Théâtre Les Histoires d’A-Andromaque
Les Histoires d’A – Andromaque réinvente le personnage d’Astyanax, non pas sous la forme d’un enfant qui
ressemblerait physiquement à ses parents, mais sous la forme d’un choeur composé d’enfants qui seraient
comme plantés là, sur cette scène, sans trop savoir pourquoi, faisant face au langage des adultes violents
mais sincères.
Les Histoires d’A – Andromaque redistribue les rôles des confidents Céphise- Cléone-Pylade-Phoenix pour
n’être qu’un seul acteur portant la mission délicate de contraindre les personnages à parler d’eux-mêmes
pour les sortir de leur rôle social (roi, princesse, ambassadeur, prisonnière). Les rendre humains !
Les Histoires d’A – Andromaque est une mise en abîme d’un processus théâtral, celui d’acteurs qui dans une
salle de répétition jouent véritablement Andromaque de Jean Racine, une sorte de théâtre dans le théâtre.
Ce moment étrange où le jeu de l’acteur est actionné et ce moment brutal où il s’arrête sans pour autant
tordre l’histoire. Des acteurs en travail qui essaient de jouer Racine honnêtement. Que signifie la tragédie
aujourd’hui ? A-t-elle encore un sens ? Comment jouer tragique ?
Les Histoires d’A – Andromaque est une ode à Opening Night de John Cassavetes, un Opening Night racinien
en quelques sortes ! Où tous les rapports entre les personnages sont assumés, directs et concrets.
Les Histoires d’A – Andromaque c’est aussi mon histoire et ce sont les mots d’un autre qui me l’ont révélée.
Détruire sa propre mémoire est le mouvement même de sa nouvelle naissance. La rupture de Pyrrhus est
donc fondation : il prend entièrement en charge l’enfant, il veut que l’enfant vive, s’exalte à fonder en lui
une nouvelle paternité ; il s’identifie pleinement à lui : alors que par un mouvement inverse, représentante
de l’ancienne légalité, Andromaque remontait sans cesse d’Astyanax à Hector, Pyrrhus descend lui-même
à Astyanax : au père de la nature, il oppose un père d’adoption. Il semble que mon histoire personnelle, ce
qui fait qu’un fils enterre son père, me rattrape et je relis Andromaque à la lumière de Roland Barthes (Sur
Racine). Je m’aperçois que depuis 2007, j’ai créé inconsciemment une forme de triptyque sur l’absence de
père : aujourd’hui, Andromaque, hier Hamlet, avant-hier Platonov. Au travers de Pyrrhus, j’ai vu mon enfance.
J’ai vu celui qui m’a élevé, un être violent, mais sincère, comme le dit Andromaque à l’Acte IV. J’ai vu aussi
l’homme que je devenais et que Barthes décrit comme celui qui veut choisir en lui-même et pour lui seul
entre le passé et l’avenir. Comme Pyrrhus, je suis un fils qui veut s’arracher du passé, au risque de devenir un
autre. Je suis aussi Astyanax, cet enfant qui encombre, qui empêche Hermione et Andromaque d’accomplir
leur désir.