RÉDACTION
ET COORDINATION
DU DOSSIER :
Didier CARAES
Chambres d’agriculture
France, Service
Études, Références et
Prospective
avec la participation
rédactionnelle de
Thierry POUCH, Quentin
MATHIEU.
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SORTIR DE LA CRISE : UN IMPÉRATIF POUR L’AGRICULTURE FRANÇAISE !
PAR CLAUDE COCHONNEAU, Vice-Président de l’APCA, Président de la Commission économie
REVENU AGRICOLE : UNE CROISSANCE DE LONG TERME EN TROMPE L’ŒIL
VOLATILITÉ DES PRIX : IL FAUT AIDER LES ÉLEVEURS À S’ADAPTER !
INTERVIEW DE DANIEL ROGUET, Président de la Chambre d’agriculture de la Somme,
Responsable de la Commission élevage à l’APCA
CONSOMMATION ALIMENTAIRE : ETAT DES LIEUX EN FRANCE
AGRICULTURE FRANÇAISE : LES ENJEUX DU CHANGEMENT DE MODÈLE PRODUCTIF
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Chambres d’agriCulture - n°1049 Janvier 2016
AGRICULTURE FRANÇAISE
SORTIR DE LA CRISE :
UN IMPÉRATIF
POUR LAGRICULTURE
REPÈRES ÉCONOMIQUES 2015
Au moment de faire le bilan de l’activité agricole de 2015 et en ce début
d’année 2016, la crise des éleveurs laitiers et des éleveurs de porcs
s’impose à l’esprit. Les éleveurs se trouvent ainsi dans une situa-
tion caractéristique de l’agriculture d’aujourd’hui : investissements lourds,
marchés concurrentiels y compris de la part de nos partenaires européens
(ce n’est pas le moindre des paradoxes de la construction européenne qui,
historiquement, était plutôt fondée sur un partenariat) et revenu toujours
incertain. Au moment les agricultures françaises et européennes ont
pris le tournant de l’agro-écologie, voilà un rappel à l’ordre de l’économie
agricole telle qu’elle se concrétise ! Si les contraintes environnementales
s’imposent pour un développement durable de l’agriculture, les marchés
se gagnent par les prix, c’est-à-dire par l‘obtention d’économie d‘échelles
et la standardisation de la production. On reconnaît les bases du produc-
tivisme si décrié, productivisme qu’une demande sociale voudrait mettre
à mal.
Mais l’année 2016 est aussi porteuse de signe de changements vertueux
pour l’agriculture française. On constate, par exemple, que la demande
des ménages en biens agroalimentaires est toujours forte sur le marché
domestique, avec une bonne dynamique de consommation en produits bio
et en produits territorialisés. Les agriculteurs français ont tous les atouts
pour répondre à cette demande. Les marchés à l’exportation sont, eux aus-
si, porteurs, même si la concurrence y est vive et les enjeux géopolitiques
déstabilisants. La concurrence s’intensifie dans l’UE, l’Espagne ayant dé-
sormais dépasla France en termes d’exportations. Mais les sous-per-
formances enregistrées par la France sur le marché intra-communautaire
sont compensées par celles obtenues sur les marchés tiers, et notamment
sur les pays émergents.
Voici donc un bilan 2015 où l’agriculture française est au cœur d’injonctions
sociétales fortes et parfois contradictoires (du durable et des prix), ceci
dans un contexte de marchés agricoles tendus subissant les soubresauts
de la mondialisation. Mais un bilan avec tout de même des perspectives,
car si on en croit les conjoncturistes de l’INSEE, 2016 sera l’année d’un
retour de la croissance et même si cette croissance s’annonce plutôt faible,
gageons que l’agriculture y contribuera et en bénéficiera.
SORTIR DE LA CRISE :
UN IMPÉRATIF POUR
L’AGRICULTURE FRANÇAISE !
Claude COCHONNEAU
Vice-Président de lAPCA,
Président de la Commission
économie
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Chambres d’agriCulture - n°1049 Janvier 2016
dOssierdOssier agriCulture franÇaise / rePères ÉCOnOmiques 2015
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Les indicateurs du revenu agricole
sont des outils incontournables pour
bien appréhender les évolutions de
l’économie agricole sur le court, moyen et
long terme.
L’année 2015 a été marquée par les
graves crises que traversent les secteurs
d’élevage laitier et porcin. La publication
d’une croissance forte des indicateurs
de revenu par l’INSEE est ainsi particu-
lièrement mal passée dans l’opinion du
monde agricole. En toute explication
l’institut statistique national n’a pas voca-
tion à éclairer la diversité des situations
sectorielles ; il faudra attendre en effet la
fin de l’année 2016 pour que le Ministère
de l’agriculture se livre à cet exercice et
que soit publiée une mesure du revenu
des éleveurs laitiers et de porcins pour
l’année 2015.
Dans ce contexte de décalage entre la
statistique macroéconomique et le vécu
des agriculteurs, il est important de reve-
nir sur ces chiffres et de mettre en pers-
pective ce qu’ils montrent de l’agriculture
française sur long terme. Les quatre
graphiques publiés dans cet article nous
permettent d’en faire une lecture en ap-
portant un éclairage particulier.
2015 : UNE TENSION
SUR LA PRODUCTION
ET UNE DÉCRUE DES PRIX
DES CHARGES (GRAPHIQUE 1)
La croissance du revenu agricole mesu-
rée par l’INSEE pour l’année 2015 n’est
pas tirée par la production mais par le
repli du coût des intrants.
En 2015, du côté de la production, la
dégradation des résultats des secteurs
en difficulté et en crise (porcs, lait, vins
d’appellation d’origine) est « statisti-
quement » compensée par ceux des
secteurs à la conjoncture économique
plus favorable (fruits, pommes de terre,
blé tendre). In fine l’indice de valeur
de la production agricole est ainsi affi-
ché comme stable en 2015. Quelques
explications doivent être apportées pour
expliquer cette situation. Du milieu des
années 2000 jusqu’à 2013, la valeur des
consommations intermédiaires utilisées
par la branche agricole a augmenté très
nettement, en particulier sous l’impul-
sion de la hausse du prix de l’énergie.
Or depuis deux ans, une décrue dans
ce domaine (en raison, justement de la
baisse du prix de l’énergie) est observée,
ce qui explique pour partie l’amélioration
du revenu agricole ces deux dernières
années, dans une perspective exclusive-
ment macroéconomique.
Les constations à long terme montrent
cependant que l’écart entre la valeur de
la production et la valeur de consomma-
tions intermédiaires se réduit. La valeur
ajoutée de la branche agricole baisse
donc d’années en années, ce que révèle
le second graphique de cet article.
revenu agriCOle
UNE CROISSANCE DE LONG TERME
EN TROMPE L’ŒIL
Selon les prévisions de
l’INSEE, le revenu agricole
progresserait en 2015. Il
s’agit cependant d’une
hausse en trompe l’œil qui
s’explique par une accalmie
des prix des intrants utilisés
par la branche agricole.
Du côté de la production,
la conjoncture globale
est eectivement peu
encourageante ! En outre, la
croissance de long terme
des indicateurs du revenu
agricole par actif tient,
pour une bonne part, à un
eet démographique : la
baisse du nombre des actifs
agricoles est plus rapide que
la baisse du revenu dégagé
par la branche agricole.
Chambres d’agriCulture - n°1049 Janvier 2016
© MARQUE F. CA 64
Le repli du coût des intrants
a largement influencé les
chiffres présentés par
l’INSEE.
Epandeur d’engrais et
tracteur guidé par satellite.
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BAISSE TENDANCIELLE
DU REVENU DE LA FERME
FRANCE (GRAPHIQUE 2)
Le revenu net de la branche agricole
s’élèverait à 14,7 milliards en 2015. Cet
indicateur est le solde de : production
+ subventions - consommations inter-
médiaires impôts sur la production
charges salariales – intérêts – fermages
consommation de capital fixe (équiva-
lent des amortissements, en comptabi-
lité d’entreprise) pour l’ensemble de la
branche agricole.
Le revenu net de la branche agricole
connaît une érosion de long terme. En
1973, au plus haut point de sa valeur, il
s’élevait à 42 milliards d’Ð (Ð de 2015).
Paradoxalement depuis la moitié des
années 2000 et l’entrée de l’agriculture
française dans un régime d’instabilité,
la valeur du revenu net de la branche
agricole semble s’être stabilisée. La
baisse du nombre d’actifs agricoles
(graphique 3), conduit à la progression
de moyen terme du revenu agricole par
actif non salarié (graphique 4).
ACTIFS AGRICOLES :
LES EFFECTIFS ONT BAISSÉ
DE 76 % DEPUIS 1970
(GRAPHIQUE 3)
Le nombre d’actifs agricoles non-salarié
baisse chaque année de l’ordre de - 1,5
à – 2,5 %. L’INSEE émet l’hypothèse que
cette baisse s’établirait à -2,2 % en 2015.
Par actif non salarié, il faut comprendre
les chefs d’exploitations et co-exploi-
tants des exploitations agricoles, des
coopératives d’utilisation de matériel
agricole et des entreprises de travaux
agricoles. L’accumulation de ces baisses
annuelles conduit à ce qu’aujourd’hui, le
nombre d’actifs agricoles non-salariés
représente 24 % des effectifs présents
en 1970.
FORTE INSTABILITÉ DU
REVENU DE LA BRANCHE
AGRICOLE DEPUIS 10 ANS
(GRAPHIQUE 4)
L’érosion démographique est plus in-
tense que l’érosion économique, ce qui
se traduit depuis le début des années
90, par une croissance de long terme
du revenu agricole par actif non-salarié.
Cette croissance est bien entendu assez
paradoxale et indique des évolutions
économiques et démographiques plutôt
négatives pour l’agriculture française
depuis des décennies.
L’évolution de l’indicateur du revenu net
de la branche agricole par actif non sala-
rié sur long terme montre qu’une rup-
ture forte dans l’économie agricole fran-
çaise s’est produite en 1992. Avant cette
date, les politiques agricoles avaient
assuré une stabilité économique de
moyen terme. Après 1992, les réformes
des politiques agricoles ont ancré l’agri-
culture française sur les marchés mon-
diaux, pour le meilleur (progression du
revenu moyen de 1992 à 1998), le moins
bon (décroissance tendancielle du reve-
nu moyen de 1999 et 2004) et l’incertain
(évolution chaotique depuis 2005).
Chambres d’agriCulture - n°1049 Janvier 2016
Revenu net de la
branche agricole
42
milliards d’€ (1973)
14,7
milliards d’€ (2015)
76
baisse du nombre
d’actifs non salariés
agricoles depuis 1970
-2,2 %
estimation du nombre
d’actifs agricoles non
salariés selon l’INSEE en 2015
LE NOMBRE D’ACTIFS NON SALARIÉS
AGRICOLES NE CESSE DE DIMINUER
D’ANNÉE EN ANNÉE, CE QUI INFLUE
ÉGALEMENT SUR LES RÉSULTATS MACRO-
ÉCONOMIQUES DE LA FERME FRANCE.
UNE DOUBLE ÉROSION
> EROSION ÉCONOMIQUE
le revenu net de la branche agricole
baisse de manière continue.
> EROSION DÉMOGRAPhIQUE
le nombre d’actifs agricoles ne cesse
de baisser.
© Halfpoint fotolia
dOssierdOssier agriCulture franÇaise / rePères ÉCOnOmiques 2015
DES CHIFFRES
À INTERPRÉTER
AVEC PRUDENCE
Sur le plan statistique, l’agriculture fran-
çaise est richement dotée. Aucune autre
branche ne dispose de comptes prévi-
sionnels établis avant la fin de l’année en
cours. L’INSEE a établi le compte prévi-
sionnel de l’agriculture avec des données
et informations statistiques disponibles
au mois de novembre 2015. Pour de nom-
breux postes du compte, les estimations
sont encore très fragiles et incertaines
(vins, achats d’intrants, charges d’exploi-
tations et subventions). C’est pourquoi, il
faut interpréter les indicateurs de revenu
du compte prévisionnel avec prudence et
attendre la publication par le Ministère
de l’agriculture de résultats sectoriels
de l’année 2015, à la fin de l’année 2016
pour se livrer à des analyses plus fines de
l’économie agricole dans sa diversité.
Pour en savoir plus
Cet article analyse les indicateurs tirés
du Compte National de lAgriculture
calculé par l’INSEE et dont les
résultats prévisionnels de l’année 2015
ont été publiés le 15 décembre 2015.
Ce compte mesure les flux de valeurs
liés à l’activité de la branche agricole,
dans son ensemble, c’est-à-dire de
toutes les exploitations agricoles, des
ETA et des CUMA.
Chacun des postes de production et
de charges est renseigné par une
approche macro-économique (achat
des industries, commerce extérieur...)
et non directement auprès des
exploitations agricoles.
Pour une information complète,
on peut consulter la publication de
l’INSEE
Guillaume Lubatti et Hélène Casset-
Hervio (2015), « Les comptes
prévisionnels de l’agriculture pour
2015. Stabilité de la production, baisse
des consommations intermédiaires »,
INSEE Première 1577
17
Didier CARAES
Chambres d’agriculture France
Service Études, Références et Prospective
Chambres d’agriCulture - n°1049 Janvier 2016
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
en milliards d' de 2015
Chambres d'Agriculture -Études économiques source : INSEE
Consommations intermédiaires
Production
46
VAB : 53
VAB : 30
76
Production, consommations intermédiaires et valeur ajoutée
brute de la branche agricole
1
0
20
40
60
80
100
120
VAB : valeur ajoutée brute
Revenu net de la branche agricole
2
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
en milliards d' de 2015
0
10
20
30
40
50
14,7
24
Évolution du nombre d’actifs agricoles non-salariés
3
0
20
40
60
80
100
120
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
1970 = 100
182
Évolution du revenu net de la branche agricole par actif non salarié
4
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
1970 = 100, monnaie constante
60
80
100
120
140
160
180
200
Revenu net de la branche agricole par actif non salarié
Tendance quinquennale
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