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Par conséquent, la politique n’est pas une science exacte – telle que les mathématiques – ni
une science expérimentale. Lorsqu’elle prétend connaître le réel et le transformer en vertu
d’un prétendu savoir prophétique de l’avenir de l’humanité, la politique détruit l’homme,
porte atteinte à sa dignité et à sa liberté.
C. La politique est un art qui exige un sens historique, et une aptitude à l’action
Comme exercice du pouvoir, elle est un savoir-faire pratique qui exige la connaissance
empirique de l’État, l’expérience du pouvoir et la capacité d’exercer une autorité sur les
hommes.
Comme tel, ce savoir-faire exige des qualités particulières : « La force du lion et la ruse du
renard », comme le dit Machiavel à propos du prince dans Le Prince, l’art de prendre et de
conserver le pouvoir, une intuition de ce qu’il convient de faire au moment opportun et un
sens historique : « La fortune est femme, il faut la battre et heurter », dit encore Machiavel.
C’est cette dernière idée que reprendra Hegel dans sa philosophie de l’Histoire : l’homme
politique, le grand homme, est celui qui, à un moment charnière de l’Histoire, a une intuition
locale et pénétrante, mais non théorique, de ce qu’il faut faire, pour contribuer à un progrès de
la Raison dans l’Histoire.
Conclusion et transition
Cependant, toutes les qualités dont le gouvernant a besoin pour assurer son autorité sur un
peuple peuvent également servir ses intérêts propres plutôt que ceux de l’État. Ainsi en est-il
en particulier de l’art de la rhétorique dont l’homme politique peut faire un instrument de
domination. C’est le cas lorsque la politique est proche de la sophistique, lorsqu’elle est celle
d’une poignée de démagogues.
2. La politique est une science
A. La politique ne requiert pas de compétence particulière, de savoir-faire technique
Tout d’abord, la politique ne requiert pas de compétence particulière, de savoir-faire
technique.
Il convient de s’élever en ce sens contre l’idée d’une politique de technocrates et d’orateurs.
Elle ne saurait reposer en particulier sur des techniques de communication qui conduisent à la
sophistique, à l’art de parler et de flatter le peuple, plutôt qu’au souci de réaliser la justice.
Ensuite, en un sens large du terme, la politique, la vie collective des citoyens, est sinon une
science, du moins l’objet d’une science humaine, la science politique.
B. La politique est la science suprême
L’exercice de la justice suppose non pas la maîtrise d’une science particulière, la « science
politique », mais la science suprême : l’amour de la sagesse ou philosophie – soit l’amour du
Bien et du Vrai. Ainsi Platon, dans La République, définit-il la justice comme l’oeuvre du
philosophe roi, lequel a pour tâche de faire régner l’ordre dans la cité – d’attribuer à chaque
classe sociale une fonction particulière : aux commerçants et aux paysans celle de s’enrichir et
de nourrir la cité, aux guerriers celle de la protéger, aux philosophes, enfin, celle d’exercer le
pouvoir dans l’intérêt commun. Au terme d’une éducation complète en effet, le philosophe,
qui est aussi un homme courageux et un savant, sera seul capable de gouverner précisément