3
du XIe siècle
5
, Chypre à la fin du XIIe
6
, elles développèrent alors le trait le plus fort de leur
identité, leur langue. A Chypre, le byzantin se fit dialecte, en s’enrichissant au contact des
parler français médiévaux. A Malte, l’arabo-sicilien s’y fossilisa au point de n’être plus parlé
que dans cet archipel.
Ainsi, après avoir été, pendant des millénaires, des lieux de passage et de confrontation, les
deux îles devinrent des conservatoires. Chypre accueillit la vieille tradition byzantine
bousculée par l’empire latin de Constantinople
7
, tandis que Malte conservait des us et des
savoir-faire arabo-berbères que les rois de Sicile effaçaient alors de leurs domaines
8
.
Ce faisant, elles acquirent une identité personnelle qui ne fut pas sans importance pour la suite
de leur histoire. En effet, Chypre, bien qu’appartenant à une dynastie franque, celle des
Lusignan d’outremer
9
, faisait partie du monde gréco-byzantin ; mais l’autocéphalie de son
Eglise
10
et sa spécificité au sein de l’hellénisme médiéval, en faisaient un monde à part
11
. De
même Malte, bien qu’appartenant aux dynasties successives qui régnèrent sur la Sicile, ne
5
La tradition veut que Roger de Hauteville qui avait conquis la Sicile, se fût emparé de Malte en 1090. Plus
vraisemblablement, la garnison arabe de Malte quitta l’île à la chute de la Sicile, et le Grand Comte se contenta
de la remplacer par ses troupes. Sinon, il serait difficile d’expliquer le maintien dans l’île de la langue siculo-
arabe qui disparut alors de tout le domaine normand.
6
Richard Cœur-de-Lion conquit l’île, lors de la troisième Croisade, en 1191, après une campagne d’un mois (mai
- juin) contre Isaac Comnène, despote de Chypre. Ce fut à Limassol qu’il épousa Bérengère de Navarre. Mais il
vendit aussitôt l’île aux Templiers qui, devant faire face à une révolte du pays, lors des fêtes de Pâques 1192, la
lui rendirent. Richard Ier la vendit alors à Guy de Lusignan qui, selon la chronique de l’époque, était aussi beau
que sot et qui y fonda une dynastie qui régna jusqu’en 1489.
7
Ceci donna naissance au style dit « Paléologue », du nom d’Hélène, épouse de Jean II (1432-1458), style
unique dans l’art byzantin, car il confère une humanité douloureuse aux visages des icônes et des fresques
murales, totalement opposée au hiératisme de l’art traditionnel. Stylianou (A.), The Painted Churhes of Cyprus.
Treasures of Byzantine Art, Nicosie, Leventis Foundation, 1985.
8
Frédéric de Hohenstauffen déporta tous les musulmans de Sicile et de Malte à Lucera, près de Foggia, en 1224
et 1246.
9
Les Lusignan directs régnèrent de 1192 à 1267. La couronne de Chypre passa alors à une branche cadette, les
comtes de Poitiers d’Antioche qui relevèrent le nom. Le dernier souverain de cette lignée, bâtard de Jean II,
épousa, en 1472, Catherine Cornaro, fille adoptive de la Sérénissime République, qui apporta ainsi Chypre à
Venise en 1489.
10
Dès le Ve siècle, l’Eglise de Chypre essaya de se débarrasser de la tutelle de l’Eglise d’Antioche. Or, la
découverte opportune par l’archevêque de Chypre, Anthémios, de la tombe de Barnabé, disciple de Paul de Tarse
et protoévêque de l’île, conduisit l’empereur Zénon (474-491) à faire reconnaître l’autocéphalie de l’Eglise de
Chypre et à conférer à l’archevêque de cette île des privilèges extraordinaires, comme le port du sceptre impérial,
le droit de signer, comme le Basileus, à l’encre rouge et l’octroi du titre d’ethnarque, qui faisait de lui le
représentant unique de l’ensemble de la communauté chrétienne chypriote.