1 Contexte physique
Equation d’état de la matière nucléaire
Les collisions d’ions lourds autour de l’énergie de Fermi (E = 10-100 MeV par nucléon)
permettent de produire des noyaux dans des états extrêmes en terme de température (T), de
pression (
ρ
), ou encore d’isospin (N/Z). Ceci permet alors d’envisager de caractériser et
définir l’équation d’état de la matière nucléaire, équation liant les propriétés microscopiques
de la matière nucléaire aux variables thermodynamiques extensives ou intensives comme
l’énergie E, la température T, la pression P ou encore le volume V des systèmes nucléaires
étudiés [1]. La connaissance précise de l’équation d’état de la matière nucléaire est
indispensable pour les scénarii imaginés lors des explosions de supernovae de type II,
produisant de la matière nucléaire fortement excitée et comprimée. Les relations entre
énergie et pression (compressibilité), énergie et température (capacité calorifique), ou
encore énergie et isospin (énergie de symétrie) sont en effet indispensables pour établir
l’évolution de la matière nucléaire sous ces conditions extrêmes et établir les modèles
astrophysiques adéquats [2]. D’autre part, l’équation d’état de la matière nucléaire permet de
rendre compte des propriétés dynamiques des collisions entre ions lourds et donc de décrire
de manière plus précise l’émergence et les propriétés des phénomènes observés dans les
réactions nucléaires tels que la multifragmentation, l’émission au col ou encore le
prééquilibre. En effet, l’équation d’état est un ingrédient essentiel de tout modèle de transport
basé sur le champ moyen et ses extensions, censé pouvoir décrire les collisions d’ions
lourds autour de l’énergie de Fermi.
Collisions d’ions lourds et exclusivité de détection
Pour accéder aux propriétés liées à la matière nucléaire fortement excitée, il est très vite
apparu au début des années 1980, grâce à l’avènement d’accélérateurs de particules de
quelques dizaines de MeV par nucléon, que les collisions entre ions lourds à des énergies
proches de l’énergie de Fermi de la matière nucléaire (EFermi= 38 MeV) permettaient de
produire des noyaux dans des conditions identiques à celles attendues dans les processus
violents à l’œuvre dans l’Univers (supernovae). C’est en effet par l’intermédiaire des
nombreux mécanismes de réaction à l’œuvre dans ce domaine en énergie, qui se trouve à
l’intersection des effets dus au champ moyen à basse énergie, et de ceux dus aux propriétés
individuelles des nucléons à plus haute énergie, que l’on peut produire des noyaux chauds,
comprimés, présentant souvent un rapport neutron sur proton (nommé de manière abusive
« isospin ») différent de celui des noyaux stables.
La figure 1 présente un exemple des différents mécanismes observés dans ce domaine en
énergie [3]. On notera ici la variété des vitesses, qui varient de 0 à plus de 10 cm/ns, sur un
domaine angulaire polaire variant entre 0 et 180° dans le laboratoire. Les mécanismes de
réaction peuvent produire des résidus de fusion à basse énergie (qui peuvent évaporer ou
fissionner), des noyaux issus de la fragmentation du projectile et/ou de la cible à plus haute
énergie (visibles sous forme des « cercles coulombiens » sur la figure 1), de collisions
profondément inélastiques aux énergies intermédiaires (« deep inelastic ») ou encore
d’émission hors équilibre (col, prééquilibre, colonne centrale sur la figure 1). Tous ces
mécanismes, souvent mélangés dans les collisions d’ions lourds autour de l’énergie de
Fermi, contribuent donc à produire toute une panoplie de produits de réaction dont les
caractéristiques varient de manière importante, avec des charges comprises entre 0
(neutrons, gammas) et 100 (transuraniens), des énergies entre quelques MeV et quelques
GeV. Ceci conditionne grandement les performances attendues par un multidétecteur dans
cette gamme d’énergie de bombardement.