A une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph.
Si tu ne peux imiter la virginité de l'humble, imite l'humilité de la Vierge...
Quelle est donc cette jeune fille si vénérable, qu'un ange la salue, et si humble, qu'elle soit fiancée à un
ouvrier? Ô splendide mélange de virginité et d'humilité ! Combien elle doit plaire à Dieu, cette âme en qui
l'humilité rehausse la virginité et dont la virginité sert de parure à l'humilité ! Mais alors, te figures-tu
l'immense respect que mérite celle dont la fécondité exalte l'humilité et dont un enfantement consacre la
virginité ? Tu entends : elle est humble ; si tu ne peux imiter la virginité de l'humble, imite l'humilité de la
Vierge.
Honorable vertu que la virginité, mais plus nécessaire est l'humilité ; celle-là est de conseil, celle-ci, de
précepte ; à la première on t'invite, à la seconde on t'oblige. De la virginité il est dit : "Comprenne qui
pourra" (Mt 19, 12) ; de l'humilité : "Qui ne devient comme ce tout petit n'entrera pas au royaume des
cieux" (Mt 18, 3). En conséquence, celle-là est un mérite, celle-ci une exigence. Bref, sans la virginité tu
peux faire ton salut ; sans l'humilité, point.
Sans l'humilité, j'ose l'affirmer, même la virginité de Marie n'aurait pu plaire à Dieu...
Une humilité qui pleure la virginité perdue peut plaire à Dieu, il est vrai ; mais sans l'humilité, j'ose
l'affirmer, même la virginité de Marie n'aurait pu plaire à Dieu :"Sur qui reposera mon esprit, dit Dieu,
sinon sur l'humble et celui qui aime la paix" (Is 66, 21). Sur l'humble, a-t-il dit, et non sur celui qui est
vierge : si donc Marie n'eût été humble, l'Esprit Saint n'aurait pas reposé sur elle. Et s'il ne s'était pas reposé
sur elle, il ne l'aurait pas rendue féconde. Comment, en effet, Marie aurait-elle conçu de lui sans sa présence
? Voilà donc qui est clair : pour qu'elle conçût de l'Esprit Saint, elle-même l'atteste : "Dieu regarda
l'humilité de sa servante" (Luc 1, 48)plutôt que sa virginité : et si elle plut par sa virginité, c'est pourtant par
son humilité qu'elle conçut. D'où il résulte avec évidence que si la virginité, elle aussi, put plaire à Dieu,
c'est sans aucun doute à l'humilité qu'elle le doit.
Qu'as-tu à dire, toi qui te vantes de ta virginité ? Marie, oubliant qu'elle est vierge, se glorifie de son
humilité : et toi sans te soucier d'être humble, tu te flattes de ta virginité ? Il a, dit-elle, regardé l'humilité de
sa servante. Qui parle ainsi ? Une vierge toute sainte, une vierge chaste, une vierge pieuse. Serais-tu plus
chaste qu'elle ? aurais-tu plus de piété ? Ta pureté, serait-elle peut-être plus agréable à Dieu que la chasteté
de Marie, au point de te rendre capable de plaire à Dieu sans l'humilité, avec ta seule pureté, alors que Marie
ne l'aurait pu avec la sienne'?
Plus te distingue le don de la continence, plus tu te fais tort en souillant sa beauté en ton cœur par un
mélange d'orgueil...
Enfin, plus te distingue le don hors pair de la continence, plus tu te fais tort en souillant sa beauté en ton c
œur par un mélange d'orgueil. Après tout, mieux vaut pour toi n'être pas vierge que de t'enorgueillir de ta
virginité. Certes, la virginité n'est pas donnée à tout le monde, mais bien plus rares sont ceux qui sont à la
fois chastes et humbles. Si donc tu ne peux qu'admirer la virginité en Marie, essaye du moins d'imiter son
humilité et c'est assez pour toi. Que si tu es à la fois vierge et humble, qui que tu sois, tu es grand !