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LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 127 No 2 ÉTÉ 2003
ENVIRONNEMENT
BENOÎT
GAUTHIER
Petites chutes naturelles – Charlevoix
d’état, de pression ou de réponse sera grandement inuencé
par cette approche ; celle-ci pourrait également permettre
d’éclairer et, si possible, de réconcilier les tenants d’un con-
cept de la biodiversité, entendu au sens très étroit ou strict
du vivant, avec ceux qui en font une interprétation aussi
large que celle du développement durable. Autre dimension
de cette approche, elle rend aussi souhaitable et faisable un
dialogue respectueux et constructif entre les représentants
de la Société, de l’Économie et de l’Environnement.
L’Environnement
La Loi sur la qualité de l’environnement du Québec
(L.R.Q.,c.Q-2), réputée comme l’une des lois les plus avant-
gardistes en son genre, fournit la dénition suivante de l’en-
vironnement : l’eau, l’atmosphère et le sol ou, d’une manière
générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes
entretiennent des relations dynamiques. Comment alors redé-
ployer toute cette information selon une approche ternaire,
c’est-à-dire en fonction de trois petits anneaux à l’intérieur
du pôle Environnement ? Manque-t-il des éléments pour
permettre le bon fonctionnement de tous les écosystèmes
planétaires naturels ? Pour leur part, les manuels d’écologie
générale nous informent que la vie sur la Terre découle de
quatre sphères: l’hydrosphère (eaux), l’atmosphère (air), la
lithosphère (écorce terrestre) et la biosphère (zone où la vie
est possible). Il est facile de constater que la dénition légale
et la terminologie écologique se recoupent pour l’essentiel
quoique la notion de lithosphère est beaucoup plus large que
la notion de sol inscrite dans la Loi sur la qualité de l’environ-
nement du Québec. Pour progresser selon l’esprit ternaire,
nous aurons encore recours à notre propre expérience d’éco-
logue de plus de 30 ans dans le domaine environnemental.
En tout premier lieu, nous dédions un premier des
trois petits anneaux du pôle Environnement à la fois à l’hy-
drosphère et à l’atmosphère. Au l de l’histoire géologique,
ces sphères sont devenues comme deux immenses bassins
inséparables qui s’écoulent l’un dans l’autre continuelle-
ment ; c’est ainsi qu’il en va du cycle hydrologique à la surface
de la Terre via l’évaporation et les précipitations. Un second
anneau est occupé par tous les organismes vivants, éléments
fondamentaux de la biodiversité. On y trouve l’ensemble des
groupements de plantes et d’animaux réunis selon leurs exi-
gences particulières vis-à-vis des facteurs du milieu ; ces êtres
vivants absorbent, transforment et font circuler de l’énergie
et divers matériaux qu’ils restituent ensuite d’un écosystème
élémentaire à l’environnement planétaire. Quant au troi-
sième anneau qui complète celui du pôle de l’Environne-
ment, il comprend le sol et le sous-sol, soit la portion la plus
solide et la plus dense de la Terre. Semblable aux autres com-
posantes environnementales, la lithosphère est pourvue d’un
mouvement interne complexe qui s’exprime notamment par
la dérive des continents.
Les interactions entre les trois anneaux du pôle
de l’Environnement s’avèrent dynamiques et évolutives.
Toutefois, leur mécanique générale semble réglée pour une
bonne part par la rotation de la Terre sur elle-même ainsi
que par les inuences lointaines de deux astres, le soleil
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et
la lune. Compte tenu de l’importance vitale de ces astres,
nous leur réserverons la totalité de l’espace compris entre la
circonférence du pôle Environnement et la surface inoccu-
pée par les trois petits anneaux. Telle est la composition du
pôle environnemental
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(gure cf. Environnement). Le déve-
loppement durable environnemental survient lorsqu’il y a
harmonie entre chacune de ses composantes. À défaut de cet
équilibre, il y a impossibilité d’espérer atteindre le dévelop-
pement durable global, d’où la nécessité pour les spécialistes
et les dirigeants de bien le connaître de façon à prévenir ou à
corriger les dysfonctions et les dérèglements.
Depuis à peine quelques millénaires, ce qui pose un
problème grandissant sur la Terre tient à la perturbation
de ce pôle naturel par les activités humaines, toujours plus
nombreuses. En effet, à partir seulement de la dernière gla-
ciation (environ 12 000 ans), l’homme a progressivement
étendu son emprise sur la Terre. D’abord très localisée, l’oc-
cupation intensive du territoire a pris des allures régionales ;
elle est devenue, au siècle dernier, davantage nationale, puis
continentale, intercontinentale et maintenant planétaire. Or,
toute organisation de la vie humaine et tout développement
(biens et déchets) doivent trouver un support et occuper
une place dans l’Environnement, cela au détriment de l’éco-
système préexistant. Ainsi, l’homme inuence continuelle-
ment la biodiversité naturelle par son exploitation faunique,
forestière, agricole, aquicole et horticole. Par ailleurs, il crée
en abondance et même en surabondance des produits maté-
riels et des surfaces inertes ou abiotiques (bâtiments, sta-
tionnements, routes, trottoirs) qui accentuent directement
la « désertication » de la Terre sous toutes les latitudes. Il va
sans dire que ces perturbations anthropiques à grande échelle
à la fois de la biodiversité et du sol entraînent également des
impacts signicatifs sur l’hydrosphère et l’atmosphère. De
cette escalade humaine tant locale que globale, s’ensuivent
des conits, sans nul répit, à propos de l’utilisation du terri-
toire opposant les tenants de l’articialisation de l’environ-