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PHÉNOMÈNES DE CORROSION
I-Phénomènes de corrosion
1) Importance du phénomène
Dans ce chapitre, on applique les résultats de la thermodynamique et de la cinétique à l’altération
des métaux au contact d’un milieu aqueux (ou d’air humide): ces phénomènes de corrosion
jouent un rôle essentiel dans notre vie quotidienne (boîtes métalliques pour la conservation
des aliments et des boissons, ouvrages d’art en fer, différentes prothèses,... ).
L’importance économique est énorme également: on considère que chaque année, la corrosion hu-
mide provoque la destruction de 150 millions de tonnes de fer ou d’acier, soit environ le cin-
quième de la production mondiale
Au remplacement des pièces corrodées s’ajoute celui des arrêts de fonctionnement nécessaires à leur
changement ou à leur réparation. La prévision des phénomènes de corrosion et la protection
des métaux corrodables est donc un objectif industriel prioritaire.
2) Définition
Déf: La corrosion désigne l’ensemble des phénomènes par lesquels un métal ou un alliage métalli-
que tend à s’oxyder sous l’influence de réactifs gazeux ou en solution.
Elle est dite sèche lorsque les agents oxydants ne sont pas en solution.
Elle est dite humide dans le cas contraire.
On envisage plus particulièrement ici la corrosion humide :
Si le métal M est oxydé à l’état de cation Mn+, il se produit donc M(S) → Mn+ + ne.
Cette réaction électrochimique exige la présence d’un oxydant Ox susceptible de capter les élec-
trons, selon par exemple Ox + ne→ Red (en supposant pour simplifier que le nombre n
d’électrons échangés par les deux couples Mn+ / M(S) et Ox / Red est le même).
Le bilan de corrosion d’un métal est donc
M(S) + Ox = Mn+ + Red
On peut remarquer que, après cette réaction de corrosion, le l’élément M se retrouve dans l’état
d’oxydation originel qu’il avait dans les minerais à partir desquels il a été élaboré.
Remarques: Ÿ L’oxydation d’un métal peut avoir lieu dans une atmosphère sèche, par exemple avec
O2(G), Cl2(G) ou tout autre milieu oxydant. Comme on l’a vu, cette étude peut être faite grâce
aux diagrammes d’Ellingham.
Ÿ Par contre la corrosion que nous allons étudier a essentiellement lieu à la tempéra-
ture ambiante. Même en présence d’une atmosphère gazeuse, on ne peut exclure toute trace
d’humidité. L’atmosphère terrestre contient toujours un peu de vapeur d’eau: par condensation
sur les pièces métalliques, il se forme une mince pellicule d’eau qui contient divers substances
présentes dans l’atmosphèrer: O2
, CO2, etc …. Cela ramène donc à l’étude de la corrosion
humide.
3) Piles de corrosion
Le métal dont on étudie la corrosion fait partie, en général, d’une pile électrochimique dans laquelle
les deux électrodes sont directement en contact, c’est-à-dire court-circuitées du point de vue
du passage des électrons: c’est ce que l’on appelle une pile de corrosion.
On trouve essentiellement deux types de piles de corrosion.
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a) piles avec électrodes différentes
Très souvent, dans l’industrie, des pièces métalliques sont constituées de métaux différents liés
entre eux: il suffit que ces métaux soient en contact avec de l’eau pour réaliser une pile (par
exemple, dans une installation de chauffage central, l’eau est amenée par une canalisation en
cuivre et le radiateur est en fer ou en fonte).
Réalisons les deux expériences suivantes
Deux électrodes court-circuitées, l’une de fer et l’autre de cuivre, plongent
dans une solution de NaCl à 1 mol.L–1 environ (milieu simulant l’eau
de mer). Ajoutons dans cette solution un peu d’orthophénanthroline.
Après environ 1/2 h, on constate un rosissement de la solution traduisant la
présence d’ions Fe2+ qui donnent avec l’orthophénanthroline un
complexe rose.
Il y a donc eu oxydation, c’est-à-dire corrosion du fer, selon:
Fe(S) → Fe2+ + 2 e
L’électrode de cuivre est donc le siège d’une réaction de réduction. Ce ne peut
être Cu(S) qui est à l’état d’oxydation le plus bas. Grâce à la phénolphtaléine,
on peut montrer que la solution devient basique au voisinage du cuivre. On
envisage donc:
H2O + e → ½ H2(G) + OH,
d’où le bilan
Fe(S) + 2 H2O → Fe2+ + H2(G) + 2 OH.
Bien entendu, on peut remarquer que des deux métaux en contact, c’est le plus électropositif donc le
plus réducteur qui s’est oxydé.
Refaisons l’expérience en remplaçant le cuivre par du zinc. Cette fois l’ajout
d’orthophénanthroline ne permet pas de détecter la présence de Fe2+.
Par contre, on voit apparaître un trouble blanchâtre au voisinage de
l’électrode de zinc par suite de la formation de Zn(OH)2(S) : il y a eu
oxydation du zinc, la réduction de l’eau ayant lieu sur l’électrode de fer
qui se trouve donc protégée.
Les ions OH, provenant de H2O + e H2(G) + OH, donnent un
précipité avec Zn2+. On prévoit donc le bilan:
Zn(S) + 2 H2O = Zn(OH)2(S) + H2(G)
On vérifie que les valeurs des potentiels standard permettent d’interpréter ces obser-
vations.
Remarque: Dans les deux expériences, si on laisse le phénomène se dérouler, on
constate une consommation des électrodes qui se corrodent (fer pour 1 et zinc
pour 2).
Conclusion: Lorsque deux métaux constituent une pile de corrosion, c’est le plus électropositif
(celui qui a le plus petit E°) qui se corrode.
Du même coup, nous avons mis en évidence une méthode pour protéger un métal de la corrosion :
le relier à un autre métal plus électropositif que lui.
Dans la pratique, même si un métal est seul, il peut donner lieu à des piles de corrosion
Ÿ si c’est un alliage, ses différents constituants jouent le rôle d’électrodes ;
Ÿ si la structure microscopique présente des défauts,
Ÿ s’il est soumis à des contraintes mécaniques, thermiques, etc...
Cu(S)
Fe(S)
Na
+
, Cl
0,34 V
—0,44 V
Cu
2+
Cu(S) Fe
2+
Fe(S)
E
°
Zn(S)
Fe(S)
Na
+
, Cl
—0,76 V
—0,44 V
Zn
Zn(S)
Fe
Fe(S)
E
°
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b) piles de concentration
α) un exemple de pile de concentration
On réalise une pile dans laquelle deux électrodes identiques de fer plongent dans deux solutions
différentes de Fe2+, l’une concentrée à droite et l’autre diluée à gauche, le circuit électrique
étant fermé par un pont électrochimique (gel contenant un électrolyte, type NH4+, NO3).
Ce système ne peut pas être en équilibre, car les concentrations de Fe2+ ne sont pas les mêmes dans
les deux compartiments :
E E cE E c
( ) ( ) ( ) ( )
,log [ ] ,log [ ]
GGDD
Fe Fe
=°+
F
H
G
I
K
J< = °+
F
H
G
I
K
J
+ +
0059
20 059
2
2
0
2
0
car [Fe2+](D) > [Fe2+](G).
Le retour à l’équilibre va entraîner l’égalité des potentiels donc des concentrations.
On va donc observer:
Ÿ dans le compartiment droit, une réduction selon
Fe2+ + 2e → Fe(S)
Ÿ dans le compartiment gauche, une oxydation selon
Fe(S) → Fe2+ + 2e
Il y a donc corrosion du fer dans la solution la plus diluée.
Par contre, on note un dépôt de fer sur l’électrode de droite.
On constate que le fonctionnement de cette pile de corrosion est lié aux concentrations différentes
de Fe2+, c’est-à-dire de l’oxydant dans les deux compartiments.
β) la pile d’Evans
Réalisons la pile suivante: deux électrodes identiques en fer plongent dans deux solutions identiques
de NaCl reliées par un pont électrochimique.
La solution du compartiment de gauche a été portée à ébullition pour en chasser l’air alors que l’on
fait barboter de l’air dans la solution du compartiment de droite. Grâce à
l’orthophénanthroline, on met en évidence la formation d’ions Fe2+ dans le compartiment de
gauche selon
Fe(S) → Fe2+ + 2 e
il y a corrosion du fer dans ce compartiment.
Dans le compartiment de droite, on constate, grâce à la phénolphtaléine, que la solution devient ba-
sique. On envisage donc la réduction du dioxygène au contact du fer selon
½ O2 + H2O + 2e → 2 OH
(Cette réaction est prédominante sur la réduction de l’eau dès que la quantité d’oxygène est suffi-
sante.)
L’équation bilan de la pile s’écrit: Fe(S) + ½ O2 + H2O = Fe2+ + 2 OH
puis Fe2+ + 2 OH = Fe(OH)(S).
Fe(S)
Fe(S)
[Fe
] = 0,01 mol.L
—1
[Fe
] = 0,1 mol.L
—1
PONT
G D
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On constate que c’est dans la zone la moins oxygénée que le fer se corrode. Ce phénomène est très
général et se manifeste en présence d’une aération différentielle (la concentration en O2 est
alors différente d’une région à l’autre).
4) Micropiles
a) phénomène de micropile
En pratique, la corrosion à lieu sur une plaque métallique s’il y a contact avec un autre métal
moins réducteur ou avec des gions de la solution aqueuse présentant des concentrations
différentes.
Les expériences montrent que l’oxydation du métal (par exemple le fer) et la réduction de
l’oxydant (les cations ou le dioxygène) ont lieu simultanément, mais dans des zones diffé-
rentes de la pièce métallique.
Les électrons mis en jeu passent de la zone d’oxydation du métal à la zone de réduction de
l’oxydant en se déplaçant à l’intérieur de la pièce métallique tandis qu’un déplacement
d’ions dans la solution vient fermer le circuit des charges électriques.
La présence d’ions (comme Na+ et Cl) dans la solution en contact avec le métal rend cette solu-
tion plus conductrice, ce qui accélère la corrosion du métal.
Cette situation est semblable à celle qui caractérise les piles électrochimiques vues ci-dessus: les
réactions électrochimiques d’oxydation et de réduction s’y déroulent en des lieux différents,
les charges circulant sous la forme d’électrons dans les électrodes et les fils de jonction, et
sous la forme d’ions dans les solutions et le pont de jonction.
Par analogie, on appelle micropile, le dispositif responsable de la corrosion dans un cas semblable.
La corrosion qui fait intervenir des micropiles est dite électrochimique, car, contrairement à une
réaction chimique rédox, elle se produit sans échange direct des électrons du réducteur vers
l’oxydant. Le transfert se fait via le métal.
La gion correspondant au pôle positif de la micropile, la cathode, est celle se déroule la réduc-
tion.
La région correspondant au pôle négatif de la micropile, l’anode, est celle où se déroule l’oxydation.
b) facteurs favorisant la corrosion
Dans la corrosion par l’oxygène, c’est dans la partie la moins
aérée que le métal va s’oxyder gion anodique) alors que
dans la partie la plus aérée on observera une réduction de
O2 (région cathodique).
Ainsi, si une pièce en fer présente une fissure, c’est dans la partie
la plus profonde de la fissure, donc la moins aérée, que se produit la corrosion : celle-ci se
produit en profondeur pouvant entraîner la perforation s’il s’agit d’une plaque.
Conclusion: Lorsqu’un métal plonge dans une solution présentant des hétérogénéités, il y a corros-
ion:
Ÿ dans la zone la plus diluée (s’il existe un gradient de cations dans la solution);
Ÿ dans la zone la moins aérée.(s’il existe un gradient en teneur de dioxygène);
D’autres causes d’hétérogénéité du système peuvent intervenir:
Ÿ contact entre deux métaux différents ou gradient de composition dans le cas d’un alliage;
Ÿ gradient de température;
Ÿ surface relative des anodes et des cathodes. Une grande cathode associée à une petite anode
conduit à une densité de courant anodique très élevée et donc à une corrosion localisée, par
piqûres par exemple.
Fer
zone de corro
sion
eau + air
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II-Prévision des phénomènes
1) Étude thermodynamique
a) conventions pour les tracés des diagrammes E - pH
La facilité thermodynamique de corrosion d’un métal donné en fonction du pH est bien visualisée
par le diagramme potentiel-pH; mais la corrosion étant un phénomène étalé dans le temps, les
concentrations des espèces métalliques produites sont généralement faibles: les diagrammes
sont donc tracés avec une concentration de travail égale à 1 µmol.L–1.
Par ailleurs, l’expérience montre que les solides qui se forment sont le plus souvent des oxydes et
non les hydroxydes car, si ceux-ci se forment plus rapidement, ils sont généralement moins
stables que les oxydes correspondants. Ainsi, dans le cas du fer, l’oxyde Fe2O3 apparaît à la
place de l’hydroxyde Fe(OH)3.
En revanche, l’oxyde de fer (II) FeO n’est pas stable à la température ordinaire (voir chapitre sur les
diagrammes d’Ellingham) et n’est donc pas pris en compte.
b) exemple du zinc
α) Données
On reprend l’étude faite dans le chapitre sur les diagrammes potentiel - pH, aussi celle-ci sera
conduite plus rapidement.
Espèces choisies: Zn(S), Zn2+, Zn(OH)2(S) et Zn(OH)42–. En fait, il existe plusieurs variétés cristalli-
nes de précipités d’hydroxyde de zinc et d’oxyde de zinc ZnO(S); leur produit de solubilité
étant du même ordre de grandeur, on n’en tiendra pas compte dans la suite.
Constantes thermodynamiques: = –0,76 V pour Zn2+/Zn(S); pKS = 16 pour Zn(OH)2(S) et
log β4 = 15,5 pour Zn(OH)42–
β) frontières non rédox
Les frontières sont tracées avec une concentration de 10–6 mol.L–1.
On calcule le pH de précipitation de Zn(OH)2(S). A l’équilibre de saturation [Zn2+][OH]2 = KS d’où
[OH]2 = 10–16.106 ce qui conduit à pH1 = 9.
On calcule également le pH de disparition du précipité par formation de Zn(OH)42– suivant le bilan:
Zn(OH)2(S) + 2 OH = [Zn(OH)4]2–
dont la constante K° vaut β4KS soit K° = 10–0,5. A l’équilibre, on a la relation Kc
°=
[[ ] ].
[ ]
Zn(OH)
OH 420
2
avec [[Zn(OH)4]2–] = 10–6 mol.L–1 d’où pH2 = 11,25.
γ) frontières rédox
Un seul couple redox est à étudier, le système II/0. On a donc, dans les trois domaines de pH :
u pH pH1
La ½ équation s’écrit Zn2+ + 2e → Zn(S), soit E E c
=°+
F
H
G
I
K
J
0 059
20
,log [ ]Zn2+ avec
[Zn2+] = 10-6 mol.L-1 d’où E = – 0,94 V.
u pH1 pH pH2
On a vu que, dans ce domaine, [Zn2+] = KK
S 3
E
H O[ ]
+
2 d’où
E = –0,40 – 0,059 pH
u pH pH2
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