Carpobrotus edulis - Fédération des Conservatoires botaniques

Carpobrotus edulis (L.) N.E.BR.
© Huynh-Tan B. CBN Méditerranéen de Porquerolles
La Griffe de sorcière
Plantae, Spermatophytes, Angiospermes, Dicotylédones, Caryophyllales,
Aizoaceae
Synonymes :
Mesembryanthemum edule L.
Fiche réalisée par la Fédération des
Conservatoires botaniques nationaux
Description générale
Plante grasse herbacée vivace, rampante ou pendante, pouvant atteindre plusieurs mètres de long et formant de grands “tapis”. Sub-
ligneuse à sa base, le système racinaire fibreux est très dense et se concentre dans la partie supérieure du sol. A chaque nœud de la
tige, de nouvelles racines peuvent se former. Les feuilles, longues de 8 à 11 cm, sont disposées de manière opposées sur la tige et
séparées par des entre-noeuds de plusieurs centimètres. Le limbe des feuilles est charnu à 3 angles, plus ou moins recourbé au
sommet en forme de griffe. Sa section transversale est en forme de triangle équilatéral. Sa couleur généralement verte peut virer au
rouge selon la température et le taux d’humidité. Les grandes fleurs de couleur jaune clair (5 à 12 cm de diamètre) sont des fleurs
solitaires à nombreux pétales linéaires et sépales inégaux, en position terminale. Les fruits formés sont charnus, en forme de figue,
appelés “Figues des Hottentots”. Ils contiennent de nombreuses petites graines (1000 à 1800 graines par fruit, graine de 1mm de
long) engluées dans un mucilage très collant.
Biologie/Ecologie
Reproduction
Plante monoïque à floraison printanière (avril-mai) et pollinisation entomophile.
Reproduction sexuée : La Griffe de sorcière peut se reproduire de façon sexuée via plusieurs types de fécondation. Elle est capable
d’autogamie spontanée (les gamètes femelles sont fécondés par les gamètes mâles provenant d'un même individu) mais celle-ci
peut aussi être facilitée par les insectes (pollinisateurs généralistes). Elle est aussi capable d’allogamie (les gamètes femelles sont
fécondés par les gamètes mâles provenant de deux individus distincts). A maturité, les fruits sont ingérés par les mammifères
favorisant ainsi la germination des graines. Cette dernière peut aussi être favorisée par les incendies modérés et la présence de sel.
Reproduction asexuée : Elle est capable d’agamospermie (formation de graines sans processus sexuel). Les organismes qui en
résultent sont, de par la fructification manquante, d'autres individus génétiquement identiques avec la plante mère. Elle produit
aussi des stolons qui ont une croissance rapide (jusquà 1m/an) et lui permettent de couvrir rapidement de grandes surfaces.
Mode de propagation Risque de prolifération
La plante se propage par endozoochorie. Les fruits très
attractifs pour les animaux (richesse en eau, sucre et
protéines) sont consommés principalement par les rats et les
lapins. Les animaux permettent la dissémination des graines
à plus de 150 m du plant mère. Le transport secondaire par
myrmécochorie des graines par les fourmis moissonneuses
Messor barbarus (L.) a aussi été mis en évidence. Des
boutures de tiges transportées par l'eau de mer ou par les
oiseaux (pour la confection des nids) assurent plus rarement
la colonisation de nouveaux espaces. Les stolons assurent
également une propagation végétative de la plante.
Risque élevé
(31 points)
Prédateurs connus/herbivores
Les mammifères herbivores peuvent provoquer une mortalité importante des jeunes pousses, mais une fois établies, celles-ci ne
sont pas affectées par les herbivores. Les graines peuvent être endommagées par les rongeurs granivores.
Exigences d’habitat
Les Griffes de sorcière supportent une très large gamme de conditions de sol (sols bien drainés) mais ont besoin d’une grande
disponibilité en eau superficielle. Ce sont des plantes de zones pleinement ensoleillées qui supportent les atmosphères sèches
(résistance excellente à la sécheresse) et chaudes ainsi que la proximité de la mer mais qui ne résistent pas aux températures
inférieures à - 4°C.
Distribution
Carte de présence de
Carpobrotus edulis (L.) N.E.BR.
sur le territoire national
Source: Réseau des CBN, décembre 2009
Origine géographique
Afrique du Sud (région du Cap)
Modalités d’apparition
La Griffe de sorcière a été introduite d’Afrique du Sud en Europe dès
1680, au Jardin Botanique de Leyden en Hollande en tant que plante
ornementale. Elle fut cultivée dans les jardins britanniques vers 1690.
Les premières observations en nature de la plante remontent à 1886 à
Guenersey et Jersey. La plante a aussi été cultivée au Jardin Botanique de
Marseille au début du 19ème siècle et sa naturalisation en Provence
débuta peu après. Elle a été mentionnée pour la première fois en Corse en
1877 et en 1899, en Sardaigne.
Distribution en France
La plante est présente sur les côtes siliceuses et les îles satellites de la
Corse et de la côte Varoise (Maures et Estérel), ainsi que sur le littoral
rocheux du Languedoc-Roussillon. Elle colonise aussi le littoral
atlantique, de la Loire-Atlantique jusquà la Manche.
Distribution en Europe
Elle est largement répandue dans les pays d’Europe du sud (Portugal, Italie, Espagne, les îles Canaries et Baléares, Malte, Albanie
et Grèce) ainsi que les pays d’Europe de l’ouest (Allemagne) et du nord (Royaume-Uni et Irlande).
Habitat(s) colonisé(s)
Elle colonise les rochers littoraux, les pentes rocailleuses et les falaises côtières sur silice et plus rarement sur calcaire, les zones
sablonneuses de sables peu fixés ou les replats sablonneux d’arrière-dunes. Elle se développe aussi dans des formations plus
rudérales (terrains remaniés) à l’exception des biotopes hypersalés ou trop humides. Elle peut coloniser une fois implantée les
maquis littoraux denses en prenant appui sur les ligneux sclérophylles anemomorphosés.
Usages actuels
Ornement : Espèce commercialisée (site internet, jardinerie) à destination des jardiniers pour ses qualités ornementales (couvre-sol
ou en “cascades”).
Aménagement : Espèce plantée pour ornementer les talus routiers et les ronds-points. Elle est aussi utilisée pour stabiliser les
dunes, les talus et les remblais face à l’érosion et couvrir des surfaces stériles (constructions, murs).
Médical : Non documenté.
Autres usages : Non documenté.
Impacts sur la biodiversité
La Griffe de sorcière de part sa forte capacité d’implantation et de son fort pouvoir compétitif forme des tapis monospécifiques
denses qui ont un effet :
Sur le fonctionnement des écosystèmes
-Diminution du pH du sol dans les sites envahis. La Griffe de sorcière lors de la décomposition de ses feuilles succulentes
libère des substances chimiques qui couplées à des exsudats potentiels d’autres plantes s’infiltrent lentement dans le sol et
réduisent le pH du sol. Après un arrachage de la Griffe de sorcière, cette modification du sol persiste et empêche la
recolonisation du site par les espèces indigènes (Vilà et al. 2006 ; Conser & Connor 2009).
-Diminution de la composition en éléments nutritifs. L’acidification des sols par la Griffe de sorcière affecte la fertilité des
sols. Cette dernière inhibe la nitrification, diminue la disponibilité du calcium et le magnésium et augmente leur lessivage
(D'Antonio & Haubensak 1998)
-Augmentation du carbone organique dans les sites envahis. Ceci est en lien avec la forte litière produite par la Griffe de
sorcière. Les tanins et les composés antibacteriens contenus dans les feuilles succulentes réduisent le taux de
décomposition de la litière (Vilà et al. 2006).
-Modification du bilan hydrique du sol du fait du besoin en eau superficielle des Griffes de sorcière (D’Antonio & Marshall
1991)
Sur la structure des communautés végétales en place
-Diminution essentiellement des thérophytes (espèces annuelles) dans les sites envahis (Vilà et al. 2004 ; 2006).
Sur la composition des communautés végétales en place
-Concurrence directe pour l'espace avec les plantes indigènes, réduction de la croissance des arbustes indigènes matures et
de l'établissement de semences indigènes (Albert 1995).
-Diminution de la diversité et de la richesse spécifique des espèces indigènes dans les sites envahis (Vilà et al. 2004 ; 2006).
L’intensité de la diminution est fonction du contexte d’étude et de l’habitat étudié (Vilà et al. 2006 ; Traveset et al. 2008 ;
Maltez-Mouro et al. 2009). Faible diminution de la diversité spécifique des communautés végétales de dunes au Portugal
(Maltez-Mouro et al. 2009).
-Diminution essentiellement des thérophytes (espèces annuelles) dans les sites envahis (Vilà et al. 2004 ; 2006).
Sur les interactions avec les espèces indigènes animales et végétales
-Déclin de la biomasse, de la durée de vie et du rendement reproductif d’espèces arbustives présentes dans le même biotope
en raison de la compétition pour l’eau et la lumière (D’Antonio & Marshall 1991 ; D’Antonio & Haubensak 1998)
-Effets négatifs sur la germination, la survie, la croissance et la reproduction de Gilia millefoliata, espèce annuelle indigène
de la région côtière du nord de la Californie (Conser & Connor 2009).
-Réduction de la communauté de pathogènes dans les sols des sites envahis. Elle contribue à la réussite de la Griffe de
sorcière dans le bassin méditerranéen (Van Grunsven et al. 2009).
-Diminution de la fréquence de pollinisation chez certains végétaux indigènes (Lotus cytisoides) présents à proximité de la
Griffe de sorcière mais effet facilitateur pour deux autres espèces Cistus salviifolius et Anthyllis cytisoides et un effet
neutre pour Cistus monspeliensis. Cependant, la présence de pollen de la Griffe de sorcière sur les stigmates des espèces
indigènes n'interfère pas de façon significative avec le pollen d'origine. La Griffe de sorcière a des effets espèces-
spécifiques sur la dynamique de la pollinisation naturelle (Moragues & Traveset 2005).
-Transfert de pollen de la Griffe de sorcière sur le stigmate des espèces indigènes étudiées (Asphodelus aestivus,
Dorycnium hirsutum, Helichrysum stoechas) par les pollinisateurs locaux. Le pollen de la Griffe de sorcière affecte la
production de semences pour une espèce mais a probablement peu d'impact sur la communauté indigène, en raison de la
faible fréquence de transfert de pollen sur les espèces indigènes. Cependant, les interactions peuvent s’intensifier avec
l'abondance des végétaux et donc le transfert de pollen a le potentiel d'affecter la production de semences (Jakobsson et al.
2008)
Sur les espèces/habitats à fort enjeux de conservation
-27 taxons à haute valeur patrimoniale sont localement concurrencés par la Griffe de sorcière en Provence dont deux
espèces de Romulea endémiques menacées (Medail 1999).
Autres impacts
Impact sur la santé: Non documenté.
Impact sur les usages : Non documenté.
Impact économique : Non documenté
.
Espèces proches connues à risque
Carpobrotus aff. acinaciformis (L.) L. Bolus
Gestion
Avant toute intervention, il faut s’assurer du substrat sous-jacent afin de ne pas provoquer d’importants phénomènes érosifs post-
éradication. Dans les systèmes insulaires, les opérations d’éradication semblent très complexes du fait des interactions mutualistes
existantes dans le processus d’invasion de la Griffe de sorcière.
Arrachage manuel :
-L'éradication manuelle semble être le moyen le plus efficace (Albert 1995). L’efficacité du contrôle est accrue quand les
restes de plantes sont supprimés sur le site. Dans les lieux pentus, il est conseillé d’enrouler la matte de la Griffe de sorcière
et de jouer sur le poids de l’ensemble pour améliorer l’efficacité de l’éradication. Après éradication, un suivi sur une
période d’au moins trois ans s’impose afin de supprimer les germinations apparues grâce aux graines contenues dans la
banque de semences du sol mais aussi pour limiter les colonisations secondaires d’autres espèces invasives. D’Antonio
1993 propose de limiter l’expansion de la Griffe de sorcière par des feux contrôlés de température supérieure à 100°C. Le
paillage peut-être aussi pratiqué pour empêcher le rétablissement (Albert 1995). Pour les dunes de sable, l'ensemencement
d'herbes indigènes a été testé pour limiter la reprise de la Griffe de sorcière mais il n'a cependant pas été efficace.
Mécanique :
-Pas adapté dans le cas des Griffes de sorcière qui colonisent le plus fréquemment les fortes pentes.
Chimique :
-Traitements phytocides sur les feuilles. Chaque ramification doit être traitée en badigeonnant directement les feuilles au
pinceau. Testé en milieu naturel sur quelques îlots Corse mais on ne connaît pas la nature des produits rémanents et leur
impacts sur les espèces indigènes (Muller 2004).
Biologique/Ecologique :
-Herbivorie : elle peut réduire l’établissement des semences et ralentir l'invasion dans les dunes de sable et les sites
incendiés (DAISIE). Deux cochenilles introduites ont causé une mortalité à grande échelle de la Griffe de sorcière en
Californie dans les années 1970 (Donaldson et al. 1978).
-Agents pathogènes : Les options de contrôle biologique sont actuellement limitées, puisque les agents pathogènes qui
attaquent la Griffe de sorcière ne sont pas spécifiques à l’espèce.
-Suehs et al. (2004) indique qu'une contrainte sur la production de semences ou de germination serait le moyen le plus
efficace de contrôler la Griffe de sorcière sur le long terme.
Références, liens et bibliographie
Articles:
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http://www.ame-lr.org/publications/espaces/plantesenvahissantes/pdf/plantesenvahissantes.pdf.
Date d’accès: 26/10/2009.
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