Gilad Atzmon démontre l’affinité particulière qui existe entre les juifs et les courants
révolutionnaires de gauche ; en effet, la présence disproportionnée de personnes d’ascendance
juive dans les mouvements révolutionnaires et d’émancipation est frappante ; et Horst Mahler
approfondit cette connexité. Tandis qu’Atzmon souligne que le sionisme séculier se situe en
continuité avec une prétention à la domination “tribaliste” religieusement fondée, que l’on
peut faire remonter à des millénaires dans la longue histoire du judaïsme et qui est en relation
avec les expériences historiques (ou mythiques) d’exil des Judéens et des Hébreux, Mahler
quant à lui creuse plus profondément. Les prétentions impérialistes seraient bien davantage
que les rêves impériaux d’une nation, puisque cette dernière put préserver extraordinairement
longtemps son identité dans la diaspora de par le monde entier, tandis que des prétentions
comparables d’autres nations
furent éventuellement réalisées territorialement à une époque
donnée, mais ensuite elles s’éteignirent, souvent à cause du déclin de cette même nation. Non,
selon Mahler, elles sont, comme cela a été dit, d’origine religieuse-métaphysique : Yahvé, ce
Dieu négatif, est la perte ou l’asservissement de tous les peuples non-juifs. Sauf que la nature
de cet événement n’est pas, en premier lieu et de manière plus directe, politique-militaire,
mais au contraire sublime, et ayant trait notamment à la manipulation et au chantage. Mahler
cite le Deutéronome, 28, 12 : « L'Éternel t'ouvrira son bon trésor, le ciel, pour envoyer à ton
pays la pluie en son temps et pour bénir tout le travail de tes mains; tu prêteras à beaucoup de
nations, et tu n'emprunteras point. ». Le rôle éminent des juifs dans la finance, dans les
opérations de prêt, et en fin de compte dans le capital financier capitaliste, serait-il déjà tout
tracé ? Marx, dans sa “Question juive”, a assimilé la religion des Hébreux à une religion
matérialiste de l’argent sans au-delà moral. Mahler complète cette analyse qu’il considère
comme insuffisante : Yahvé est absolument séparé du monde, et celui-ci est à la disposition
sans réserve, moralement sans entraves, de son peuple. Assujettissez la terre et les peuples
fétichistes et qui idolâtrent la nature. Pour Mahler - et il s’appuie à ce sujet sur Hegel - la
religion mosaïque est un mouvement d’émancipation, un découplage d’avec toute origine
culturelle pré-rationnelle, d’avec toutes les conditions humaines naturelles. Et un soin intensif
de la tradition de la part des juifs serait le retour à l’exode hors de la nature et à la culture
tribale. Le tribalisme qu’Atzmon reproche aux juifs actuels serait un réflexe anti-tribal. Le
Christ, le fils de Dieu devenu chair aurait aboli en principe cette séparation entre Dieu et les
hommes (et la nature ?), et Hegel - la pensée libératrice du peuple allemand - annoncerait
alors la réalisation de ce principe. L’on pourrait poser l’équation : Hegel est dans le même
rapport avec les Lumières que Jésus Christ avec le judaïsme. Le mouvement de séparation de
l’émancipation doit être aboli. L’affinité entre les juifs et les différents mouvements
d’émancipation : ceux des prolétaires, des femmes, des enfants, des peuples de couleur, des
homosexuels, des handicapés, des déments, des animaux, etc., ferait système d’après cette
théorie. Libération ! Évasion hors de la prison des particularités de ce qui est terrestre, exode
vers le royaume des cieux de ce qui est général ! Telle serait la formule de l’esprit
individualiste. Il veut ce qui est général : le fruit, le nectar divin, et non pas son individuation :
pommes, prunes, abricots ! L’émancipation crie : nous voulons tout, nous voulons être tout, et
non pas les prisonniers de telle ou telle identité/identification.
Et si l’on peut trouver les juifs aussi bien dans la finance, à la pointe en matière
politique et culturelle, qu’également parmi leurs ennemis mortels, les révolutionnaires
anticapitalistes, antiétatistes, comment cette contradiction s’explique-t-elle ? Et comment le
fait que des révolutions socialistes aient été soutenues, comme cela peut être prouvé, par des
banquiers juifs ? Mahler, comme Adolf Hitler, considère que cette contradiction n’est
qu’apparente. Les socialistes veulent l’État mondial, le capital mondial, l’humanité mondiale,
la suppression des États, des capitaux, des nations, des races. Et les juifs sautent dans ce train
L’on renvoie ici au lamaïsme tibétain. Voir “Der Schatten des Dalai Lama” [L’ombre du Dalaï-lama] de
Victoria et Victor Trimondi.