8585
Le tournant de 1973
l’Europe, à une sorte de remise en question de la suprématie américaine. L’accord,
conclu le 22 juin 1973, sur la prévention de la guerre nucléaire scelle, certes, un
« condominium », mais n’a pas que des effets positifs. Les Européens, notamment,
réagissent vivement à cet accord, craignant de n’être plus considérés que comme
puissances de seconde zone. M. Jobert lance en juillet 1973 un appel « aux nations
libres et égales », signifiant par là qu’il ne peut y avoir, d’un côté, des Américains
et Soviétiques qui dictent leur conduite au monde entier, et, de l’autre, des
Européens qui n’ont qu’à bien se tenir.
La réaction identitaire des Européens est
un point essentiel de l’année 1973 : les
Neuf, pour la première fois et alors que
tout les divise malgré la dynamique du
processus de construction, adoptent une
déclaration sur l’identité européenne,
qui apparaissait totalement imprévisible
quelques mois plus tôt. Se développent
donc, au sein de la communauté, l’idée de refus du condominium américano-
soviétique et la volonté de développer le partenariat avec les Américains,
puisqu’ils font partie du monde libre, sur un statut d’égalité et non d’infériorité.
L’année 1973 constitue, là encore, un tournant, en ce qu’elle constitue le début
d’une véritable coopération politique européenne.
« L’ère des incertitudes » économiques
et diplomatiques
Avant la Seconde Guerre mondiale, les accords de Gênes avaient, en 1922,
conduit à l’instauration d’un Gold Exchange Standard, ou étalon de change-or,
qui était en réalité un étalon de change-dollar. Les accords de Bretton Woods,
en juillet 1944, font du dollar la seule monnaie de référence par rapport à l’or,
la parité de celui-ci étant fixée à 35 dollars pour une once d’or. Par conséquent,
la monnaie internationale usitée dans la majorité des transactions et échanges
internationaux, en particulier pour les hydrocarbures, était le dollar. Or, le
15 août 1971, à la suite de la guerre du Viêtnam et des problèmes américains
de déficit commercial, le président R. Nixon prend la décision de suspendre
la convertibilité du dollar, c’est-à-dire de mettre fin de façon unilatérale aux
accords de Bretton Woods de 1944 et donc de remettre en question l’ensemble
du système monétaire international. On entre alors, pour reprendre les propos de
1. Voir Pierre Melandri, Une incertaine alliance. Les États-Unis et l’Europe, 1973-1983, Paris, Publications
de la Sorbonne, 1 988.
2. Voir Aurélie Élisa Gfeller, Building a European Identity. France, the United States and the Oil Schock,
1973-1974, New York, Berghahn Books, 2012.
Le duopole américano-soviétique
conduit également peu à peu, du côté
de l’Europe, à une sorte de remise en
question de la suprématie américaine
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.93 - 15/01/2015 12h36. © Armand Colin