
réservant à certaines indications précises. La COMEDIMS
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PHARMACEUTIQUES - MAI 2008
« LE RÔLE DU PHARMACIEN
HOSPITALIER VA ÉVOLUER
VERS LA PHARMACIE
CLINIQUE », ESTIME AGNÈS
BOBAY-MADIC, PRÉSIDENTE
DE L’ADIPH.
peut également charger des groupes d’experts de revoir
l’ensemble de l’arsenal thérapeutique disponible pour traiter une ou plusieurs pathologies. Cela arrive notamment à
l’occasion de l’arrivée de nouveaux médicaments qui remettent en question la prise en charge médicale des patients.
Les regroupements d’hôpitaux ont-ils un impact sur les
prix des médicaments ?
● L’hôpital est soumis au Code des marchés publics et lance
des appels d’offre pour la majeure partie des médicaments.
Leur durée, leur fréquence et leur contenu est variable en
fonction de la taille des hôpitaux. Ce type de procédure est
lourd d’un point de vue administratif, mais a l’avantage
de mettre les laboratoires en concurrence, même si elle est
limitée quand il n’existe pas de génériques. Malgré tout,
la COMEDIMS décide de l’allotissement et peut aussi,
sur des arguments scientifiques d’équivalence, mettre en
concurrence plusieurs molécules d’une même classe thérapeutique (ex : les Héparines de bas Poids moléculaire). Les
petits hôpitaux qui, du fait de leurs volumes d’achat peu
importants, pouvaient faire des procédures adaptées et négocier leurs prix, sont de plus en plus incités par les Agences
régionales d’hospitalisation (ARH) à mutualiser leurs procédures et à intégrer des groupements d’achat. C’est ce qui
s’est passé récemment dans la région Basse-Normandie où
notre groupement va passer de 12 à plus de 30 hôpitaux !
Pour les médicaments hors T2A, un prix plafond est fixé par
Hôpital Dossier
DR
du médicament à plus ou moins long terme. La certification des hôpitaux mise en place par la HAS, avec des échéanciers à cinq ans et des rapports rendus publics, est également
un moteur essentiel dans la dynamique d’informatisation.
le CEPS3
et si l’hôpital achète
moins cher
grâce à des volumes importants,
il récupère la moitié de
l’économie réalisée. Dans le
choix des médicaments, le prix est
important, bien sûr, mais c’est loin d’être le seul
critère. Pour un médicament, la qualité est même primordiale : le conditionnement unitaire est ainsi privilégié, car il sécurise le circuit du médicament, et on prend
en compte dans le coût global tous les coûts annexes
qui concernent par exemple les conditions de livraison, les dépannages en urgence et le coût d’utilisation...
Comment se déploient les systèmes d’information à
l’hôpital, notamment au regard du circuit du médicament ?
● Nous sommes en période de transition et l’informatisation
est en plein essor. Mais il existe des disparités énormes entre
hôpitaux : certains établissements sont bien avancés, tandis
que d’autres démarrent à peine. En outre, il n’y a pas un hôpital qui ait un système d’information identique à un autre.
Résultat, il est trop tard pour que les autorités puissent imposer un modèle unique : chaque hôpital doit se débrouiller seul.
Selon moi, il faudra encore 10 ans pour que l’ensemble des
hôpitaux soient totalement informatisés, d’autant plus qu’on
est désormais dans une perspective d’informatisation de l’ensemble de la production de soins : le dossier patient, le circuit
du médicament, sont autant de projets d’informatisation qui
ne doivent pas occulter une problématique globale de prise en
charge du patient. Il n’existe pour l’heure pas d’échéance globale pour la mise en place de l’informatisation, mais chaque
hôpital doit signer un Contrat de bon usage du médicament
(CBUM) qui l’engage notamment à informatiser son circuit
Quels sont les bénéfices attendus de l’informatisation pour
les médicaments ?
● C’est d’abord la sécurisation du circuit du médicament
qui permettra de diminuer les erreurs qui concernent 8 à
20 % des médicaments administrés à l’hôpital. On estime
que 15 000 à 17 000 morts par an en France pourraient être
liées aux médicaments (effets indésirables + erreurs médicamenteuses) : c’est plus que les accidents de la route ! Il s’agit
d’un vrai problème de santé publique. Pour moi, l’informatisation est aussi une vraie chance que le pharmacien hospitalier (PH) doit saisir. Elle va en effet lui permettre de se repositionner comme le spécialiste du médicament, de l’analyse
des ordonnances, du suivi du traitement et notamment des
effets indésirables, des adaptations de posologie, des interactions médicamenteuses, mais aussi du conseil aux patients et à
l’équipe soignante… Je pense que grâce à l’informatisation et
à l’automatisation, le PH va pouvoir dégager du temps pour
aller dans les services et faire évoluer son rôle vers la pharmacie
clinique. L’autre enjeu de l’informatisation est économique,
car elle améliorera les performances du circuit et elle permettra un meilleur suivi des prescriptions et de la consommation
de médicaments, ce qui présente un intérêt certain pour les
autorités de santé. Au final, chacun y trouvera son compte. n
Propos recueillis par Valérie Moulle
(1) Association pour le développement de l’internet en pharmacie hospitalière — ADIPH (www.adiph.org).
(2) Commission des médicaments et des dispositifs médicaux
stériles — COMEDIMS.
(3) Comité économique des produits de santé — CEPS.
L’ADIPH et ses objectifs.
L’ADIPH est une association loi 1901, à but non lucratif, créée il y a une dizaine d’années. Elle regroupe
aujourd’hui environ 1 800 adhérents et affiche deux
objectifs essentiels : l’information et la formation, le
tout fondé sur les principes fondamentaux d’internet : accès à tous, participation et libre expression
des acteurs, gratuité. Le fonctionnement repose sur
deux volets : d’un côté, le site internet, public (www.
adiph.org), avec partage de documents et mise en ligne de textes officiels (500 visites par jour environ),
et de l’autre, les listes de diffusion, privées et réservées aux PH (3 000 messages échangés par an). Ces
listes, au nombre de cinq, permettent aux adhérents
de partager leurs expériences : le pharmacien pose
sa question aux autres adhérents qui peuvent lire les
messages et répondre à l’ensemble de la communauté.
Une des listes, créée en avril 2007, concerne les systèmes d’information. En un an, près de 300 messages y
ont été échangés, preuve que c’est un sujet d’actualité.
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