Hommage à Edmond Fischer (P 38, ENGR 44) Notre camarade et vieil ami Edmond Fischer s'est éteint le 29 septembre 2014 dans sa bonne ville de Strasbourg, au milieu des siens. Edmond était né le 3 février 1918 à Colmar, dans une Alsace encore allemande, mais heureusement vite libérée. C'est cependant à Mulhouse, où ses parents s'étaient établis, qu'Edmond passe enfance et adolescence jusqu'à son entrée en 1935 au Lycée Henri Poincaré de Nancy, où il prépare l'Agro. Reçu à l'INA Paris il y effectue sa première année en 19381939. La déclaration de guerre d'août 1939 interrompt malheureusement ce cursus. Mobilisé dans la cavalerie motorisée l'aspirant Fischer participe aux premiers combats 1940, puis à la retraite organisée de sa section jusqu'en Limousin. Après l'armistice il achève sa deuxième année de temps militaire dans un Chantier de Jeunesse en Brenne. Libéré en août 1941, Edmond peut enfin retrouver l'Agro en 1941-1942, puis achever ses études à l'École nationale du Génie rural, tout en militant dans un groupe d'Éclaireurs unionistes, mouvement scout protestant, animé par Bernard Metz (futur professeur et grand spécialiste de l'ergonomie) et alors lié à l'Organisation de résistance de l'Armée. C'est par ce canal qu'Edmond rejoint au début 1944 le maquis alsacien-lorrain du Lot qui va participer aux actions de sabotage accompagnant le retrait allemand. Puis, traversant la France, cette unité rejoint en septembre 1944, à Dijon, la Première Armée française victorieuse du débarquement de Provence. Au sein de cette armée de Lattre de Tassigny ce maquis du Lot va y former la Brigade Alsace-Lorraine du Colonel Berger (André Malraux) assisté militairement par le Lieutenant Colonel, futur Général, Pierre Jacquot. Cette Brigade, dans laquelle le Capitaine Edmond Fischer commande la Compagnie Rapp du Bataillon Metz, participe brillamment à la reconquête de l'Alsace et termine la guerre à Constance (Bade-Wurtemberg). La paix revenue Edmond peut enfin entamer sa carrière professionnelle. Appelé par Paul Lucas, ingénieur en chef du Génie rural du Bas Rhin, il prend en charge en août 1945 le programme de rééquipement en machines agricoles des paysans des trois départements de l'Est. Et avec le printemps 1947 commence, lors d'un pique-nique providentiel, le grand bonheur de la vie de notre cher camarade : il y rencontre la charmante Jacqueline Schuler qu'il épouse le 17 juillet 1948. Convaincu par notre ancien Charles Gaury, GR de retour d'Indochine, Edmond se décide pour une carrière Outre-mer et embarque avec Jacqueline en juin 1949 pour un pays déjà en effervescence. À Saigon (actuel Hô Chi Minh-Ville) Robert du Pasquier, directeur de l'agriculture, confie à Edmond quelques missions locales et un enseignement à l'Ecole d'agriculture de Phnom-Penh (Cambodge). Jacqueline y met au monde Dominique, leur première fille. Puis Edmond est affecté à la Station agricole de Blao, avec résidence à Dalat, Station d'altitude du sud Viet Nam, où nait leur fils Henri. Edmond est en charge des problèmes de mécanisation du caféier et du théier à Blao, puis du riz à Battambang (Cambodge). Il souligne alors, avec son indéfectible humour, avoir même, sur instructions, étudié la protection du caféier arabica contre le gel sous les tropiques du Laos. Le mauvais état de santé de Jacqueline, mais aussi de Dominique (atteinte d'un grave toxicose) et les événements politiques imposent cependant le rapatriement en 1952 et un congé prolongé à Strasbourg, où naissent Anne et Claire, puis à Mulhouse. En mars 1953 c'est un nouveau départ pour l'Outre-mer, vers l'Afrique occidentale où Paul Lucas, devenu Inspecteur général de l'agriculture à Dakar, confie à Edmond les études de machinisme agricole pour l'ensemble de la Fédération qu'il va parcourir jusqu'aux confins du Tchad. Résidant au Centre de recherches agronomiques de Bambey, le ménage Fischer et leurs enfants vont y connaître la sérénité et nouer de nombreuses et durables amitiés. Puis en 1958 c'est le retour définitif en métropole. Edmond est nommé au Service départemental des Eaux du Bas Rhin. Il y vit, de mars 1958 à septembre 1965, une période qu'il confesse d'extraordinaires richesses techniques et humaines, connaissant son acmé en 1963 dont l'hiver, exceptionnellement rigoureux, l'amène à faire face courageusement avec ses équipes à des dizaines de milliers de conduites et d'embranchements gelés. C'est aussi au cours de cette période strasbourgeoise que Jacqueline, qui a repris avec ardeur une vie sociale très active, met au monde, en mars 1960, Sylvie leur dernier enfant. Née malheureusement avec une certain retard mental, elle va demander tant à Jacqueline qu'à Edmond beaucoup d'attentions, de temps et d'amour sans limite consentis. Et en 1966 la famille Fischer abandonne pour un long temps sa chère Alsace pour la région parisienne. Edmond est affecté en septembre au Service des Constructions du ministère de l'agriculture, Bureau des Études et Travaux, d'où il va concevoir, diriger, contrôler la construction et l'entretien de nombreux établissements relevant du ministère : Collèges agricoles, Écoles vétérinaires (Lyon, Nantes, agrandissement de Toulouse ....), École des Industries agricoles d'Angers, Hall de technologie de Massy, etc. Pendant toute cette période Edmond et Jacqueline, qui ont choisi de résider à MassyPalaiseau, vont bien au delà de leurs activités professionnelles et se dépensent sans compter au profit de réalisations et œuvres sociales : lycée de Massy, associations au bénéfice de l'enfance inadaptée, mouvements féministes, etc., exaltant ainsi leurs convictions profondément religieuses et humanistes. La retraite enfin venue va se partager, dans la paix, l'amour, et l'amitié entre Strasbourg retrouvé et les échappées estivales vers le beau pays de Royans, aux marches du Vercors, dans une maison rurale découverte en 1966 et amoureusement aménagée. Et pendant encore une vingtaine d'années Edmond va participer à la vie culturelle de sa chère Alsace, organiser des conférences Religions et Histoires, satisfaire en parfait mélomane sa passion pour la musique classique et les concerts d'orgues. Il va aussi très fortement contribuer à l'édification du Mémorial Alsace-Moselle sur la commune de Schirmeck, à proximité de l'ancien camp de concentration de sinistre mémoire du Struthof, Mémorial qui souhaite révéler l'histoire de cette région ballotée entre la France et l'Allemagne pendant plus de 70 ans. Et pourtant, aimait à souligner Edmond, "malgré cela nous sommes restés fidèles ; quelle province peut en dire autant ?". Adieu cher compagnon, patriote, humaniste à l'amitié et l'humour si bienveillants. Tu laisses une épouse, cinq enfants, sept petits enfants, neuf arrière petits enfants, et beaucoup d'amis qui te pleurent, te regrettent et sont fiers de toi. René Tourte Agro Paris 1943 Montpellier, le 30 janvier 2015