Temps de cerveau
disponible
Les débats du Collectif Citoyen Vézelien
La domination du
Capitalisme
intervention de Julien Gautier, professeur de philosophie
23 mai 2015 - Café les Hirondelles (Asquins)
BIBLIOGRAPHIE / OUVRAGES A EMPRUNTER
En partenariat avec la Bibliothèque municipale dAsquins
Karl Marx, Le Capital, Livre I (1867)
Louvrage majeur de Marx. Long, parfois un peu technique, mais aussi beaucoup de
soue et souvent de l’humour.
Max Weber, Léthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905)
Le sociologue allemand associe l’émergence du capitalisme au développement du
protestantisme et de léthique de la besogne, du culte du travail qui l’accompagnent.
Karl Polanyi, La grande transformation (1944)
Associant histoire et anthropologie, léconomiste hongrois présente le développement
du capitalisme comme une domination progressive de l’économie de marché, jusque là
strictement cantonnée, sur lensemble de la vie sociale.
Pierre Clastres, La société contre l’Etat (1977)
Un ensemble détudes et de réexions ethnologiques, qui présente les sociétés primi-
tives comme des sociétés d’abondance et de loisirs, refusant délibérément lextension
des besoins, du travail et de l’Etat.
Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme (1985)
Un résumé de la grande étude sur le début du capitalisme, publiée en 1967 par le grand
historien français. Court, synthétique et clair.
André Gorz, Capitalisme, Socialisme, Ecologie (1991), Ecologica (2007)
Philosophe associant étroitement écologie et marxisme, dès les années 70, Gorz a
développé une profonde critique du travail et a imaginé les modalités d’une sortie
heureuse du capitalisme.
Moshe Postone, Temps, travail et domination sociale (1993)
Le philosophe américain propose une relecture hétérodoxe du Capital, qui met la cri-
tique du travail au premier plan. Dense, mais profond et passionnant.
Bernard Stiegler : enchanter le monde (2008)
Bernard Stiegler développe une critique approfondie du capitalisme consumériste des
XXe et XXIe siècles, tout en cherchant à dessiner les contours dune nouvelle économie
« contributive ».
Anselm Jappe, Mort à crédit (2011)
Recueil d’articles portant sur léconomie, la politique et lart, d’une lecture assez aisée.
Des conférences d’Anselm Jappe sont disponibles sur le Net, et un site très riche con-
sacré à la « critique de la valeur » : http://www.palim-psao.fr
www.facebook.com/collectifvezelien
MARCHANDISE
valeur dusage
(besoins)
valeur déchange
(travail)
Le but déterminant du capitaliste nest ni la valeur d’usage, ni la jouis-
sance, mais bien la valeur déchange et son accroissement continu. Agent
fanatique de la valorisation de la valeur, il force les hommes, sans trêve ni
merci, à produire pour produire.
Karl Marx, Le Capital
La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinai-
son du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les
deux sources de toute richesse : la terre et le travailleur.
Karl Marx, Le Capital
Chacun d’entre nous sent de manière plus ou moins claire qu’il est prisonnier
dune sorte de système qui conditionne son existence. Chacun d’entre nous est
contraint de travailler pour vivre et dacheter tout ce dont il a besoin. Plus géné-
ralement, notre monde paraît régi par l’argent, par le calcul, et comme lancé dans
une course sans n à la croissance et à la destruction de la planète.
Ce système est bien réel et il a un nom : le capitalisme, dont Marx a été le premier
à décortiquer le fonctionnement et à montrer qu’il nétait pas naturel à lhomme
mais historique. La machinerie capitaliste exerce sur les hommes une forme de
domination abstraite, anonyme et invisible, qui tend à soumettre leur existence
entière aux impératifs de la rationalité économique, et dont les catégories fonda-
mentales sont la marchandise, le capital et le travail.
Aucune chose nest par nature une marchandise. Une marchandise est une chose
étrange, à double face ayant à la fois une utilité (valeur d’usage), en tant qu’elle ré-
pond à un besoin de la vie, et une valeur économique, un prix (valeur d’échange),
permettant de la comparer avec toutes les autres marchandises (1 vélo = 2 vestes =
4 chemises, etc.). Et ce qui permet de comparer la valeur des marchandises entre
elles, c’est le temps de travail humain contenu en elles. Ainsi se constituent deux
formes de richesse très diérentes lune de l’autre : la richesse-utilité (v. dusage),
dénie par les besoins humains, et la richesse économique (v. d’échange), fondée
sur la dépense de travail et sans rapport direct avec la première.
le mouvement M-A-M’ (marchandise-argent-marchandise) : un producteur
vend son produit (M) sur le marché à un autre producteur et en reçoit la valeur
déchange sous la forme dargent (M-A), puis il achète à son tour une autre
marchandise (M’) avec l’argent reçu (A-M’). Dans ce cycle, l’échange de valeurs
dusage et la satisfaction des besoins sont la nalité du processus, tandis que
largent et la valeur déchange servent de moyens. La logique capitaliste inverse
en quelque sorte ce cycle : lentrepreneur dispose d’argent (A) qu’il commence
par investir dans des marchandises (M : moyens de production et travail), qu’il
utilise puis revend dans le but d’en tirer un prot, une survaleur (M-A, où A’ >
A). Ici, au contraire de M-A-M’, les marchandises sont des moyens, de simples
intermédiaires pour réaliser l’accroissement de la valeur initiale.
Mais doù peut donc provenir cet accroissement de valeur ? Du travail humain
dépensé au moment de la production : ce qui sort de l’usine a plus de valeur
déchange que ce qui y est entré, car à la valeur initiale s’est ajouté le temps de
travail de louvrier.
Le système capitaliste repose ainsi sur lexploitation du temps de travail, et il
na pu se développer quen contraignant les gens à vendre leur force de travail,
à devenir des salariés, des travailleurs-consommateurs : il a fallu faire en sorte
que personne ne produise ce qu’il consomme ni ne consomme ce qu’il produit,
et soit ainsi à la fois contraint de travailler et de tout acheter pour subvenir à ses
besoins.
En cela, le capitalisme constitue le renversement de ce que lon pourrait appeler
léconomie “normale. Au lieu que les besoins déterminent la consommation,
puis que la consommation détermine le niveau et les modalités de la production
et du travail, dans la société capitaliste, cest le contraire : ce sont les exigences
du capital qui déterminent la production et le travail, puis la production qui dé-
termine la consommation et les besoins humains, via le marketing notamment.
La vie est ici au service de l’économie, non l’inverse. Et cest cela le fond de la
domination capitaliste. Celle-ci ne consiste pas seulement dans le fait que les
richesses produites sont mal ou inégalement réparties. Elle consiste plus fonda-
mentalement à asservir la vie humaine et son milieu - la Terre - aux impératifs
du travail industriel, de la productivité, de la production et de la consommation
croissantes, bref, de la rationalité économique livrée à elle-même.
JG
M-A-M’
(logique marchande)
A-M-A
(logique capitaliste)
BESOINS
(vie)
BESOINS
(vie)
CONSOMMATION
CONSOMMATION
PRODUCTION
TRAVAIL
PRODUCTION
TRAVAIL
Le capitalisme est dabord une société marchande généralisée, dans laquelle tous
les biens et services tendent à être échangés sous la forme de marchandises, c’est-
à-dire sous le règne de la valeur déchange. Mais il nest pas que cela : dans ce
système économique, la production et léchange des biens sont eux-mêmes au
service de la logique du capital. Léchange marchand peut être schématisé par
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