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On ne dispose de données quantitatives que depuis l'introduction des registres paroissiaux à la fin du Moyen
Age. A cette époque, le concubinage assez répandu chez les clercs comme chez les laïcs devait impliquer un
taux d'illégitimité relativement élevé. Réduit à la fin du XVIe s. sous l'effet de la Réforme et la Réforme
catholique (Consistoires), ce taux rebondit au XVIIIe s., surtout dans les classes populaires, en raison de la
politique malthusienne qui visait à exclure du mariage tous ceux dont la reproduction ne paraissait pas
souhaitable. Des cantons catholiques (Lucerne, Soleure) aussi bien que protestants (Bâle-Campagne, Berne,
Argovie dès sa création) prirent des mesures d'empêchements au mariage. Face à des obstacles sociaux et
juridiques qui s'ajoutaient aux difficultés économiques et autres, on retardait le mariage ou même on y
renonçait. Un effet analogue résultait du célibat observé par les personnes qui s'engageaient comme
domestiques et qui, nombreuses en ville et même dans certaines régions rurales, constituaient un groupe de
jeunes adultes auquel on interdisait avec plus ou moins de succès de vivre leur sexualité. Le nombre des
naissances illégitimes atteignit son maximum au milieu du XIXe s., puis décrut régulièrement, tendance
favorisée par l'abolition des empêchements au mariage en 1874, puis par l'augmentation de la nuptialité
après la Deuxième Guerre mondiale, par l'arrivée du planning familial et de la pilule contraceptive dans les
années 1960. Depuis 1975, les naissances hors mariage croissent de nouveau, mais l'on ne peut plus parler
d'illégitimité (Famille).
En comparaison européenne, la Suisse présentait un taux d'illégitimité assez bas: souvent inférieur à 1% et
rarement supérieur à 2% aux XVIIe-XVIIIe s., il s'inscrivait encore au XIXe s. parmi les plus faibles, ne dépassant
que ceux de l'Irlande et des Pays-Bas. On observait de grandes disparités régionales, surtout entre ville et
campagne, mais aussi entre cantons (voir les exemples de Glaris et Lucerne), en raison de l'observation plus
ou moins stricte des lois ecclésiastiques et des normes morales, et selon la portée des empêchements
juridiques au mariage.
Le nouvel intérêt que suscite depuis les années 1970 la recherche historique sur des thèmes comme les
classes populaires, la famille, les femmes et les rapports entre les sexes a bénéficié à l'étude de l'illégitimité
et de son évolution. On a proposé divers modèles explicatifs; certains ont été très controversés. Des tenants
de l'histoire des mentalités ont interprété l'augmentation du taux d'illégitimité au début du XIXe s. comme
l'indice d'une première révolution sexuelle, d'une émancipation des jeunes ou des femmes, ou encore comme
le symptôme d'un effondrement des repères et valeurs traditionnels dans la société. D'autres, plus attachés
aux causes matérielles, aux changements économiques dont dépendent les mutations sociales, ont montré
que ce phénomène se produisait dans un contexte d'autonomie économique plus précoce des jeunes et de
mobilité accrue de la population; ils l'ont donc vu comme une conséquence de l'industrialisation et de
l'urbanisation. Pour leur part, les spécialistes de l'histoire des institutions ont insisté sur les innovations
juridiques, comme le renforcement des empêchements au mariage et le découragement, voire l'interdiction,
de la recherche en paternité.
Bibliographie
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