Théâtre
14 janvier
20h
Graphisme : theworkshop.ch | Photo : Dorothée Thébert Filliger
Théâtre Forum Meyrin / Place des Cinq-Continents 1 / 1217 Meyrin / +41 22 989 34 34 / forum-meyrin.ch
Service culturel Migros, rue du Prince 7, Genève, +41 22 319 61 11 / Stand Info Balexert / Migros Nyon-La Combe
Les Histoires dA–
Andromaque
Cie Alexandre Doublet
Théâtre jeudi 14 janvier à 20h
Les Histoires dA–Andromaque
Jean Racine – Cie Alexandre Doublet
Lhistoire
Un matin, dans une salle de répétition ordinaire. Un groupe dune
quinzaine de personnes entre. Face à eux le public. Le groupe s’installe,
certains s’asseyent sur des chaises disposées le long des murs, dautres
autour de tables. Parmi eux, on distingue cinq adultes, trois hommes
et deux femmes, ils jouent les rôles dAndromaque, d’Hermione, de
Pyrrhus, d’Oreste et des quatre confi dents. Autour d’eux une dizaine
d’enfants âgés de 8 à 10 ans deviennent, au fil de la représentation,
Astyanax. Les acteurs se lèvent tour à tour, en fonction des entrées et
des sorties dictées par le texte de Racine, et parlent en alexandrins ;
les enfants les regardent, les écoutent, peut-être même commentent.
C’est un filage où les actes de la pièce s’enchaînent chronologiquement.
Tous jouent Andromaque de Jean Racine, intégralement.
Les enfants commencent à entrer et sortir de l’espace ; ils mangent,
amènent de nouveaux éléments. Ils transforment l’espace formel en
un espace dramaturgiquement relié au destin dAstyanax : la salle
de répétition se transforme en salle de banquet pour le mariage
d’Andromaque et de Pyrrhus. La tragédie oeuvre naturellement
et entraîne la chute mortelle des adultes. Seule avec l’enfant(s),
Andromaque reste debout, en jeu ; Hermione et Pyrrhus, morts,
s’asseyent sur les bords, hors jeu ; Oreste face à Pylade ne parvient plus
à sortir de la fable. Les enfants forment un choeur et chantent avec
fausses Les histoires dAmour finissent mal en général, en conclusion.
Théâtre Les Histoires dA-Andromaque
Notes de mise en scène
Propos d’Alexandre Doublet
Les Histoires dA – Andromaque restitue intégralement l’œuvre de Jean Racine, Andromaque ; cette pièce
du XVIIe siècle, écrite en cinq acte est résumée bien souvent par ces mots : Oreste aime Hermione, qui doit
se marier avec Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime son fi ls Astyanax et son mari Hector qui est mort.
La pièce repose sur un langage structuré par lalexandrin, lui-même composé de césures, de voyelles blanches
à contretemps, de diérèses, d’enjambements, de longues et de brèves, de H aspirés, de claquements
de consonnes… L’utiliser pour ce qu’il est, un outil extra-ordinaire au service dune histoire ; et questionner
cette phrase de Michel Foucault : « Il n’y a de créativité qu’à partir d’un système de règles ».
Les Histoires dA – Andromaque raconte l’histoire de philosophes avec des corps cherchant à réinventer
leurs vies, leurs destins :
Pyrrhus : Barthes parle de lui comme d’un homme qui veut choisir en lui-même et pour lui seul entre le passé
et l’avenir.
Andromaque : Ce ne sera qu’à la fin, à la mort de Pyrrhus, qu’elle se réinventera, passant de captive à Reine.
Hermione : En quelques vers, Hermione renonce à ce qu’elle est, à ce qu’on a fait d’elle, à ce que l’on voudrait
qu’elle soit et prend ce qui est peut-être sa première et dernière décision, celle du suicide.
Les Histoires dA – Andromaque comme lapparition signifiée de la folie, représentée par Oreste. Ce qui fera
dire à Michel Foucault qu’Andromaque est la dernière pièce où les fous sont encore admis.
Théâtre Les Histoires dA-Andromaque
Les Histoires dA – Andromaque réinvente le personnage dAstyanax, non pas sous la forme d’un enfant qui
ressemblerait physiquement à ses parents, mais sous la forme dun choeur composé denfants qui seraient
comme plantés là, sur cette scène, sans trop savoir pourquoi, faisant face au langage des adultes violents
mais sincères.
Les Histoires dA – Andromaque redistribue les rôles des confidents Céphise- Cléone-Pylade-Phoenix pour
n’être qu’un seul acteur portant la mission délicate de contraindre les personnages à parler deux-mêmes
pour les sortir de leur rôle social (roi, princesse, ambassadeur, prisonnière). Les rendre humains !
Les Histoires dA – Andromaque est une mise en abîme d’un processus théâtral, celui dacteurs qui dans une
salle de répétition jouent véritablement Andromaque de Jean Racine, une sorte de théâtre dans le théâtre.
Ce moment étrange où le jeu de lacteur est actionné et ce moment brutal où il s’arrête sans pour autant
tordre l’histoire. Des acteurs en travail qui essaient de jouer Racine honnêtement. Que signifie la tragédie
aujourd’hui ? A-t-elle encore un sens ? Comment jouer tragique ?
Les Histoires dA – Andromaque est une ode à Opening Night de John Cassavetes, un Opening Night racinien
en quelques sortes ! Où tous les rapports entre les personnages sont assumés, directs et concrets.
Les Histoires dA – Andromaque c’est aussi mon histoire et ce sont les mots d’un autre qui me l’ont révélée.
Détruire sa propre mémoire est le mouvement même de sa nouvelle naissance. La rupture de Pyrrhus est
donc fondation : il prend entièrement en charge l’enfant, il veut que l’enfant vive, s’exalte à fonder en lui
une nouvelle paternité ; il s’identifie pleinement à lui : alors que par un mouvement inverse, représentante
de l’ancienne légalité, Andromaque remontait sans cesse dAstyanax à Hector, Pyrrhus descend lui-même
à Astyanax : au père de la nature, il oppose un père d’adoption. Il semble que mon histoire personnelle, ce
qui fait qu’un fils enterre son père, me rattrape et je relis Andromaque à la lumière de Roland Barthes (Sur
Racine). Je m’aperçois que depuis 2007, j’ai créé inconsciemment une forme de triptyque sur l’absence de
père : aujourd’hui, Andromaque, hier Hamlet, avant-hier Platonov. Au travers de Pyrrhus, j’ai vu mon enfance.
J’ai vu celui qui m’a élevé, un être violent, mais sincère, comme le dit Andromaque à l’Acte IV. Jai vu aussi
l’homme que je devenais et que Barthes décrit comme celui qui veut choisir en lui-même et pour lui seul
entre le passé et l’avenir. Comme Pyrrhus, je suis un fils qui veut s’arracher du passé, au risque de devenir un
autre. Je suis aussi Astyanax, cet enfant qui encombre, qui empêche Hermione et Andromaque daccomplir
leur désir.
Théâtre Les Histoires dA-Andromaque
Entretien avec Alexandre Doublet
Propos recueillis par Pierre-Louis Chantre
Alors que vos comédiens disent l’intégralité du texte d’Andromaque, votre spectacle s’intitule Les Histoires
d’A et son affiche annonce qu’il s’agit d’une mise en scène « d’après Racine ». Pourquoi ?
Mes spectacles sont toujours liés à des chansons. Cétait le cas de All apologies – Hamlet (programmé à
Meyrin en 2014, ndr), et de ma mise en scène de Platonov « d’après » Tchekhov, dont le titre était Il n’y a que
les chansons de variété qui disent la vérité et dans laquelle j’avais gardé 80 % du texte original. Les Histoires
d’A fait référence à la chanson des Rita Mitsuko, qui dit dans son refrain : « Les histoires d’amour finissent
mal en général ». Quant à la mention « d’après Racine », elle signale que je n’ai pas l’ambition de monter
Andromaque au sens où on lentend habituellement. Il s’agit plutôt de montrer des comédiens en train de
chercher à dire des alexandrins. J’ai placé l’action de la pièce dans une situation de répétition, au sein de
laquelle les acteurs doivent être attentifs à leurs erreurs et reprendre leur texte s’il le faut. Ils ont la liber
de s’arrêter pendant leur discours, de ne pas enchaîner et de répéter des vers. La langue de Racine demande
d’être très honnête avec ce qu’elle dit ; c’est cette recherche d’honnêteté qui est au coeur du spectacle.
Dire des alexandrins est un travail réputé très difficile. Comment vous et vos comédiens avez-vous procédé ?
J’ai d’abord lu tout ce que je pouvais sur le sujet et puis jai fini par comprendre qu’il y a autant de manières
de travailler lalexandrin que de façons d’y réfléchir. Finalement, il faut en faire ce qu’on veut. Nous avons
défini collectivement des règles sur le respect des pieds, des enjambements, des « h » aspirés, etc. Mais le
plus important pour nous, et le plus difficile, était de mettre lalexandrin au service du sens. Les personnages
d’Andromaque sont des philosophes dont il faut montrer la pensée, tout en trouvant une manière de parler
simplement.
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