MARCHANDISE
valeur d’usage
(besoins)
valeur d’échange
(travail)
Le but déterminant du capitaliste n’est ni la valeur d’usage, ni la jouis-
sance, mais bien la valeur d’échange et son accroissement continu. Agent
fanatique de la valorisation de la valeur, il force les hommes, sans trêve ni
merci, à produire pour produire.
Karl Marx, Le Capital
La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinai-
son du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les
deux sources de toute richesse : la terre et le travailleur.
Karl Marx, Le Capital
Chacun d’entre nous sent de manière plus ou moins claire qu’il est prisonnier
d’une sorte de système qui conditionne son existence. Chacun d’entre nous est
contraint de travailler pour vivre et d’acheter tout ce dont il a besoin. Plus géné-
ralement, notre monde paraît régi par l’argent, par le calcul, et comme lancé dans
une course sans n à la croissance et à la destruction de la planète.
Ce système est bien réel et il a un nom : le capitalisme, dont Marx a été le premier
à décortiquer le fonctionnement et à montrer qu’il n’était pas naturel à l’homme
mais historique. La machinerie capitaliste exerce sur les hommes une forme de
domination abstraite, anonyme et invisible, qui tend à soumettre leur existence
entière aux impératifs de la rationalité économique, et dont les catégories fonda-
mentales sont la marchandise, le capital et le travail.
Aucune chose n’est par nature une marchandise. Une marchandise est une chose
étrange, à double face ayant à la fois une utilité (valeur d’usage), en tant qu’elle ré-
pond à un besoin de la vie, et une valeur économique, un prix (valeur d’échange),
permettant de la comparer avec toutes les autres marchandises (1 vélo = 2 vestes =
4 chemises, etc.). Et ce qui permet de comparer la valeur des marchandises entre
elles, c’est le temps de travail humain contenu en elles. Ainsi se constituent deux
formes de richesse très diérentes l’une de l’autre : la richesse-utilité (v. d’usage),
dénie par les besoins humains, et la richesse économique (v. d’échange), fondée
sur la dépense de travail et sans rapport direct avec la première.
le mouvement M-A-M’ (marchandise-argent-marchandise) : un producteur
vend son produit (M) sur le marché à un autre producteur et en reçoit la valeur
d’échange sous la forme d’argent (M-A), puis il achète à son tour une autre
marchandise (M’) avec l’argent reçu (A-M’). Dans ce cycle, l’échange de valeurs
d’usage et la satisfaction des besoins sont la nalité du processus, tandis que
l’argent et la valeur d’échange servent de moyens. La logique capitaliste inverse
en quelque sorte ce cycle : l’entrepreneur dispose d’argent (A) qu’il commence
par investir dans des marchandises (M : moyens de production et travail), qu’il
utilise puis revend dans le but d’en tirer un prot, une survaleur (M-A’, où A’ >
A). Ici, au contraire de M-A-M’, les marchandises sont des moyens, de simples
intermédiaires pour réaliser l’accroissement de la valeur initiale.
Mais d’où peut donc provenir cet accroissement de valeur ? Du travail humain
dépensé au moment de la production : ce qui sort de l’usine a plus de valeur
d’échange que ce qui y est entré, car à la valeur initiale s’est ajouté le temps de
travail de l’ouvrier.
Le système capitaliste repose ainsi sur l’exploitation du temps de travail, et il
n’a pu se développer qu’en contraignant les gens à vendre leur force de travail,
à devenir des salariés, des travailleurs-consommateurs : il a fallu faire en sorte
que personne ne produise ce qu’il consomme ni ne consomme ce qu’il produit,
et soit ainsi à la fois contraint de travailler et de tout acheter pour subvenir à ses
besoins.
En cela, le capitalisme constitue le renversement de ce que l’on pourrait appeler
l’économie “normale”. Au lieu que les besoins déterminent la consommation,
puis que la consommation détermine le niveau et les modalités de la production
et du travail, dans la société capitaliste, c’est le contraire : ce sont les exigences
du capital qui déterminent la production et le travail, puis la production qui dé-
termine la consommation et les besoins humains, via le marketing notamment.
La vie est ici au service de l’économie, non l’inverse. Et c’est cela le fond de la
domination capitaliste. Celle-ci ne consiste pas seulement dans le fait que les
richesses produites sont mal ou inégalement réparties. Elle consiste plus fonda-
mentalement à asservir la vie humaine et son milieu - la Terre - aux impératifs
du travail industriel, de la productivité, de la production et de la consommation
croissantes, bref, de la rationalité économique livrée à elle-même.
JG
M-A-M’
(logique marchande)
A-M-A’
(logique capitaliste)
BESOINS
(vie)
BESOINS
(vie)
CONSOMMATION
CONSOMMATION
PRODUCTION
TRAVAIL
PRODUCTION
TRAVAIL
Le capitalisme est d’abord une société marchande généralisée, dans laquelle tous
les biens et services tendent à être échangés sous la forme de marchandises, c’est-
à-dire sous le règne de la valeur d’échange. Mais il n’est pas que cela : dans ce
système économique, la production et l’échange des biens sont eux-mêmes au
service de la logique du capital. L’échange marchand peut être schématisé par