12 - Air Pur N° 75 - Deuxième semestre 2008
changement des conditions environnementales,
que l’on soit en milieu naturel ou anthropisé, peut
fortement influencer le comportement des éléments
traces métalliques en modifiant les formes chimiques
dans lesquelles ils se trouvent et ainsi engendrer leur
solubilisation. Les facteurs les plus importants sont
le pH, le potentiel redox, la présence dans le milieu
aqueux de matière colloïdale ou d’espèces réactives
tels que des ligands complexants (organiques ou
inorganiques), ainsi que l’existence de matière en
suspension présentant des sites d’absorption (Spokes
et Jickells, 2002).
Dans ce contexte, le présent article traitera d’une part,
des processus de dépôts humides, abordant notamment
leur efficacité de lessivage de l’atmosphère et d’autre
part, dans une seconde partie, de la solubilité des
ETM associés aux aérosols atmosphériques au sein
des nuages et des pluies.
I - PROCESSUS DE DÉPÔTS
HUMIDES –
« SCAVENGING RATIO »
Considérant la complexité des processus micro-
physiques mis en jeu au cours du lessivage de
l’atmosphère par les hydrométéores, ainsi que la
variabilité de la distribution verticale des aérosols
atmosphériques, il est utopique de vouloir établir
un lien direct entre la concentration d’une substance
dans la pluie et sa concentration dans l’atmosphère à
un instant donné. Un ordre de grandeur peut tout au
plus être établi en utilisant le concept de « Scavenging
Ratio » (SR) défini de la manière suivante :
SR = C/K
où C est la concentration dans la pluie de la substance
considérée (exprimée en mol.kg-1) et K sa concentration
atmosphérique (exprimée en mol.kg-1).
Cette normalisation de la concentration d’une
substance dans les précipitations par rapport aux
concentrations atmosphériques permet de réduire
la variabilité des observations. La précision du
SR calculé sera d’autant meilleure que la période
d’intégration des données sera longue. Toutefois le
SR constitue un indicateur global qui recouvre deux
réalités physiques différentes, les phénomènes de
« wash-out » et de « rain-out ». Le « wash-out » ou
« lessivage » est le piégeage des particules pendant
la précipitation, entre les nuages et le sol, soit par
capture à la suite de chocs, soit par entraînement par
les filets d’air déplacés lors de la chute des gouttes.
L’efficacité de cette élimination décroît avec la taille
de la particule et deviendrait négligeable pour des
tailles inférieures au micron. C’est ce phénomène
qui expliquerait les données publiées récemment
par Türküm et al. (2008) pour lesquelles les éléments
crustaux et marins, associés à des particules plus
grosses que les éléments anthropiques, présentent
des SR généralement plus élevés (Tableau 1).
Tableau 1 : Scavenging ratios (SR) calculés à partir de
concentrations moyennes annuelles sur trois sites de
Turquie (Türküm et al., 2008).
Mais à l’échelle du globe, c’est le phénomène
de « rain-out » qui représente le mécanisme
d’incorporation principal des ETM aux pluies,
lorsque le nuage devient précipitant (Desboeufs et
al., 2001). Le « rain-out » consiste en la capture
des particules par les gouttelettes des nuages en
cours de croissance. Les constituants solubles (et
probablement les petits plus facilement que les
gros) se trouvent ainsi incorporés aux gouttes. Cet
effet de filtration de l’air lors du déplacement du
nuage a donc une incidence sur l’évolution du
niveau de la pollution atmosphérique par les ETM
particulaires, mais également gazeux, car il peut
permettre de véhiculer sur de longues distances
cette pollution, comme le montrent Sakata et
Asakura (2007) dans le cas du mercure.
Les SR sont cependant très différents d’un élément
chimique à un autre. Cette variabilité peut être
expliquée, nous l’avons vu, par le fait que ces
éléments sont associés à des particules de taille et
de composition chimique variables. La présence
éventuelle de gaz précurseurs de la substance
considérée a également un impact certain sur la
valeur du SR. Les SR présentent par ailleurs une
forte variabilité selon le site considéré, qui est
principalement liée à la proximité plus ou moins
importante des sources.
Le type de précipitations (processus de
précipitations, vitesse et intensité des quantités
tombées) joue également un rôle important
dans la valeur du SR. De manière générale, la
composition chimique de l’aérosol se reflètera
dans la composition des eaux de pluie lorsque les
processus de lessivage de l’atmosphère sous les
nuages (« wash-out ») seront prédominants, par
opposition aux cas où les processus d’absorption
au sein des nuages (« rain-out ») dominent (Jaffrezo
et al., 1990).
Le principal intérêt du SR est de permettre d’estimer
approximativement le dépôt humide (D) d’une
substance à partir d’une bonne connaissance de
Amasra Ankara (site Antalya
(site rural) urbano-industriel) (site rural)
•Eléments crustaux
Al 35 700 5 510 1 140
Fe 30 800 4 020 1 640
Ca 6 970 26 900 1 260
Ni 14 100 1 210 10 300
K 26 800 889 3 120
• Eléments marins
Cl 5 280 62 400 12 700
Na 10 700 6 830 11 900
Mg 16 200 2 640 6 020
•Eléments anthropogéniques
V 3 740 454
Pb 889 210 443
Cd 22 200 67 600
SO42- 665 471 1 280
NO3- 2 310 1 140 4 240
NH4+ 821 871
Zn 21 200 1.65 11 600
Cr 11 600 424 2 140