BIBLIOGRAPHIE / OUVRAGES A EMPRUNTER En partenariat avec la Bibliothèque municipale d’Asquins Karl Marx, Le Capital, Livre I (1867) L’ouvrage majeur de Marx. Long, parfois un peu technique, mais aussi beaucoup de souffle et souvent de l’humour. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905) Le sociologue allemand associe l’émergence du capitalisme au développement du protestantisme et de l’éthique de la besogne, du culte du travail qui l’accompagnent. Temps de cerveau disponible Les débats du Collectif Citoyen Vézelien Karl Polanyi, La grande transformation (1944) Associant histoire et anthropologie, l’économiste hongrois présente le développement du capitalisme comme une domination progressive de l’économie de marché, jusque là strictement cantonnée, sur l’ensemble de la vie sociale. Pierre Clastres, La société contre l’Etat (1977) Un ensemble d’études et de réflexions ethnologiques, qui présente les sociétés primitives comme des sociétés d’abondance et de loisirs, refusant délibérément l’extension des besoins, du travail et de l’Etat. Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme (1985) Un résumé de la grande étude sur le début du capitalisme, publiée en 1967 par le grand historien français. Court, synthétique et clair. André Gorz, Capitalisme, Socialisme, Ecologie (1991), Ecologica (2007) Philosophe associant étroitement écologie et marxisme, dès les années 70, Gorz a développé une profonde critique du travail et a imaginé les modalités d’une sortie heureuse du capitalisme. Moshe Postone, Temps, travail et domination sociale (1993) Le philosophe américain propose une relecture hétérodoxe du Capital, qui met la critique du travail au premier plan. Dense, mais profond et passionnant. Bernard Stiegler : Réenchanter le monde (2008) Bernard Stiegler développe une critique approfondie du capitalisme consumériste des XXe et XXIe siècles, tout en cherchant à dessiner les contours d’une nouvelle économie « contributive ». Anselm Jappe, Mort à crédit (2011) Recueil d’articles portant sur l’économie, la politique et l’art, d’une lecture assez aisée. Des conférences d’Anselm Jappe sont disponibles sur le Net, et un site très riche consacré à la « critique de la valeur » : http://www.palim-psao.fr La domination du Capitalisme intervention de Julien Gautier, professeur de philosophie 23 mai 2015 - Café les Hirondelles (Asquins) www.facebook.com/collectifvezelien Le but déterminant du capitaliste n’est ni la valeur d’usage, ni la jouissance, mais bien la valeur d’échange et son accroissement continu. Agent fanatique de la valorisation de la valeur, il force les hommes, sans trêve ni merci, à produire pour produire. Karl Marx, Le Capital La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources de toute richesse : la terre et le travailleur. Karl Marx, Le Capital Chacun d’entre nous sent de manière plus ou moins claire qu’il est prisonnier d’une sorte de système qui conditionne son existence. Chacun d’entre nous est contraint de travailler pour vivre et d’acheter tout ce dont il a besoin. Plus généralement, notre monde paraît régi par l’argent, par le calcul, et comme lancé dans une course sans fin à la croissance et à la destruction de la planète. Ce système est bien réel et il a un nom : le capitalisme, dont Marx a été le premier à décortiquer le fonctionnement et à montrer qu’il n’était pas naturel à l’homme mais historique. La machinerie capitaliste exerce sur les hommes une forme de domination abstraite, anonyme et invisible, qui tend à soumettre leur existence entière aux impératifs de la rationalité économique, et dont les catégories fondamentales sont la marchandise, le capital et le travail. Aucune chose n’est par nature une marchandise. Une marchandise est une chose étrange, à double face ayant à la fois une utilité (valeur d’usage), en tant qu’elle répond à un besoin de la vie, et une valeur économique, un prix (valeur d’échange), permettant de la comparer avec toutes les autres marchandises (1 vélo = 2 vestes = 4 chemises, etc.). Et ce qui permet de comparer la valeur des marchandises entre elles, c’est le temps de travail humain contenu en elles. Ainsi se constituent deux formes de richesse très différentes l’une de l’autre : la richesse-utilité (v. d’usage), définie par les besoins humains, et la richesse économique (v. d’échange), fondée sur la dépense de travail et sans rapport direct avec la première. MARCHANDISE valeur d’usage (besoins) valeur d’échange (travail) Le capitalisme est d’abord une société marchande généralisée, dans laquelle tous les biens et services tendent à être échangés sous la forme de marchandises, c’està-dire sous le règne de la valeur d’échange. Mais il n’est pas que cela : dans ce système économique, la production et l’échange des biens sont eux-mêmes au service de la logique du capital. L’échange marchand peut être schématisé par le mouvement M-A-M’ (marchandise-argent-marchandise) : un producteur vend son produit (M) sur le marché à un autre producteur et en reçoit la valeur d’échange sous la forme d’argent (M-A), puis il achète à son tour une autre marchandise (M’) avec l’argent reçu (A-M’). Dans ce cycle, l’échange de valeurs d’usage et la satisfaction des besoins sont la finalité du processus, tandis que l’argent et la valeur d’échange servent de moyens. La logique capitaliste inverse en quelque sorte ce cycle : l’entrepreneur dispose d’argent (A) qu’il commence par investir dans des marchandises (M : moyens de production et travail), qu’il utilise puis revend dans le but d’en tirer un profit, une survaleur (M-A’, où A’ > A). Ici, au contraire de M-A-M’, les marchandises sont des moyens, de simples intermédiaires pour réaliser l’accroissement de la valeur initiale. M-A-M’ (logique marchande) A-M-A’ (logique capitaliste) Mais d’où peut donc provenir cet accroissement de valeur ? Du travail humain dépensé au moment de la production : ce qui sort de l’usine a plus de valeur d’échange que ce qui y est entré, car à la valeur initiale s’est ajouté le temps de travail de l’ouvrier. Le système capitaliste repose ainsi sur l’exploitation du temps de travail, et il n’a pu se développer qu’en contraignant les gens à vendre leur force de travail, à devenir des salariés, des travailleurs-consommateurs : il a fallu faire en sorte que personne ne produise ce qu’il consomme ni ne consomme ce qu’il produit, et soit ainsi à la fois contraint de travailler et de tout acheter pour subvenir à ses besoins. En cela, le capitalisme constitue le renversement de ce que l’on pourrait appeler l’économie “normale”. Au lieu que les besoins déterminent la consommation, puis que la consommation détermine le niveau et les modalités de la production et du travail, dans la société capitaliste, c’est le contraire : ce sont les exigences du capital qui déterminent la production et le travail, puis la production qui détermine la consommation et les besoins humains, via le marketing notamment. BESOINS (vie) PRODUCTION TRAVAIL CONSOMMATION PRODUCTION TRAVAIL CONSOMMATION BESOINS (vie) La vie est ici au service de l’économie, non l’inverse. Et c’est cela le fond de la domination capitaliste. Celle-ci ne consiste pas seulement dans le fait que les richesses produites sont mal ou inégalement réparties. Elle consiste plus fondamentalement à asservir la vie humaine et son milieu - la Terre - aux impératifs du travail industriel, de la productivité, de la production et de la consommation croissantes, bref, de la rationalité économique livrée à elle-même. JG