Dossier de théâtre

publicité
Elève de l’atelier Baroque de Montaigne
Dossier de théâtre
Année 2007-2008
Sommaire
1. Expérience Personnelle
2. Influence du théâtre Baroque sur le jeu du comédien
3. Etude de l’interprétation de Pyrrhus dans Andromaque
Expérience personnelle
Je suis à l’atelier théâtre du lycée Montaigne depuis 4 ans maintenant. J’ai
commencé par le Symbolisme, qui fut pour moi une manière assez calme d’aborder le
théâtre. Au cours de cette première année, nous montâmes Intérieur, de Maeterlinck,
pièce relativement triste mais dont l’étude fut très intéressante pour ce qui est de
l’occupation du plateau ou encore de notre travail sur les marionnettes.
Désireux de m’épanouir de manière plus distrayante, j’ai changé d’atelier en 2ème
année pour me diriger vers le Baroque, dont je ne connaissais pas l’existence dans
l’univers du théâtre. Je fus aux premiers abords quelque peu retissant à tous ces codes,
mon adaptation fut rapide et nous montâmes Sganarelle, ou le Cocu Imaginaire de
Molière, où je jouais Sganarelle, rôle clé de la pièce, le côté humoristique me plût
beaucoup.
L’année suivante fut complémentaire puisque l’on joua L’amour Médecin, comédie
ballet de Molière, dans laquelle j’interprétais Sganarelle, à nouveau sujet de duperies
diverses.
Cette dernière année à l’atelier est pour moi plus dure que les précédentes puisqu’il se
trouve que j’ai changé de Lycée.
Mes horaires ne convenant pas parfaitement et les conditions d’accès étant plus
difficiles, je perds 1H30 de cours par semaine.
Néanmoins j’essaye de m’investir au maximum dans mon travail afin de ne pas
ralentir le groupe et de conserver une interprétation réfléchie, travaillée. Nous jouons
cette année Andromaque, de Racine, dans laquelle j’interprète le roi tyrannique
Pyrrhus.
La rupture complète avec le jeu des années précédentes est instructive, je redécouvre
avec plaisir la tragédie, dont l’interprétation demande à mon goût une certaine
maturité.
Rétrospectivement, cette maturité m’aurait probablement dépassée lors de mes débuts
à l’atelier.
Ces années d’apprentissage furent donc très fructueuses.
Ce qui me plaît dans le théâtre est l’émulation puis la cohésion qui se construit entre
les comédiens au cours de la découverte de la pièce, de leur travail dans l’année. Car je
pense en effet qu’une interprétation est une véritable (re)découverte de l’œuvre, le
comédien constituant le dernier maillon de la chaîne théâtrale, se doit nécessairement
de comprendre au plus profond le caractère, la psychologie de son personnage afin de
s’en imprégner pleinement. Toute cette recherche fastidieuse lui permettra alors sur
scène de retransmettre au public son savoir dans une recherche permanente d’habileté
et de maîtrise du jeu ; sans pour autant se laisser dépasser par le rôle qu’il prend, en
s’autogérant pour ne pas « dédoubler » sa personnalité.
J’aime communiquer, offrir des sentiments simples aux spectateurs, avoir l’impression
l’espace de quelques scènes, de modeler leurs réactions, j’aime la puissante interaction
qui se fait lors de la représentation, au paroxysme de la satisfaction du comédien.
Un des avantages de cet atelier théâtre a été la possibilité d’assister à plusieurs
représentations chaque année. Je me suis plus intéressé au théâtre classique mais j’ai
eu la chance d’aller aussi par moi-même voir jouer du théâtre contemporain.
J’ai particulièrement apprécié deux pièces qui n’ont rien en commun :
• Sous-sols, une pièce contemporaine mise en scène et écrite par Claire
Dancoisne, jouée au théâtre de la Licorne (Paris La Vilette) , inspirée des Bas
Fonds de Gorki. L’histoire racontée est celle d’un peuple -muet- de clandestins,
réfugiés vivant sous la terre, comme des taupes insomniaques, dont la destinée
n’est pas forcément exemplaire mais dont les rêves sont émouvants et loufoques.
J’en ai beaucoup apprécié la vivacité, les décors délirants, l’imagination
débordante du metteur en scène : les comédiens réussissaient à « récupérer » de
la lumière dans un seau et à la conserver dans leurs mains, se déplaçaient en
pédalant sur des animaux en ferraille.
Notre rencontre avec le metteur en scène et une actrice à la fin a été intéressante,
nous avons pu « à chaud » exprimer nos critiques et avoir quelques explications
sur différents choix de mise en scène.
• Cyrano de Bergerac, célèbre chef-d’œuvre du théâtre populaire qui valut à
Edmond Rostand une gloire immédiate, mis en scène par Denis Podalydès, joué
à la Comédie Française. Je trouve que cette pièce ne vieillit pas mais au
contraire prend du dynamisme avec le temps. Michel Vuillermoz, qui interprète
Cyrano, nous garde captifs et passionnés tout au long de la pièce. Il incarne
parfaitement ce héros tragique et attachant qui lui-même incarne le mythe de
l’amour et du bonheur impossible. Toute la mise en scène est intéressante et
envoûtante. Par exemple, une idée particulièrement innovante fut la pseudo mise
en abyme qui s’installe au début de la pièce lorsque les personnages assistent à
une pièce de théâtre regardant un écran rajouté pour refléter ce qui se passe dans
la salle.
Cette pièce tout en restant traditionnelle et en rajoutant des décors nous montre
encore une fois comme l’art du théâtre peut être captivant. D’autant plus que les
costumes de Christian Lacroix sont très travaillés. Le passage dans la rôtisserie
ainsi que celui de la guerre sont particulièrement bien représentés. Plus d’un
siècle après la première représentation, cette pièce nous remplit d’émotion par
son personnage principal héroïque.
Michel Vuillermoz et Françoise Gillard
• L’Autre Monde ou les états et empires de la lune, de Cyrano de Bergerac, mis
en scène par Benjamin Lazar au théâtre de l’Athénée. La pièce est très imagée,
poétique, ceci étant rendu par un décor simple mais harmonieux, deux
musiciens jouant des instruments traditionnels tels que la mandoline, et un
éclairage restreint : composé de bougies uniquement. Ce qui fait son originalité
est qu’elle est jouée en Baroque, par un jeune comédien, ancien élève de ma
professeur de théâtre. Celui-ci est seul sur scène du début de la pièce jusqu’à la
fin et contrairement à mes préjugés, il arrive à maintenir les spectateurs dans le
rêve du personnage avec une certaine fraîcheur de jeu. Cette pièce a constitué
pour moi une vraie leçon de jeu puisque en mettant en rapport mon rôle dans
Andromaque, j’ai vu qu’il était possible de tenir beaucoup plus longtemps seul
sur scène que lors des plus longs monologues & tirades de Pyrrhus, et sans pour
autant piétiner.
Benjamin Lazar
D’autres pièces diverses et variées m’ont aussi bien plu, telles que Au revoir
parapluie, de James Thierrée, jouée au théâtre de la Ville, ou encore Paroles d’acteurs
adami, Variations sur Lagarce mis en scène par Julie Brochen au Théâtre de
l'Aquarium…
Certaines pièces furent bien sûr plus scolaires et classiques que celles-ci, comme
Penthésilée, de Kleist, ou Andromaque, joué aux Bouffes du Nord…
Influence du Théâtre Baroque sur le jeu du comédien
Prononciation
La principale caractéristique du théâtre Baroque, qui dépayse le spectateur et qui le
ramène au temps du 17ème siècle en pleine cour du Louis XIV est la prononciation, qui
reprend tous les critères de son temps.
Elle est fondée sur :
La graphie –oi : au 17ème siècle cette graphie représentait le groupe consonnevoyelle (we) là où aujourd’hui nous prononçons (wa), et la voyelle simple ( ) dans les
cas où c’est la prononciation actuelle (que l’orthographe moderne note ai)
Il parloît ; connoître, polonnois
Au 17ème siècle, « oi » se prononçait (we) dans tous les cas.
La voyelle nasale (a) : tant, champ, en, emploi, s’articulait en deux temps :
D’abord la voyelle orale (a) (comme dans patte), ensuite la nasalisation.
Exemple ; ensanglantant –prononcé d’abord a-sa-gla-ta, puis on rajoute la nasalisation
à la fin de chaque syllabe.
Le L palatal, dit « mouillé » : les graphies ill, il représentaient un L palatal, comme
celui qui existe encore dans toutes les langues romanes (italien –gl…).
Par exemple : fille (filieu) ; famille (familieu).
Ce son peut exister en position finale : travail (travaL)
Le R était « roulé », comme dans toutes les langues romanes ; en principe il était plus
violent en début de mot, quand il suivait ou précédait une autre consonne, ou quand il
était « géminé » ; il était plus doux entre deux voyelles ou en fin de mot : rouge, trop ,
parle, terre.
Ainsi, lorsque l’on joue en tenant compte de toutes ces conditions de prononciation, la
théâtralisation du texte est accentuée.
Gestuelle
Le théâtre Baroque possède des gestes très précis pour certains traits de caractère ou
forme de réaction.
Dans une pièce tragique comme Andromaque, et particulièrement pour le personnage
de Pyrrhus on pourra trouver le geste de :
• La Franchise : on éloigne les bras l’un de l’autre, et en ouvrant les mains, on
les tourne vers l’extérieur, de façon à imager le « déploiement de l’âme ».
• La Tendresse : on porte le doigt sur l’estomac, symbolisant le cœur, siège des
passions.
• Le Règne : on étend le bras en ligne droite, on met la main un peu concave vers
le sol comme si l’on tenait une balle, parce que cette action marque l’infériorité
de ceux dont on parle.
• Le Triomphe : on regarde vers le « ciel », on porte le bras droit vers le bras
gauche, et l’on hausse un peu la tête, cette action marque un progrès
momentané.
• La Colère : on élève « horriblement » les paupières, on avance la lèvre
inférieure, signe de vengeance, en marquant une certaine animosité dans le
regard.
• Le Reproche : front plissé, tête branlante, le corps doit être un peu courbé pour
marquer « l’ardeur qu’on a pour Dieu », le regard doit être sévère pour marquer
l’horreur du pêché.
Posture
Les comédiens doivent toujours se tenir en « contra-posto », ce qui signifie
dissymétrie, la posture droite signifiant la mort.
Tous ont un regard qui porte sur le public, leur positionnement est de sorte qu’ils
s’adressent presque aux spectateurs, en effet on insiste sur la complicité entre l’auteur
et le spectateur, qui participe presque à l’action.
Ainsi le théâtre baroque ne tente pas de rationaliser l’action de la pièce mais au
contraire, il produit une réelle théâtralisation du texte. Les acteurs parviennent à
emmener le public dans leur aventure à travers de nombreux codes facilement
compréhensibles.
Interprétation de Pyrrhus
Le travail d’interprétation de Pyrrhus n’est pas aussi simple que l’on pourrait le
croire. Même si le comédien ne doit pas rentrer dans un jeu que l’on qualifierait de
psychologique, il est important pour lui de cerner la complexité du personnage.
Son jeu sur scène est d’autant plus délicat que celui-ci ne doit pas tout dévoiler de ce
qu’il aura appris et compris sur le personnage tout au long de son étude de la pièce.
En effet les passions extrêmes qui animent Pyrrhus apprêtent à une interprétation
mouvementée et très expressive du personnage. Celle-ci doit se limiter si l’on veut
respecter les règles de la tragédie classique.
Sans pour autant réciter son texte, le comédien devra conserver dans son jeu une
certaine sobriété, nuancée tout de même par les codes du théâtre Baroque expliqués cidessus.
Cette difficulté peut notamment être maîtrisée par un exercice que je juge très
instructif sur le contrôle de soi lors de l’interprétation, celui de la répétition hystérique.
L’exercice consiste à pousser le jeu au-delà de ses limites.
Les différents comédiens peuvent exagérer à outrance leur jeu, à travers leur gestuelle,
leur intonation (en chantant le texte ou en le hurlant par exemple)… Par la liberté
totale qui leur est laissée, ceux-ci « s’extravertissent » et prennent conscience de
certaines facettes de leurs personnages, se redécouvrent.
La plus souvent exercée peu de temps avant la 1ère représentation, la répétition
hystérique permet aussi aux élèves de se détendre et de réajuster leurs jeux.
Il existe bien sûr d’autres exercices utiles au travail du comédien comme :
* La reproduction de tableaux vivants.
Celui-ci consiste à donner à des petits groupes d’élèves différents tableaux
représentants des scènes tirées d’Andromaque ou des scènes de mythologie grecque
par exemple, le but étant de les reconstituer au mieux . Cet exercice ludique permet de
nous apprendre à imiter, à corriger l’autre, fait travailler l’imagination puisque l’on
doit aussi inventer une histoire mobile autour du tableau figé. Il m’a aidé dans ma
recherche sur Pyrrhus puisque j’ai pu voir comment les rois, considérés comme divins,
étaient représentés.
*Jeux de maîtrise du plateau, équilibres du plateau, études de placements.
Les élèves évoluent en silence sur la scène en trouvant sans concertation une finalité à
leur déplacement.
* Tai- chi (dirigé par Jeanne Marie Bourdet)
Pratiqué en début de cours, cette séance est un véritable exercice de relaxation et de
maîtrise du corps qui nous permet d’établir une atmosphère sereine dans le groupe,
utile après une journée de cours bien chargée.
* Improvisation (Les élèves piochent un bout de papier sur lequel sont écrits
quelques vers –tirés d’Andromaque -qu’ils apprennent rapidement et à partir desquels
ils inventent une petite histoire par groupe de 4 ou 5, essayant de définir pour chacun
un rôle à part entière.)
* Tire-bouchon Baroque
Dirigés par le professeur, les élèves travaillent sur la dissymétrie de leur corps.
Par exemple ils peuvent se retrouver dans des situations où :
Les yeux regardent à jardin, leur tête est à cour, ainsi que leur bassin, leur pied droit
est levé et leur corps oscille vers l’arrière !
Remarque
On note que le thème de Catharsis est dans cette pièce mis à l’œuvre. C’est la
« purgation des passions » par le spectacle de celles-ci et celui des conséquences que
cette passion peut entraîner.
La tragédie inspire la terreur et la pitié du spectateur. L’exemple de Pyrrhus est
repoussant celui-ci est prêt à oublier son devoir et à risquer la mort ou la destitution
par amour pour une esclave.
Mythologie
D’après la Mythologie Grecque, Pyrrhus est le fils d'Achille et de Déidamie (fille
du roi Lycomède), il est élevé par ce dernier sur l'île de Skyros et, selon les Chants
cypriens, nommé d'abord Pyrrhus, en référence aux cheveux roux hérités de son père.
Son nom de Néoptolème est en fait dû à Phœnix.
Peu après la mort de son père, il est amené par Ulysse à Troie : une prophétie
d'Hélénos prédit que la cité ne tombera que devant un descendant d'Éaque. Il fait partie
des guerriers enfermés dans le cheval de Troie, et fait preuve d'une grande cruauté
dans le pillage de la ville : il tue le vieux Priam dans le temple de Zeus, jette
Astyanax, fils d'Hector, par-dessus les remparts, et sacrifie Polyxène sur le bûcher
funéraire de son père.
Il rentre ensuite en Phthie où, selon Homère (Odyssée, IV, 5-6) il épouse Hermione,
fille de Ménélas et d'Hélène, qui lui avait été promise pendant le siège de Troie.
Selon d'autres traditions, il obtient Andromaque et Hélénos comme parts de son butin
(ce qui constitue l'intrigue de la tragédie de Racine, Andromaque). Suivant une
prophétie de ce dernier, il fonde une colonie en Épire, et se mariant à Andromaque,
il en a trois fils (Molossos, Piélos et Pergamos), donnant ainsi naissance à la lignée des
rois épirotes. Il revient ensuite en Phthie, remet sur le trône son grand-père, Pélée, qui
avait été évincé par Acaste, puis épouse Hermione.
Les traditions divergent encore au sujet de sa mort. Selon les uns, il est assassiné par
Oreste, amant d'Hermione, selon d'autres, par les habitants de Delphes, où il allait
piller le temple d'Apollon pour venger son père.
Il fait l'objet d'un culte héroïque à Delphes. Olympias, et par conséquent Alexandre le
Grand, ainsi que Pyrrhus Ier, membres de la famille royale d'Épire s'affirment les
descendants de Pyrrhus.
"Andromaque et Pyrrhus"
de Pierre Narcisse Guérin ,1813
En étudiant Andromaque, on remarque que c’est dans le personnage de Pyrrhus que
Racine a le plus modifié les données antiques, en effet l’auteur le fait mourir avant son
mariage à Andromaque, il n’est donc pas question d’enfants. Racine donne aussi
beaucoup d’importance à Astyanax, qui est censé mourir avant le mariage de Pyrrhus à
Hermione.
Pyrrhus constitue finalement la figure la plus émancipée de la pièce voire du théâtre
racinien d’après certains écrivains.C’est finalement le seul personnage de bonne foi,
qui malgré ses multiples vices se révèle comme foncièrement vrai et juste. Désireux
d’Andromaque, il cherche lui-même Hermione pour lui annoncer sa rupture (dans
l’acte 4 scène 5) et entreprend son explication devant elle sans recourir à aucun alibi ni
justifications («J’épouse une Troyenne. Oui Madame, et je l’avoue que je vous ai
promis la foi que je lui voue »).
Ceci est dû à sa profonde libération, il veut choisir en lui-même et pour lui seul entre
le passé et l’avenir, le confort étouffé d’une « Légalité » ancienne et le risque d’une
« Légalité » nouvelle.
Son problème est sa renaissance, qui ne peut être que violente : il se retrouve face à
une qui le regarde, le reconnaît, et parfois il faiblit, son regard sur lui-même est prêt à
se confondre avec le regard de l’ancienne « Légalité » qui l’a formé.
Le plus souvent ce regard lui est intolérable, et c’est pour s’en affranchir qu’il combat.
Le poids d’un amour non partagé se confond pour lui avec l’emprise de l’ordre
ancien ; renvoyer Hermione, c’est passer très vite d’une contrainte collective à un
ordre individuel où tout est possible ; épouser Andromaque c’est commencer une
nouvelle vie où toutes les valeurs du passé sont en bloc allégrement refusées ; patrie,
serments, alliances, haines ancestrales, héroïsmes de jeunesse, tout est sacrifié à
l’exercice d’une liberté, l’homme refuse ce qui s’est fait sans lui, la fidélité s’écroule,
privée, soudain d’évidence, les mots ne sont plus une terreur, l’ironie d’Hermione
devient la vérité de Pyrrhus (« Tout cela part d’un cœur toujours maître de soi, d’un
héros qui n’est point esclave de sa foi. » Acte 4, scène 5)
On remarque que pour Andromaque, Hector et Pyrrhus se répondaient, comme
meurtriers, l’un des femmes grecques, l’autre des femmes troyennes.
Pour Hermione l’Epire devait être une nouvelle Troie (« Qu’on fasse de l’Epire un
second Ilion » Acte 2, scène 2), elle-même une seconde Hélène (acte 5, scène 2).
C’est cette répétition que Pyrrhus veut briser.
Cela veut dire que le Temps ne doit pas servir à imiter mais à mûrir ; son « cours » doit
modifier le réel, convertir la qualité des choses (« Hé quoi ! Votre courroux n’a-t-il pas
eu son cours ? Peut-on haïr sans cesse ? Et punit-on toujours ? […] Mais enfin, tour à
tour, c’est assez nous punir. » Acte 1, scène 4).
Aussi le premier acte du nouveau règne de Pyrrhus (lorsqu’il consacre la rupture en
conduisant Andromaque à l’autel), c’est d’abolir le Temps passé ; détruire sa propre
mémoire est el mouvement même de sa nouvelle naissance (« Madame, il ne voit rien ;
son salut et sa gloire semblent être avec vous sortirs de sa mémoire » Acte 5, scène 2)
La rupture de Pyrrhus est donc fondation : il prend entièrement en charge l’enfant, il
veut que l’enfant vive, s’exalte à fonder en lui une nouvelle paternité (« Je vous rends
votre fils, et je lui sers de père » Acte 1, scène 4 ; « Je voue à votre fils une amitié de
père » Acte 5, scène 3) ; il s’identifie pleinement à lui (« Je défendrai sa vie aux
dépens de mes jours […] Pour ne pas l’exposer, lui-même se hasarde ») : alors que par
un mouvement inverse, représentante de l’ancienne Légalité, Andromaque remontait
sans cesse d’Astyanax à Hector, Pyrrhus descend de lui-même à Astyanax : au père de
la nature, il oppose un père de l’adoption.
Sans doute cette naissance de Pyrrhus se fait elle au prix d’un chantage ; nous ne
sommes pas ici dans un monde des valeurs ; chez Racine, il n’y a jamais de
résignation.
Ce qui est cherché frénétiquement, c’est le bonheur, ce n’est pas la gloire, la réalité de
la possession amoureuse, non sa sublimation.
Mais ce chantage prend son droit dans la résistance même d’Andromaque : il a pour
objet un être entièrement aliéné à son passé et qui n’est pas lui-même.
Ce que Pyrrhus veut d’Andromaque, c’est qu’elle accomplisse elle aussi sa rupture ;
contre le passé, il utilise les armes du passé, au prix d’ailleurs d’un risque énorme.
Qu’Andromaque entrevoie l’intention profonde de Pyrrhus et dans une certaine
mesure y réponde, c’est ce que laisse supposer la variante de la scène 3 de l’acte 5.
Andromaque y prend congé de l’ancienne Légalité. De toute manière, même si par
scrupule critique on ne veut pas tenir compte de scène censurée, le dénouement de la
pièce est sans équivoque : Andromaque prend expressément la relève de Pyrrhus.
Pyrrhus mort, elle décide de vivre et de régner, non comme amante enfin débarrassée
d’un tyran odieux, mais comme veuve véritable, comme héritière légitime du trône de
Pyrrhus. La mort de Pyrrhus n’a pas libéré Andromaque, elle l’a initiée : Andromaque
a fait sa conversion, elle est libre.
Le choix des costumes, dernière ligne droite avant la 1ère représentation est très
important, il ne faut pas le négliger.
Pour Pyrrhus, on recherche des signes de noblesse et de pouvoir.
Des couleurs comme le rouge ou rouge bordeaux symbolisant la passion et le pouvoir
seront appropriés. On choisira une matière imposante et de qualité comme le velours.
Il pourra s’accaparer d’accessoires tels qu’une épée ou encore un chapeau…
Téléchargement