Modulateur optique silicium pour transceiver 10 Gbit/s

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Modulateur optique silicium pour transceiver 10 Gbit/s
Melissa Ziebell1 , Gilles Rasigade1 , Delphine Marris-Morini1 , Éric Cassan1 , Laurent Vivien1 ,
Jean-Marc Fédéli2 , Frédéric Milesi2 , Philippe Grosse2
1
Institut d’Électronique Fondamentale,
Université Paris-Sud,
CNRS, Bât. 220, 91405 Orsay
2
CEA-LETI,
Minatec Campus,
17, rue des Martyrs, 383054 Grenoble
E-mail: [email protected]
Résumé
Ce article présente les résultats expérimentaux d’un
modulateur optique haute fréquence basé sur la déplétion
de porteurs dans une jonction PIPIN. Ce modulateur
présente une transmission optique à 10 Gbits/s avec un
taux d’extinction de 8 dB et des pertes d’insertion de
l’ordre de 6 dB.
1. Introduction
La phonique silicium est la solution pour l’intégration
de la photonique avec la microélectronique Cette
technologie est envisagée pour remplacer les interconnexions métalliques des circuits intégrés car les liaisons
photoniques pourraient transporter plus d’information
à des débits plus importants et en utilisant moins de
puissance électrique. De plus la photonique silicium
peut fournir des solutions rentables dans le domaine
des télécommunications optiques grâce à l’intégration
de l’optique avec l’électronique de commande des
composants [1]. La réalisation d’un lien optique rapide
pour transporter une information à haut débit nécessite
le développement de blocs de base performants (source
laser, modulateur et photodétecteur) et compatibles avec
la technologie CMOS.
Pour réaliser un modulateur optique il faut pouvoir agir
électriquement sur les propriétés optiques du matériau.
Dans le silicium, il est possible d’obtenir des variations
d’indice de réfraction par variation de concentration
de porteurs libres. En 2004, depuis la conception par
Intel du premier modulateur silicium haute fréquence
fonctionnant au-delà de 1 GHz [2] à partir d’un dispositif
basé sur l’accumulation des porteurs d’une capacité
MOS, différents modulateurs optiques en silicium
fonctionnant à haute fréquence ont été développés et
améliorés, en utilisant différents dispositifs comme
l’injection ou la déplétion de porteurs dans des jonctions
pn et pin verticales et horizontales [3], [4], [5] Un débit
allant jusqu’à 40 Gbit/s a même été obtenu [6], mais avec
un taux d’extinction de 1dB uniquement.
Cependant, même si la bande passante est un facteur
important, ce n’est pas le seul facteur de mérite du
modulateur. Il est également important de concevoir un
modulateur présentant simultanément de faibles pertes
optiques et un fort taux d’extinction pour l’intégrer avec
les applications existantes. La structure présentée ici
fonctionne sur la déplétion de porteurs de une diode
PIPIN latérale polarisée en inverse et intégrée dans un
interféromètre Mach-Zehnder. Une modulation à 10
Gbit/s est obtenue, avec un taux d’extinction de 8,1 dB et
des pertes d’insertion de l’ordre de 6 dB.
Cet article présente dans une première partie la
conception du modulateur optique, et les résultats
expérimentaux sont présentés ensuite.
2. Modulateur silicium
Le modulateur optique présenté ici est basé sur la
déplétion des porteurs dans une jonction PIPIN Les
points principaux du design et son principe de fonctionnement sont décrits ci-dessous.
2.1. Déplétion de porteurs
Dans un guide d’onde silicium, une modulation
optique est obtenue par variations de l’indice effectif
(∆nef f ) et du coefficient d’absorption (∆αef f ) du
mode guidé, créés par des variations locales d’indice de
réfraction (∆n) et du coefficient d’absorption (∆α) dans
le guide d’onde. Ces variations locales sont obtenues
par variations des densités des porteurs libres dans le
matériau. Pour une longueur d’onde de λ = 1,55 µm, ∆n
and ∆α sont décrits par les équations suivantes [7] :
∆n = −8, 8 × 10−22 ∆N − 8, 5 × 10−18 ∆P 0,8
(1)
∆α = 8, 5 × 10−18 ∆N − 6, 0 × 10−18 ∆P
(2)
(a)
∆φ =
2π
∆nef f L,
λ
(3)
Dans l’équation, L est la longueur du dispositif, ∆ nef f
est la variation d’indice effectif du mode et λ la longueur d’onde de la lumière, soit 1,55 µm. La modulation
d”intensité optique est ensuite obtenue par conversion de
la modulation de phase en utilisant un interféromètre de
type Mach-Zehnder.
Jonction PIPIN
420 nm
400 nm
où ∆P and ∆N sont les variations de densité de trous et
d’électrons exprimés en cm−3 .
Pour des concentrations de porteurs inférieures à
quelques 10−19 cm−3 , les trous créent une variation plus
importante d’indice de réfraction que les électrons, et
sont donc plus efficaces en terme de modulation optique.
Le modulateur optique est donc basé sur une variation de
concentrations en trous dans le guide d’onde.
La variation de l’indice effectif crée une variation de
phase du mode optique guidé donnée par :
p++
p+
i
i
n++
n+
(b)
G
S
G
métal
métal
métal
BOX
électrodes RF coplanaires
2.2. Design du dispositif
Le design du modulateur est composé d’une jonction
PIPIN (figure 1a) intégrée dans un guide d’onde en arête.
La structure PIPIN consiste en une fente dopée P implantée dans la région intrinsèque d’une jonction PIN.
Quand une tension inverse est appliquée à la diode, les
trous situés à l’équilibre dans la fente dopée sont chassés
de la région active, créant une augmentation de l’indice
effectif du mode guidé [8].
La région active du modulateur optique PIPIN a été
orientée latéralement par rapport au plan du substrat.
Cette disposition présente plusieurs avantages par rapport
à une orientation verticale de la diode. Premièrement les
pertes optiques sont réduites car les contacts métalliques
du dispositif sont déposés de chaque côté de l’arête du
guide, relativement loin de la zone active. Deuxièmement
la résistance d’accès et la capacité de la structure sont
réduites sans augmentation des pertes optiques, ce qui est
important pour un fonctionnement à haute fréquence [9].
Pour pouvoir caractériser les modulateur optiques à
hautes fréquences, une ligne coplanaire de type GSG
(ground-signal-ground), où G fait référence à une ligne
masse a été choisie pour appliquer la tension tout le long
de la région active (figure 1b).
2.3. Interféromètre Mach-Zehnder
Un interféromètre Mach-Zehnder (MZ) est utilisé
pour convertir la convertir la modulation de phase à la
modulation d’intensité (figure 1c). Lorsqu’une onde entre
dans le MZ, elle est divisée et transmise sur les deux
bras. La modulation est appliquée dans l’un des bras et
l’autre sert de référence de phase. Après la propagation de
ces deux ondes, celles-ci sont recombinées et interférent
l’une avec l’autre. Le MZ utilisé est asymétrique (les bras
sont de longueur différente) et la tension est appliquée
Sortie
RL
(c)
RF source
modulateurs
PIPIN
Entrée
F IGURE 1. (a) vue en coupe de la région active du modulateur (diode PIPIN intégrée dans un guide d’onde)
(b) électrodes RF coplanaires (c) Interféromètre MachZehnder.
dans un seul bras en utilisant les électrodes de ligne coplanaire.
2.4. Efficacité
Autres paramètres à considérer pour l’efficacité du
modulateur sont les pertes de niveau de puissance to-
tale en sortie de modulateur par rapport a la puissance
d’entrée (pertes d’insertion), ainsi comme les niveau haut
et bas du signal optique modulé (taux d’extinction). Obtenir un haut taux d’extinction est idéal.
2.5. Résultats expérimentaux
Les modulateurs optiques ont été fabriqués au CEALETI. Le guide d’onde est large de 420 nm, possède une
hauteur sous l’arête de 400 nm et une profondeur de gravure de 300 nm. La longueur de la région active est de
1,8 mm. Les concentrations d’impuretés pour les régions
P+, P active, et N+ varient entre 3×1017 cm−3 et 1×1018
cm−3 .
La caractérisation du modulateur consiste à mesurer la
transmission optique pour différentes valeurs de la tension inverse. La lumière issue d’une source laser est polarisée TE et couplée dans le guide d’onde directement
par la tranche de l’échantillon grâce une fibre. En sortie de l’échantillon, la lumière est collectée au moyen
d’objectifs et focalisée dans une fibre optique connectée
à un photodétecteur infrarouge. L’application d’une tension entre les électrodes conduites à une variation de la
puissance optique.
Le spectre en sortie de la structure est présenté sur la figure 2 pour des tensions inverses comprises entre 0 V et
8 V. La transmission a été normalisée par la transmission
de guides droits sur la même puce, de manière à s’affranchir des pertes de couplage optique, et mesurer les pertes
d’insertion du modulateur.
les niveaux haut et bas). A cette longueur d’onde, les
pertes d’insertion du modulateur sont mesurées à ∼6 dB.
De plus, l’efficacité du modulateur est défini par le facteur Vπ ·Lπ , où Vπ et Lπ sont la tension de polarisation
appliquée à la jonction et la longueur de la structure requise pour avoir une déphasage de π [10]. Au plus ce
facteur est faible au plus le modulateur est efficace. Les
résultats présentés sur la figure 2 ont permis de déduire
une efficacité de modulation Vπ ·Lπ de 6 V·cm pour des
tensions inverses supérieures à 4 V. Cette efficacité augmente (Vπ ·Lπ diminue) aux plus faibles tensions de polarisation. Vπ ·Lπ = 4 V·cm est obtenu pour V inférieur à
4V.
Enfin la rapidité de fonctionnement du modulateur optique a été testée par la mesure de sa transmission optique en appliquant un signal pseudo-aléatoire (PRBS) à
10 Gbit/s, avec une tension pic à pic supérieure à 7 V.
Une tension inverse DC de 4V est ajoutée à la tension
RF, pour que le modulateur soit toujours polarisé en inverse. Le diagramme de l’oeil obtenu est reporté sur la
Fig. 3, et présente un taux d’extinction de 8,1 dB.
0
Transmission (dB)
-5
-10
-15
Taux d’extinction
8 dB
-20
-25
F IGURE 3. Diagramme de l’œil à 10 Gbit/s montrant
un taux d’extinction supérieur à 8 dB.
0V
2V
4V
6V
8V
1554 1556 1558 1560 1562 1564 1566 1568 1570
3. Conclusion
Longueur d’onde (nm)
F IGURE 2. Transmission normalisée en fonction de la
longueur d’onde pour différentes tensions inverses.
Sous 0V la transmission présente des maxima et minima en raison de la différence de longueur et donc
de chemin optique entre les 2 bras. En fonction de
la longueur d’onde les ondes se recombinent donc en
phase (transmission maximale) ou en opposition de phase
(transmission minimale). Lorsque la tension inverse augmente, la déplétion des trous dans la région active
conduit à une augmentation de l’indice effectif et par
conséquence un décalage du spectre de transmission optique. Sur la figure 2 on peut voir que à λ = 1561 nm
la transmission optique passe de -13 dB à -6 dB, qui
représente un taux d’extinction de 8 dB (différence entre
En conclusion, un modulateur silicium haute
fréquence basé sur une diode PIPIN a été présenté. Les
mesures expérimentales ont permis mettre en évidence
une transmission optique à 10 Gbit/s avec un taux
d’extinction de 8,1 dB, des pertes d’insertion ∼6 dB,
et une efficacité de modulation de 4 V·cm. Les futures
optimisations du dispositif visent à augmenter l’efficacité
de modulation et la bande passante pour atteindre des
débits de 40 Gbit/s.
4. Remerciements
La recherche menant à des résultats présentés a reçu
un financement de la communauté européenne en vertu
de la subvention n-224312 HELIOS et par le projet SILVER de l’ANR
Références
[1] R. Won, “Integrating silicon photonics,” Nature
Photonics, vol. 4, pp. 498–499, 2010.
[2] A. Liu, R. Jones, L. Liao, D. Samara-Rubio, O. Cohen, R. Nicolaseu, and et al., “A high-speed silicon optical phase modulator based on a metaloxide-semiconductor capacitor,” Nature, vol. 427,
pp. 615–618, 2004.
[3] A. Liu, L. Liao, D. Rubin, H. Nguyen, B. Ciftcioglu, Y. Chetrit, and et al., “High speed optical modulation based on carrier depletion in a silicon waveguide,” Opt. Express, vol. 15, pp. 660–668, 2007.
[4] D. Marris-Morini, L. Vivien, J. M. Fédeli, E. Cassan, P. Lyan, and S. Laval, “Low loss and high
speed silicon optical modulator based on a lateral
depletion carrier depletion structure,” Opt. Express,
vol. 16, pp. 334–339, 2008.
[5] A. Liu, L. Liao, D. Rubin, J. Basak, Y. Chetrit,
H. Nguyen, and et al., “Recent development in a
high-speed silicon optical modulator based on a
reverse-biased pn diode in a silicon waveguide,” Semicond. Sci. Technol., vol. 23, pp. 1–7, 2008.
[6] L. Liao, A. Liu, D. Rubin, J. Basak, Y. Chetrit,
H. Nguyen, and et al., “40 gbit/s silicon optical modulator for high-speed applications,” Electron. Lett.,
vol. 43, no. 22, pp. 1196–1197, 2007.
[7] R. Soref and B. Bennett, “Electrooptical effects in
silicon,” IEEE J. Quantum Electron., vol. 23, no. 1,
pp. 123–129, 1987.
[8] G. Rasigade, D. Marris-Morini, L. Vivien, and
E. Cassan, “Performance evolution of carrier depletion silicon optical modulators : From p-n to p-i-pi-n diodes,” IEEE J. Sel. Top. Quantum Electron.,
vol. 16, pp. 179–184, 2010.
[9] G. Rasigade, “Modulateur optique haute-fréquence
sur substrat silicium-sur-isolant,” Ph.D. dissertation, Université Paris-Sud 11, 2010.
[10] D. Marris-Morini, L. Vivien, G. Rasigade, J. M.
Fédéli, E. Cassan, X. L. Roux, and et al., “Recent
progress in high-speed silicon-based optical modulators,” Proc. IEEE, vol. 97, pp. 1–17, 2009.
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