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Les Courants spirituels
qui ont présidé
à la fondation de Ville-Marie
Conférence donnée par monsieur l’abbé Marcel Lessard
Dans le cadre des conférences mensuelles offertes par
La Société Historique de Montréal
Samedi, le 4 février 2017
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Les courants spirituels qui ont prési
à la fondation de Ville-Marie
1.- Une approche théologale :
Que faut-il entendre d’abord par l’expression «courants spirituels»? La
perspective qui s’ouvre à nous peut apparaître encore bien floue à nos yeux plus
rationnels et pragmatiques, à la recherche d’une définition. Pourtant nous
comprenons que nous sommes dans le domaine de la spiritualité, domaine aux
contours plutôt vaporeux. Nous nous attendons un peu à ce que le sujet_ tel celui de
la spiritualité_ demeure plus ou moins évanescent. Pourtant un courant même s’il est
spirituel, ça passe ou ça ne passe pas. Et cela relève du senti. Qu’il s’agisse d’un
courant alternatif ou en continu…. Il faut être bien «grounder» avec les deux pieds
sur terre. Ici un courant nous rappelle que des électrons et de l’énergie se promènent
dans tout ce qui conduit de l’électricité. Voilà une première image de la spiritualité :
une énergie prenant sa source à l’extérieur traverse le corps d’une personne. Ce n’est
pas nécessairement toujours agréable
Encore plus tangible que cela, il y ce courant qui achemine l’eau vers un
réservoir encore plus important. Nous le savons que c’est plus facile de suivre le
courant que d’aller à contre-courant… Il y a une résistance ou une impulsion. Il y un
débit d’eau assez fort qui entraîne les bateaux sur le fleuve St-Laurent, «ce chemin
qui avance» comme le nommaient les autochtones de ce côté de la grande marre.
L’eau suit son cours devenant ainsi tout simplement un cours d’eau. La Nouvelle-
France est un royaume tout tracé de cours d’eau assez importants avec un fleuve large
ouvert et aux ramifications aussi importantes que ses fameux affluents. En temps de
vacances estivales, nous allons vers le grand fleuve comme si nous y étions conduits
par un sourcier. Oui, nous allons à la recherche d’une source quelque partCelle de
l’été, celle du repos, celle de la récupération.
Déjà les navires, pour traverser la mer, en quittant la vieille France, avaient
ouvert leurs voiles au gré du vent qui les gonflaient et leur donnaient une poussée
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indispensable. Dans nos livres de lecture, en première année, nous apprenions à lire
et à écrire la lettre «V» en regardant, amus, un gros visage aux joues gonflées qui
projetait de sa bouche des traits qui formaient une sorte de nuées. «V… V… V…»
entendions-nous souffler le vent…!
Voici autant d’éléments qui forment un courant : l’énergie, l’eau et le vent. Nous
sommes en présence de tous les ingrédients pour parler et illustrer le baptême, n’est-
ce pas? Ceux qui allaient rencontrer Jean, celui qui prêchait dans le désert, s’y
rendaient pour recevoir de lui le baptême.
«Quelqu’un vient après moi et qui passe en avant de moi parce que, avant
moi, il était.…. » (Jean 1, 15). «Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. »
(Matthieu 3,11). Voilà la source nouvelle du Jourdain! Voilà le baptême nouveau que
nous avons reçu! Voilà d’où part le courant pour être branché sur Celui qui donne de
vivre de son Esprit. Et voilà d’où partent tous les courants spirituels. Dieu est la
Source de toute expérience spirituelle. Dieu est le chemin qui fait passer tous les
courants spirituels comme un fleuve de grâces intarissable.
«Il y a plusieurs demeures dans la Maison de mon Père.», disait Jésus au soir
de la Cène (Jean 14,2). Les courants spirituels, partant de la même source, se dirigent
de différentes façons comme autant d’affluents vers autant de demeures. Les courants
spirituels ne se laissent pas saisir si facilement; ils s’écoulent bien souvent
imperceptiblement entre les doigts. Les courants spirituels échappent à bien des
définitions qui cherchent à les étiqueter, et à les encadrer, les soumettre à des
concepts. En réalité, bien souvent des théories se compénètrent et les «écoles» ne sont
pas fermées hermétiquement. Il s’agit encore moins d’un cinéma du genre western en
noir et blanc, avec des bons et des méchants, des meilleurs et des pires…! Ce n’est pas
juste un bon match entre les Nordiques et les Canadiens…! À partir de quelques
témoins, nous ne pouvons n’en dépister que quelques signes de ce fondu- enchaîné qui
dépasse tout cinéma.
Devant un domaine qui s’ouvre aussi multiple et varié que celui de la spiritualité,
nous sommes invités à laisser l’Esprit-Saint travailler en chacun et chacune de nous.
C’est avec un «cœur de chair» que nous réfléchirons sur ces «courants spirituels qui
ont présidé à la fondation de Ville-Marie». À créneaux variables, perception variable.
Si ça prend trente jours d’Exercices spirituels pour mieux comprendre la spiritualité
d’Ignace de Loyola et des Jésuites, nous pouvons nous dire que ça peut prendre toute
une vie pour comprendre la spiritualité des Sulpiciens…!
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2,- Un fond de scène comme un tableau de Chagall :
Traçons à grands traits les teintes que va prendre le XVIIe siècle. Ce qui attire
le regard comme à partir d’un rétroviseur , c’est le schisme d’Occident. Ce que les
historiens ont longtemps identifiés comme une Réforme appelant une Contre-
Réforme. La contestation de Luther prenait de l’ampleur, se faisait de plus en plus
bruyante. Un premier Concile fut convoqué par Jules II pour répondre et disqualifier
les propositions du Concile de Pise tenu entre 1512 et 1517. C’est à la suite de ce
Concile du Latran V que Luther ira afficher les « 95 Résolutions » sur la porte de la
Cathédrale de la Toussaint de Wittemberg, le 31 octobre 1517. Il y a donc 500 ans
cette année… La discussion s’amène sur la place publique et les esprits s’échauffent.
Sur la question des indulgences, Luther s’en prend plus au Pape qu’à la réalité même
des indulgences. En fait, il ne laisse poindre aucune indulgence envers le chef de
l’Église Catholique. Près de trente ans plus tard, un XIXe Concile œcuménique est
convoqué par le pape Paul III, le 22 mai 1542. C’est un siècle avant la fondation de
Ville-Marie. Ce sera un siècle chargé d’histoires et même de plusieurs histoires qui
forgeront la grande Histoire. Le courant qui va déferler sur la France ressemble bien
des fois aux effets d’un tsunami. Alors les cardinaux et évêques sont réunis en un
Concile qui va s’étendre sur vingt ans en trois sessions : celle de 1545 à 1549, celle de
1551-1552, enfin celle de 1562-1564.
La grande fresque murale aurait pu se dessiner à grands traits de discussion de
part en part d’une allée conciliaire. Mais pendant que les questions cruciales de la
dernière session sont débattues, des combats différemment musclé viennent
ensanglantés le paysage du Royaume de France qui n’est pas encore unifié. Une
Guerre de Religions sème une forme de terreur en France. Commencée par quelques
mouvements de persécutions entre catholiques et protestants vers 1520. Le
mouvement d’animosité prend l’ampleur d’une guerre civile au moment de
l’affaiblissement des règnes de François II et de Charles IX. Ces feux seront attisés
par des interventions intéressées des Pays-Bas et de l’Espagne. La nuit de noces de
roi de Navarre avec Marguerite de Valois se change en bain de sang… Voici que la
toile de fond de scène rougit du sang des protestants en cette nuit tragique de la Saint-
Barthélemy du 24 août 1572. Ce moment va changer le cours des choses en France.
Le roi protestant Henri IV va se convertir à sa religion d’origine, le catholicisme. De
plus, il va devoir prendre une position plus claire et plus ferme en proclamant l’Édit
de Nantes, le 13 avril 1598. Cet Édit vientfinir avec plus de précision les droits des
Protestants dans le Royaume de France et leur réserver quelques villes.
Le tempérament de celui que nous considérons comme le Père de la Nouvelle
France, Samuel sieur de Champlain, fut trempé dans cette expérience des combats de
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cette Guerre des Religions, en cette fin du XVIe siècle. Pour lui, les valeurs de courage
et de loyauté ont caractérisé le preux chevalier qu’il fut. Cette période houleuse a
formé aussi l’humaniste qui ne voulait plus que la paix et l’harmonie entre les peuples
qui devaient vivre ensemble en terre d’Amérique. Mais, il faut bien l’avouer
l’expérience et les multiples talents du Xaintongeais n’ont servi beaucoup plus à celui
qui venait explorer et cartographier l’Acadie et la Nouvelle France qu’à ses velléités
et prétentions missionnaires. Samuel de Champlain en bon «Père d’une Nation» a
d’abord été un découvreur, un explorateur et un cartographe.
3.- Une approche phénoménologique :
a) la grâce du Baptême :
Maintenant approchons encore plus près de ces témoins qui ont jalonné le
XVIIe siècle en France. Le fond de scène va se transformer de plus en plus en un
tableau impressionniste, et même à l’occasion pointilliste à la Georges-Pierre Seurat
et à la Paul Signac. Nous n’y pénétrons pas comme dans la «Galerie des Glaces» où
chacune et chacun est figé en buste ou en pied se mirant ou s’admirant l’un l’autre.
Aucun ne fut assez complaisant pour laisser son image se refléter en pleine lumière.
Elles ont laissé peu d’écrits, quelques confidences bien sobres. Il faut avancer
délicatement comme dans une galerie de porcelaine assez fragile. Avant de les cerner,
les prendre dans nos mains, nous devons faire l’exercice de mieux ajuster nos
lorgnettes pour chacun, pour chacune. Nous avons affaire à des personnes avec une
intimité et une part de mystère…. Puisque crées à l’image de Dieu, Créateur. Cela,
elles en étaient bien conscientes et le croyaient elles-mêmes fortement.
Alors il faut maintenant distinguer des mots souvent utilisés indifféremment
quand on parle de spiritualité : le spirituel, l’intérieur, le dévot, le mystique…. Une
démarche est entreprise à partir du cœur de soi vers et même parfois jusqu’au divin.
La démarche spirituelle est une quête de Dieu…Pour illustrer mon propos en tâchant
d’approcher ce lieu de rencontre entre une personne et Dieu qui l’attend, je pense à
l’expérience de Moïse qui approche du «Buisson ardent». (Exode 3 2-7). Mais pour le
chrétien, il y a une Source toujours aussi bouillonnante et vivifiante que la piscine des
Portiques. Je parle de la fontaine baptismale où chaque chrétien a reçu l’eau sur son
front comme signe sensible et l’Esprit de Dieu en son cœur. On peut encore entrer
dans les eaux comme le paralytique qui attend le support nécessaire pour être plongé
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